Publié le : 04 mai 2016
Source : siel-souverainete.fr
L’Action Française : La France, selon vous, est-elle confrontée à une crise d’identité ? Si oui, quels en sont les principaux facteurs ? l’invocation à la laïcité vous semble-t-elle avoir assez de consistance pour fonder le pacte social ?
Karim Ouchikh : A rebours de la pensée dominante, je suis convaincu que la France est en proie à une crise d’identité profonde, laquelle conduit nos compatriotes à s’alarmer légitimement de l’effacement programmée des institutions qui structuraient notre société et à se préoccuper de la disparition des repères qui forgeaient notre Bien Commun : service national, mariage hétérosexuel, fin de vie, modèle familial traditionnel, transmission des savoirs classiques, héritage historique, valeurs liées à l’autorité, au mérite, au respect des anciens…autant de balises qui ont sombré corps et biens. Cette représentation collective du monde qui fut celle des Français jusque dans les années 70 s’est effondrée en quelques décennies sous les coups de boutoir d’une société désincarnée, à la fois matérialiste et multiculturelle. Le premier de ces deux ressorts doit beaucoup à la société de consommation, née aux Etats-Unis, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, qui a largement contribué à détourner les individus de toute dimension spirituelle, à les déraciner de leurs appartenances naturelles et à leur ôter de toute volonté de se forger un destin commun. Le second de ces deux ressorts a partie liée avec l’irruption sur notre sol des communautarismes illégitimes : qu’il s’agisse des communautarismes à visée séparatiste (Corse), à orientation sexuelle (LGBT), « sociétaux » (Gender, Femen), ces communautarismes illégitimes ont tous pour résultat de conduire à l’atomisation et à la fragmentation de notre société. Mais le premier d’entre ces communautarismes allogènes est bien l’islam, cette religion conquérante et décomplexée qui s’enracine dans le paysage français depuis 40 ans avec l’apparition anxiogène de mosquées, de centres culturels confessionnels et de fidèles innombrables qui n’hésitent plus à afficher ostensiblement leur foi, dans leur propos, leurs tenues vestimentaires ou dans leurs modes de vie quotidiens. Cette véritable contre-société, qui s’organise méthodiquement, silencieusement, dans l’indifférence des pouvoirs publics, suscite d’innombrables motifs d’inquiétudes chez les « Français de souche » qui s’interrogent sur notre capacité collective à faire face à pareille expansion religieuse.
De ce point de vue, la laïcité « à la française » – celle qui met au fond toutes les religions sur le même plan, en bannissant leur expression de l’espace public – me parait être en l’état un outil parfaitement obsolète pour déjouer ce phénomène de crise identitaire ? Nos devons redéfinir ce principe d’organisation des pouvoirs publics public à l’égard des religions : si touts les cultes sont formellement égaux devant la loi, les religions ne le sont pas devant la mémoire : sans jamais promouvoir un Etat confessionnel, il nous faut donc fonder une laïcité non aseptisée, qui admettrait la prééminence du fait chrétien dans le débat public. Une laïcité charnelle qui serait en somme de nature à combler le vide identitaire qui s’est installé dans notre société ces dernières années.
Pensez-vous que la sortie de la zone euro et de l’UE sont des priorités, Quelles mesures économiques conviendrait-il de prendre avant tout ?
