Publié le : 06 mai 2016
Source : lesakerfrancophone.fr
Sanders est la seule chance des démocrates de gagner les élections.
La victoire de Donald Trump en Indiana a décidé des deux prétendants au poste de président des États-Unis : Trump et Hillary Clinton. Il est plus que probable que c’est l’ancienne secrétaire d’État et première dame qui remportera la nomination démocrate, en raison d’un vigoureux soutien de la part des bureaucrates du parti. Les soi-disant super-délégués ne sont guère influencés par la volonté populaire et sont presque tous de son côté. De ce fait, seul Dieu ou un miracle peuvent venir en aide à Bernie et à la machine du Parti démocrate.
Le problème du troisième candidat
Dès lors, le problème principal pour le Parti démocrate et l’establishment républicain est de savoir comment battre Trump. Il est possible de résoudre ce problème au moyen d’un troisième candidat. L’exode via un troisième parti est défendu principalement par les néocons. Le rédacteur en chef du Weelkly Standard, Bill Kristol, ainsi que Robert Kagan, persistent à promouvoir cette idée comme la seule chance de se débarrasser de Trump.
Bien entendu le troisième candidat ne l’emportera jamais, mais il soustraira des suffrages à Trump, garantissant une victoire de Clinton. Un conservateur indépendant dans le scrutin est le meilleur moyen de soutenir Clinton sans voter pour elle. Tim Miller, ancien consultant de Jeb Bush, est convaincu que c’est la meilleure stratégie. Les deux présidents de la famille Bush ne veulent pas soutenir Trump et sont à la recherche d’une personnalité alternative à appuyer, mais il n’y a personne d’autre. Si vous êtes un Républicain, vous jouez avec le feu en scindant dangereusement le parti et en ruinant votre carrière politique.
Ted Cruz a renoncé à la course à l’investiture républicaine, mais il a déclaré qu’il ne poursuivrait pas la lutte. Ses fervents partisans exècrent Trump plus que quiconque au monde, il peut donc idéalement faire l’affaire pour ce rôle de marionnette dans la main de Clinton, mais seulement s’il tient à mettre un terme à sa carrière politique, bien entendu. Les anti-Trump sont en quête d’idées pour enrôler Mitt Romney ou même l’ancien sénateur Tom Corburn comme troisième candidat, mais ces vétérans sont largement oubliés. L’establishment républicain paiera l’initiative d’un troisième candidat au prix de la destruction du parti. Ce n’est guère un problème pour les néocons, qui étaient démocrates à l’origine, mais ce sera catastrophique pour le système politique états-unien tout entier. C’est la raison pour laquelle l’option du troisième parti, amplement étudiée, a peu de chances de se concrétiser. C’est ce que démontre le comportement des fonctionnaires républicains. Une fois que les résultats de la primaire dans l’Indiana ont été connus, le responsable du Comité national républicain, Reince Priebus, a apporté son soutien à Trump en tant que candidat républicain.
Hillary ne peut tenir contre Trump
Le Parti républicain est complètement désarmé face à Trump. Depuis que Cruz et Kasich se sont retirés de la compétition, le milliardaire est désormais le seul candidat républicain à la présidence qui participera aux primaires.
Quoi qu’il en soit, Trump et Hillary ont une caractéristique en commun : tous deux sont les candidats les plus controversés, suscitant les opinions les plus défavorables de toute l’Histoire (65% contre Trump et 56% contre Clinton). La différence tient au fait que Clinton est une représentante corrompue, irresponsable et belliciste avérée de l’establishment. Contrairement à Obama, elle n’est pas perçue comme un moteur de changement. Trump et Sanders ont éveillé des forces qui sont lasses de l’establishment, chez les Démocrates aussi bien que chez les Républicains. Dans le duel Trump-Clinton, ces forces, la majorité silencieuse des États-uniens, soutiendront Trump; et ce n’est pas une coïncidence si Trump a récemment déclaré qu’il utiliserait les arguments de Bernie contre Clinton, en particulier sur les questions de commerce. A l’heure actuelle, ils sont au coude-à-coude dans les sondages et selon diverses sources, l’avance de Clinton n’était que de 7% en avril. Mais cet écart est en train de se resserrer, et de récents sondages laissent entendre que Trump devancerait déjà Clinton.
