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Pénélope Gate: on est mal, on est mal ! Par Régis de Castelnau

27 janvier 20170
Pénélope Gate: on est mal, on est mal ! Par Régis de Castelnau 5.00/5 5 votes

Publié le : 27 janvier 2017

Source : causeur.fr

Le couple Fillon dans la tourmente

Une analyse juridique de l’affaire

Juste après les hilarants problèmes d’application de la règle de trois lors de la primaire socialiste, le Canard enchaîné est à la relance et nous raconte que l’épouse du candidat des Lodens/Barbours aurait occupé pendant plusieurs années un emploi d’attachée parlementaire de son mari pour une rémunération globale cumulée de 500 000 €. Et ensuite, qu’elle a bénéficié d’un contrat fort bien rémunéré de la part de la Revue des Deux Mondes. Et naturellement toutes les mauvaises langues et les esprits mal intentionnés de s’interroger sur le caractère complaisant de ces embauches, sur la réalité du travail effectué. Et sur la cohérence des époux Fillon quand François se présente dans sa campagne électorale comme un irréprochable Monsieur propre, et quand Pénélope se répand dans toutes les gazettes pour dire qu’elle ne fait pas de politique avec son mari et n’en a jamais fait.

Retour de bâton ?

Avant d’essayer de dissiper un peu le brouillard factuel et juridique qu’installe en général la clameur, nous aurons du mal à cacher une certaine joie mauvaise de voir François Fillon prendre dans la figure un double boomerang. Le premier est l’affaire Jean-Pierre Jouyet, dans laquelle, selon une version que la justice a qualifiée de vraisemblable l’été dernier, François Fillon aurait dénoncé Nicolas Sarkozy auprès du secrétaire général de l’Elysée. Le deuxième est celui de ses propos tenus pendant la campagne, visant toujours le même : « imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? ». Lamentable saillie qui fait le bonheur des réseaux : «imagine-t-on Yvonne de Gaulle attachée parlementaire ? » Ensuite le défilé pitoyable de tous ceux qui n’ont eu de cesse de tirer dans le dos de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était confronté à l’acharnement judiciaire que l’on connaît. En bredouillant explications et excuses ineptes : « C’est légal ! Elle a effectivement travaillé ! Le Canard enchaîné est misogyne ! C’est une boule puante ! » Et celle que je préfère : « tout le monde le fait ! » Argument de plaidoirie effectivement imparable.

Dans ces affaires, il y a toujours un commanditaire. Certains médias ont fait un métier de ce genre de dénonciation. Alors d’où vient le coup cette fois-ci ? Je n’en ai aucune idée, mais beaucoup de doigts pointent les amis de Nicolas Sarkozy. Ceux qu’avec un esprit d’à-propos impressionnant, François Fillon piétine allègrement depuis qu’il a remporté la primaire. Certains s’en sont plaints ouvertement avec un certain courage, comme Rachida Dati, mais d’autres ont dû faire ça dans le feutré.

En tout cas, le parquet financier a immédiatement ouvert une enquête préliminaire sur les faits rapportés par le Canard enchaîné. Première surprise, Jusqu’à présent on pouvait penser que cette institution n’avait été créée que pour un seul justiciable, Nicolas Sarkozy. Ils auraient donc décidé de se diversifier ? Deuxième observation, une célérité qui n’est pas très bon signe. François Fillon a beau prétendre s’en réjouir, et demander à être reçu par le parquet en urgence « pour rétablir la vérité », envoyer son avocat pour une médiatique visite de courtoisie, il a tendance à mal évaluer les choses. Il oublie que c’est le procureur qui tient le manche et que c’est lui qui va organiser les investigations. Rappelons qu’en France, le parquet, et surtout celui-là, n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Les semaines qui viennent risquent d’être assez croquignoles. On peut s’attendre à auditions, gardes à vue, perquisitions au château de la Sarthe, et bien sûr comme d’habitude publication dans la presse tous les PV, transcriptions d’écoutes, et autres documents couverts par le secret… « imagine-t-on François Fillon mis en examen ? » Heuh comment dire…

« Détournements de fonds publics, recel, abus de biens sociaux et recel »

Et rappelons enfin que le risque pénal pour la classe politique est moins la condamnation finale éventuelle que la mise en cause en amont avec tous les dégâts que cela implique. Nicolas Sarkozy a collectionné les non-lieux, mais ses mises en cause permanentes ont fini par lui coûter très cher. Si jamais, comme le souhaite François Fillon, intervenait rapidement une décision de classement sans suite, cela ne pourrait être interprété que comme une faveur. Et il se trouverait bien des « parties civiles » pour prendre le relais. Le déroulement d’une affaire politico-financière obéit aux règles de la société du spectacle, on voit difficilement comment le candidat de LR pourrait y échapper. Le mal est fait.

