Publié le : 28 octobre 2015
Source : michelcollon.info
Quelles sont les raisons du silence médiatique à propos de la guerre au Yémen ?
La guerre proportionnellement la plus meurtrière n’existe pas. En tout cas, dans les médias occidentaux. 5 000 tués dont 500 enfants brûlés vifs par les bombardiers. 1,5 million de réfugiés. Pas important, les bombardeurs du Yémen sont « nos » salauds : les Saoud ! Routes, ponts, écoles, hôpitaux, zones résidentielles, cimetières, aéroports détruits. Pas grave, les destructeurs sont « nos » salauds : les Saoud ! Plus de 10 millions de civils privés d’eau ou de nourriture, dit l’ONU. On s’en fout, les organisateurs du blocus sont « nos » salauds : les Saoud !
Trente sites archéologiques majeurs dévastés, dont le temple antique de Nakrah, la forteresse médiévale d’al-Qahira, le musée de Dhamar (douze mille objets vieux de cinq mille ans en poussière) : continuez donc, « nos salauds », les Saoud !
« C’est la première fois en 10 ans de missions que je suis plongé dans un tel climat de violence. Même à Gaza, en Côte d’Ivoire, en Somalie ou en Centrafrique, je n’ai jamais vu pareille situation où le conflit ne s’arrête jamais. Les trêves ne sont jamais respectées plus de deux heures. Les équipes de MSF travaillent jour et nuit, elles sont exténuées. Le quotidien est rythmé par les cris, les pleurs, le sang et les morts. » L’homme qui parle ainsi revient du Yémen, c’est Thierry Goffeau de Médecins sans Frontières. Un habitué pourtant.
Mais de tout cela, vous n’entendez guère parler. Il y a bien, de temps en temps, l’une ou l’autre brève, voire un reportage un peu objectif, mais noyés dans le flot quotidien de propagande contre les « salauds-qui-ne-sont pas-avec-nous », de news sans intérêt et de divertissements-diversions. Jamais une question méchante posée à Hollande et Fabius qui soutiennent « nos salauds », jamais une enquête approfondie sur les secrets de ces cheikhs qui interdisent toute vie normale aux femmes mais se tapent des prostituées, interdisent la culture, mais collectionnent les gadgets « impies », se prétendent musulmans mais pratiquent l’esclavage et jamais une campagne médiatique pour sanctionner l’Etat le plus rétrograde, le plus antidémocratique et le plus cruel du monde. Ben oui, ce sont « nos salauds », ils nous filent le pétrole à prix cassés, investissent dans nos multinationales, financent les terroristes que nous n’osons soutenir ouvertement, soutiennent Israël et divisent les Arabes, sponsorisent nos campagnes électorales présidentielles.
Et en plus, ces gens merveilleux achètent nos armes. En 2013, le Moyen-Orient a représenté 40% des ventes françaises d’armement. L’Arabie saoudite était le principal client : 28%. En 2014, les Saoud ont commandé pour trois milliards d’euros d’armements à la France et sont devenus le premier importateur mondial d’équipements militaires. Ils représentent un quart des ventes d’armes belges (souvent transmises à Daesh d’ailleurs).
De même, l’Allemagne a fourni les missiles Iris et les fusils d’assaut G36 (Heckler & Koch), et Londres, les avions de combat Tornado et Eurofighter. Ces livraisons ont-elles continué après que Riyad a déclenché sa guerre illégale ? Oui. Les Yéménites sont-ils massacrés, aujourd’hui encore, avec des armes « démocratiques » européennes ? Oui. Les pétrodollars n’ont pas d’odeur et les marchands d’armes pas de morale.
Quand Daesh massacre des civils innocents, le monde s’indigne, mais quand les Saoud font pareil, on regarde ailleurs Voilà pourquoi le Yémen meurt en silence. Les médias se prosternent devant nos gouvernants, qui se prosternent devant les hommes d’affaires, qui se prosternent devant les pétrodollars.
Résultat ? Quand Daesh détruit des monuments historiques, patrimoine de l’humanité, le monde s’indigne, mais quand les Saoud font pareil, silence complet. Quand Daesh répand le fanatisme religieux, réprobation générale, mais quand les Saoud font pareil, silence complet. Quand Daesh massacre des civils innocents, le monde s’indigne, mais quand les Saoud font pareil, on regarde ailleurs.
A quand une campagne de masse pour boycotter l’Arabie saoudite à travers ses complices à l’Ouest ?
Michel Collon