Trump saisira également chaque occasion d’exploiter un autre sujet – l’enquête judiciaire du FBI contre Clinton. Il est proprement invraisemblable qu’une personne puisse faire preuve d’une telle irresponsabilité et d’une telle négligence, en utilisant un serveur privé pour des informations secrètes, et en évitant par la suite de répondre aux questions.
Bernie – le seul espoir pour l’establishment de préserver le statu quo
Chose assez surprenante, si le scrutin venait à opposer Trump et Sanders, Bernie aurait probablement plus de chances de gagner qu’Hillary, en raison de la répartition du soutien dont il jouit au sein des États les plus importants. D’après les sondages, Bernie pourrait devenir plus compétitif qu’Hillary en novembre. Sanders domine Trump de 12,5%, et Trump ne sera pas en mesure d’utiliser son évident arsenal de rhétorique anti-establishment, ce qui fait de la nomination de Bernie pratiquement la pire possibilité pour Trump. Ce dernier a besoin d’Hillary comme rivale, pas du sénateur socialiste représentant les dominés.
La question principale est de savoir si au moins une partie de l’establishment démocrate va prendre conscience de cela, ou s’ils ne vont pas tenter de remplacer leur favorite, devant la perspective de la défaite inévitable de Clinton en novembre. Le facteur clé dans tout cela, était et demeure la sous-estimation de Trump. Si les démocrates avaient tout calculé en amont, ils auraient placé Biden au lieu de la dame qui ouvrit la boîte de Pandore des Printemps arabes, qui se trouve être coupable de la mort des diplomates états-uniens à Benghazi et dont les fonds de bienfaisance ressemblent d’ailleurs à une machine à blanchir l’argent. Afin d’opérer un tournant révolutionnaire, les démocrates devront utiliser leur pouvoir exécutif. Clinton fait désormais l’objet d’une enquête judiciaire du FBI pour avoir utilisé son adresse électronique personnelle à des fins gouvernementales, portant ainsi atteinte à la sécurité des secrets d’État. Elle est déjà mise en accusation, conformément à la loi de l’Espionage Act. La principale chose dont a besoin le commandement démocrate, est une volonté politique de travailler avec les super-délégués. Les accusations pénales contre Hillary pourraient également être exploitées si les démocrates prennent conscience que la nomination de Sanders leur procurerait une chance réelle de préserver leur situation.
Sanders est moins anti-système par nature que Trump, dans la mesure où le noyau de l’administration Obama est constitué des même valeurs libérales de gauche que celles de Sanders. Le principal défi au système mondial actuel est présenté par des figures populistes conservatrices telles que Poutine en Russie, Orban en Hongrie et Le Pen en France, y compris Trump aux États-Unis. Ils ne sont pas de gauche car leurs critiques sont radicales en termes de culture, d’identité et de religion, et pas en simples termes d’économie.
La critique économique de Bernie et ses points de vue sur l’actuel ordre mondial ne constituent pas une alternative dans ces aspects. Il tend plutôt à simplement radicaliser le programme d’action manifestement progressiste à l’œuvre. Sa critique est donc superficielle. Le programme d’action de gauche est intrinsèquement anti-national, mondialiste, anti-traditionnel et anti-identitaire, précisément comme le programme progressiste. Ce sont les deux facettes du même mal, d’une similitude si précisément flagrante entre un progressiste de gauche tel qu’Obama et un progressiste plus à gauche tel que Sanders.
Ils ont en effet beaucoup en commun. Tous deux sont socialistes ; tous deux sont plébiscités par les minorités et les jeunes progressistes de gauche urbains ; et tous deux sont versés dans la politique du genre de la nouvelle gauche, promouvant le programme militant du LGBT et de l’avortement, non seulement aux États-Unis, mais au-delà des frontières nationales. En ce qui concerne la politique étrangère, il est à noter qu’en tant que sénateur états-unien, Sanders a voté en faveur de l’intervention militaire en Libye qui a ouvert la voie à Daech dans le pays, tout comme il a soutenu l’agression de l’OTAN contre la Serbie en 1999. S’il fait le choix d’un vice-président issu de l’establishment, alors les démocrates et les républicains obtiendront nécessairement un nouvel Obama. Si les slogans du changement furent utilisés pour pousser Obama dans le Bureau ovale, alors pourquoi ne pas y recourir à nouveau pour duper la population états-unienne ? Après tout, ils aiment être dupés. Et rien ne changera.
Gunnar Bjornson
Traduit par François, relu par nadine pour le Saker Francophone