L’avenir de la France se conjugue avec celui de l’Europe. Mais je ne confonds certainement pas l’Europe avec l’Union européenne. L’Europe de Bruxelles a tué l’idéal européen, compromis la puissance économique de notre continent et anesthésié le rayonnement culturel de notre civilisation. Pour renouer avec l’Europe authentique, celle qui respecte et honore l’identité des peuples, il nous faut tourner radicalement le dos au modèle de construction supranational actuel pour privilégier une union confédérale respectueuse des Etats qui composent notre continent, mais aussi reconsidérer une zone euro qui demeure totalement inadaptée à la diversité des économies européennes. De ce point de vue, j’observe l’émergence partout en Europe de gouvernements eurosceptiques qui entendent remettre en cause le modèle de fonctionnement autoritaire et uniforme actuel de l’UE : de la Pologne à la Hongrie, mais aussi Grande-Bretagne, on assiste à l’enracinement d’un bloc conservateur dont le rayonnement politique est de nature à faire basculer le rapport de forces qui joue aujourd’hui plutôt en faveur du bloc euro-béat qui, de Berlin à la Scandinavie, en passant par le Benelux, montre des signes d’essoufflement considérables face aux échecs répétées de l’UE (chaos migratoire, défense européenne, crise grecque..). Si Marine Le Pen l’emporte aux présidentielle de 2017, ce bloc eurosceptique s’élargira à la France et entrainera sans doute dans son sillage les pays européens du bassin méditerranéen (Portugal, Espagne, Italie, Grèce) dans un élan suffisamment puissant pour imposer une modification concertée des traités européens, y compris dans le domaine monétaire : de ce point de vue, la sortie unilatérale de la France de l’UE (article 50 du traité de Lisbonne) et de zone euro, par suite d’une référendum, apparait à mes yeux comme une hypothèse subsidiaire, laquelle, sans être totalement à exclure, ne doit pas constituer l’alpha et l’omega de notre stratégie européenne.
Ceci étant dit, cet aggiornamento européen ne nous dispensera pas, dans le même temps, de l’obligation de remettre la France à niveau pour permettre à notre économie de rivaliser avec ses concurrents partout dans le monde, ce qui imposera d’inévitables réformes structurelles : équilibre de nos comptes publics ; politique de compétitivité de nos entreprises, surtout de nos PME ; allégement massif des charges sociales ; assouplissement de notre marché du travail ; limitation du rôle de la puissance publique à ses missions régaliennes et de soutien à nos filières stratégiques…
Quelle politique la France devrait-elle adopter par rapport à l’UE pour recouvrer une véritable marge de manœuvre, notamment en matière d’immigration ?
La France doit s’émanciper au plus vite de la tutelle de Bruxelles, selon une logique politique de rapport de force politique qui miserait sur le soutien explicite de nos compatriotes : pour ne pas susciter d’inutiles inquiétudes dans l’opinion publique française, je plaide donc pour une révision des traités européens – y compris celui qui nous rattache au Conseil de l’Europe – plutôt que de sortie brutale de l’Union européenne. En un mot comme en cent, je crois l’Union Européenne réformable de l’intérieur, je crois en un Big-bang institutionnel qui serait pleinement maitrisé. De ce bras de fer politique doit surgir la mise en œuvre d’un processus historique de renégociation du pacte européen qui ferait la part belle à l’indépendance réelle des Etats et qui n’accepterait de déléguer à une institution européenne recentré que des compétences limitées, en vertu du principe de subsidiarité.
Dans cette perspective, la France recouvrerait rapidement la maîtrise de ses frontières, ce qui lui permettrait de réguler enfin la circulation des ressortissants étrangers sur son sol. La politique migratoire redeviendrait ainsi une compétence pleinement nationale : mais soyons lucides : le chaos migratoire qui frappe l’Europe exige une réponse coordonnée à l’échelle du continent. Nous avons donc besoin d’une redéfinition de l’espace Schengen. Les Etats européens devront donc consentir au renforcement des contrôles aux frontières de Schengen pour traiter efficacement le phénomène migratoire en amont, tout en maîtrisant leurs frontières intérieures comme ligne de défense ultime.
Pensez-vous souhaitable et possible de revenir sur les lois dites « sociétales » ? La défense du travailleur français et celle de la famille française ne sont-elles pas complémentaires ?
Je suis né et j’ai grandi dans un milieu très modeste en côtoyant durant mon existence des individus de ma condition sociale d’origine. Par expérience personnelle, acquise notamment lors de mes nombreuses campagnes électorales, je peux affirmer que l’attachement des petites gens aux valeurs de toujours (autorité, mérité, discipline…) mais aussi aussi au modèle familial traditionnel (institution du mariage hétérosexuel, droit de l’enfant à avoir un père et une mère, respect de la dignité humaine…). Croire ainsi que les milieux populaires partagent la vision du monde libertaire d’une élite parisienne, hors-sol, otage de la Fondation Terra Nova, est une vue de l’esprit. Il existe donc selon moi un consensus des Français, toutes conditions sociales confondues, pour restaurer et conserver les repères qui structurent notre univers mental collectif : de ce point de vue, l’abrogation de la loi Taubira autorisant le mariage homosexuel me paraît être une priorité politique ; dans une saine vision conservatrice des choses, il nous faudra ne porter en rien atteinte à notre socle anthropologique et surtout nous interdire à l’avenir toute réforme transgressive qui ne peut que déstabiliser davantage les fondements de notre société (gender, marchandisation du corps, PMA, GPA….).