Les chefs d’ouverture de l’enquête préliminaire sont également assez inquiétants : « détournements de fonds publics, recel, abus de biens sociaux et recel ».

Que peut-on déduire ? Tout d’abord que l’enquête portera sur la réalité du travail effectué par Pénélope Fillon comme attachée parlementaire. Mais la mention du recel sert bien évidemment à éviter le risque d’une prescription de l’infraction principale de détournement de fonds publics. Le recel est ce que l’on appelle un délit continu. Si Madame Fillon porte toujours un manteau acheté avec cet argent, le délai de prescription n’a pas commencé à courir…

La mention par le parquet financier de l’infraction « d’abus de biens sociaux » quant à elle, vise la « collaboration » de Madame Fillon à la Revue des Deux Mondes. Sur la réalité de laquelle pèse un très lourd scepticisme. J’ai beaucoup entendu qu’après tout M. de Lacharrière faisait ce qu’il voulait de son argent, privé par nature, et que si ça le chantait il pouvait payer la femme de l’ancien Premier ministre à ne rien faire. C’est faux et ça pose un sacré problème. Ce n’est pas l’argent de M. de Lacharrière, c’est celui de la société éditrice personne morale distincte de son patron personne physique. Et dont les dépenses doivent être conformes à l’intérêt et l’objet de l’entreprise tels qu’ils sont définis dans les statuts. Et la loi a donné au juge pénal le pouvoir de l’apprécier. Un salaire versé sans contrepartie de travail effectif est bien un abus de bien social. Surtout que le salaire d’un emploi fictif est une charge déductible aux conséquences fiscales, ce qui fait que non seulement les actionnaires sont lésés, mais le fisc aussi.

Et maintenant, Macron ?

On ajoutera que les dépenses considérées doivent être exposées pour des actions licites. Un exemple pris complètement au hasard : organiser sur les fonds d’une entreprise, des parties fines avec des professionnels pour y inviter quelqu’un que l’on suppose promis à de très hautes fonctions pose quand même un petit problème. Parce qu’en fait la vraie et essentielle question de toute cette affaire, c’est de savoir pourquoi M. de Lacharrière a jugé bon de faire cette fleur à Pénélope Fillon et par conséquent à son mari ? La carrière politique de celui-ci, cinq ans Premier ministre était loin d’être terminée, et aujourd’hui beaucoup le donnent comme le futur président de la République. Ce genre de connivence, de fonctionnement a, qu’on le veuille ou non, quelque chose de profondément délétère. Imagine-t-on Yvonne de Gaulle bénéficier de ce genre de largesses ?

Pour revenir à la question du commanditaire possible de la boule puante, l’attitude et la célérité du parquet financier laissent entrevoir une autre option que celle du clan Sarkozy, celle de ceux qui pensent que plomber la campagne électorale du candidat de la droite servirait Emmanuel Macron, pour lequel le soutien de l’Élysée apparaît maintenant évident. Eh bien pour terminer, soyons équitable et jetons un petit coup d’œil sur le pétard qui vient d’éclater au nez de notre Justin Bieber de la politique.

On entend maintenant qu’Emmanuel Macron se serait servi de son poste de ministre pour sa campagne électorale et qu’il aurait dépensé beaucoup d’argent (le nôtre) en réceptions pour préparer sa campagne. Plus de 120 000 € de frais de bouche en huit mois. On verra bien si cela est établi, mais on peut avoir quelques soupçons lorsque l’on entend que l’Élysée serait à la manœuvre pour lui préparer et organiser ses voyages de levée de fonds à l’étranger. Ouille, tout cela constituerait ce que l’on appelle des « dons interdits de personnes morales ou de l’État » pendant une campagne électorale, ce qui donnerait une drôle d’allure au compte de campagne. Même si Emmanuel Macron remboursait, cela ne ferait pas disparaître ce qui est aussi une infraction pénale, mais rendrait normalement impossible la validation du son compte même s’il ne dépassait pas le plafond de dépenses autorisées. Il devrait demander des conseils à Nicolas Sarkozy, celui-ci a de l’expérience, la dernière fois, non seulement il a été battu, mais ça lui a coûté 11 millions d’euros.

« Comment allez-vous Madame Le Pen ? Très bien, je ne suis pas surchargée, je passe un hiver paisible. »

Régis de Castelnau

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