Publié le : 02 mars 2017
Source : philosophe-chretien.blogs.la-croix.com
Voilà donc François Fillon qui, après avoir affirmé le 26 janvier que la seule chose qui le ferait renoncer à se présenter serait sa mise en examen, annonce qu’il va être mis en examen et… qu’il ne renoncera pas. Il renonce donc bien, non à briguer la présidence de la République mais à tenir son engagement ! Quelle que soit la réalité du dossier judiciaire, cette volte-face est un symptôme supplémentaire de l’insoutenable légèreté de la parole politique actuelle. Quel crédit accorder à un responsable politique qui ne peut en aucun cas assumer ce qu’il a déclaré faire ? Certes, on peut toujours affirmer que les circonstances ont changé, que cet acharnement judiciaire est suspect mais alors la légèreté était dans le fait de s’exposer de manière inconsidérée, il y a quelques semaines, en espérant apparaître comme quelqu’un qui n’avait rien à se reprocher. Ce que révèle le renoncement de François Fillon est la dévitalisation de la parole politique et plus fondamentalement la crise de confiance, ciment de toute vie sociale et politique. Il y aurait une grande illusion à considérer que ce ciment n’est pas friable et que donc le monde humain est indestructible.
Paul Valéry affirme dans « La politique de l’Esprit » (Variété III, 1932) : « Tout monde social est fondé sur la croyance et sur la confiance. Les mondes juridiques ou politiques sont mythiques. Ils reçoivent leur existence de notre esprit. Croire à la parole est aussi indispensable aux humains que de se fier à la fermeté du sol : les serments, les contrats, les signatures, les projets, tout cela est entièrement mythique. Cela permet l’inégalité dans les échanges : parole contre écriture, passé contre futur, confiance contre obéissance. Le pouvoir lui-même est une valeur spirituelle. Sa puissance vient de ce qu’il peut concentrer ses forces à un endroit, à un moment. Si les hommes ne le croyaient pas, le pouvoir ne fonctionnerait plus. »
On nous dit que les valeurs boursières ont immédiatement remonté après l’annonce du maintien/renoncement de François Fillon. Il n’est pas sûr que la valeur de la crédibilité des représentants politiques ait suivi la même ascension. Si leurs paroles ne suscitent plus aucune confiance, c’est le sol qui se dérobe sous nos pieds. Comment alors se tenir debout (en latin stare qui a donné institution) ? Si les responsables politiques ne répondent plus de rien, alors le monde commun se fissure, alors les forces de division peuvent se déchaîner ; ce que l’on peut appeler une « quasi guerre civile ».
Thibaud Collin