En définitive, il existe chez nos compatriotes une majorité silencieuse de droite qui aspire à se rassembler autour d’un modèle de société qui se définirait par ces trois caractères : le respect de l’autorité de l’Etat, à l’extérieur (souveraineté contre les hégémonies américaine ou islamique) comme à l’intérieur (lutte contre les féodalités) de nos frontières ; un attachement aux valeurs traditionnelles et à notre héritage historique ; une volonté de promouvoir partout les libertés, dans les domaines relavant de l’économie, de l’éducation, du monde syndical, de l’univers des médias….
Abolir les différentes lois adoptées successivement depuis 1972 entravant la liberté d’expression n’est-il pas une priorité pour libérer le débat intellectuel et politique français de la chape de plomb qui pèse actuellement sur lui ?
Les Etats-Unis n’ont jamais été pour moi une source d’inspiration, à l’exception sans doute de l’œuvre remarquable accomplie outre-Atlantique en matière de liberté d’expression. Protégée par le Premier amendement de la Constitution américaine, encadrée par une jurisprudence qui réprime les éventuels abus, la liberté d’expression n’est enfermée par principe par aucun tabou ni limite, à la différence de la France où se sont malheureusement succédées depuis quarante ans un maquis de lois liberticides qui enchainent la pensée et ligotent la parole. A quoi s’ajoute la dictature idéologique de la gauche, encore largement dominante dans les médias français, qui fossilise durablement, avec le règne du politiquement correct, le débat politique et intellectuel en France. Dans une saine perspective démocratique, l’abrogation de toutes les lois qui, depuis 1972, entravent la liberté d’expression dans notre pays, demeure plus que jamais une priorité politique. Il ne faut jamais avoir peur du libre débat, en gardant toutefois à l’esprit que notre arsenal judiciaire est suffisamment étoffé pour poursuivre et réprimer, sur la base de la responsabilité individuelle, civile et pénale, les inévitables abus attaché à la libre expression.
Le SIEL que vous présidez, participera-t-il aux Journées de Béziers organisées par Robert Ménard ? Dans l’affirmative, qu’en attendez-vous et que peut, en retour, y apporter votre mouvement dans la perspective de la renaissance française ?
Le SIEL a pour ambition de structurer le vaste espace politique qui existe ente LR et le FN que j’ai désigné sous le vocable de bloc villiériste : une droite des valeurs éprise de liberté, notamment au plan économique, souverainiste au plan institutionnel et conservatrice du point de vue sociétal. De ce point de vue, je ne cesse d’oeuvrer au rapprochement des Français qui ont le cœur à droite et qui, pour diverses raisons historiques, se trouvent être arrimés soit du côté des Républicains, soit de celui du FN. J’ai répondu présent à l’invitation qui m’a été faite par Robert Ménard de participer aux Journées de Béziers des 27, 28 et 29 mai prochain : je souhaite contribuer à mobiliser cette force politique de droite avec l’objectif, pour ce qui me concerne, d’appeler celle-ci à rejoindre Marine Le Pen qui me paraît être, malgré quelques divergences, la seule candidate crédible aux présidentielles pour redresser la France et assurer la prospérité de notre peuple. Constatant la puissance inouïe du vent conservateur qui souffle sur toute l’Europe, de Londres à Varsovie, en passant par la suisse ou la Hongrie, j’aspire au fond à l’émergence en France d’une nouvelle force politique qui assumerait sans détour les valeurs de droite et qui démantèlerait définitivement l’hégémonie idéologique de la gauche qui ruine notre pays depuis plus de cinquante ans.