Publié le : 22 août 2017
Source : facebook.com
Chaque heure qui passe nous en apprend un peu plus sur les attentats en Catalogne. L’imam de Ripoll a trouvé la mort lors de l’explosion d’Alcanar. On le soupçonne d’avoir lavé le cerveau des jeunes terroristes. L’un d’eux n’avait que 17 ans. Au risque de choquer, je le considère comme une victime. Comme lui, des centaines de milliers de jeunes Européens sont des proies potentielles pour les prêcheurs de haine. Ils œuvrent impunément dans certaines mosquées, des écoles musulmanes et dans des associations. Ils prônent un mode de vie en rupture avec les règles et les valeurs des sociétés occidentales. Tout procède de Dieu et de sa volonté. Un totalitarisme à part entière. Certains parlent d’islamo-fascisme. C’est une oxymore employé pour mieux frapper les esprits, le fascisme étant l’alpha et l’oméga du mal absolu. Du coup, l’autre grand totalitarisme du 20e siècle apparaissait plus acceptable. Il a eu ses irréductibles. Que l’on se souvienne du débat très franco-français sur les 80 millions de morts du communisme. De belles âmes prises de bouffées de chaleur staliniennes soupçonnaient ceux qui avaient abouti à ce triste bilan de vouloir relativiser les méfaits du nazisme. Islamo-fascisme ? L’expression « islamo-communisme » ne serait-elle pas tout aussi opérante ? Car l’islamisme est aussi un collectivisme où l’individu s’efface au profit de l’Oumma.
Quoi qu’il en soit, le terme islamo-fascisme est ridicule. L’islamisme possède ses propres ressorts. Et son originalité est d’avoir pour foyer une religion : l’islam. C’est un fait.
Alors pourquoi ces multiples précautions oratoires des petits marquis de la bien-pensance ? Par crainte d’être traité d’islamophobe. Sur ce point on ne peut que saluer le travail des organisations qui ont inventé ce virus imaginaire pour mettre en quarantaine les porteurs de cet agent pathogène. On se souvient du fameux « anti-communiste primaire » – qui avec une certaine efficacité – clouait le bec aux adversaires du goulag soviétique. On retrouve dans le cas de l’islamisme les mêmes manipulateurs et les mêmes idiots utiles. Et quand on les prend en flagrant délit de désinformation ils prennent des airs de vierges effarouchées comme l’autre jour sur le plateau de BFMTV. Alain Marsaud était sorti du cercle vertueux qui lui était imposé. Sévèrement corrigé comme un élève trop insolent pour avoir dénoncé l’islam radical, l’ancien juge anti-terroriste a préféré quitter le plateau. BFMTV a voulu faire un exemple : pas de dérapage Messieurs les experts ! Et pourtant ! Imaginons un instant l’attitude des médias si un groupe d’extrême-gauche ou d’extrême-droite avait tué plus de 240 personnes en France depuis janvier 2015. Ne serait-on pas en train de faire le procès de l’idéologie qui a servi de creuset à ces massacres ?
Autre exemple de déni : certaines voix soutiennent que les terroristes ne sont pas musulmans. C’est stupide. Au Maroc, en Algérie et dans la plupart des pays à majorité musulmane, on ne choisit pas sa religion. On naît de parents musulmans. Et on le reste toute sa vie car l’apostasie est souvent interdite. Allez dire à un Afghan, un Pakistanais ou un Irakien qui vient d’échapper à un attentat à Kaboul, Karachi ou Bagdad que le poseur de bombe n’est pas musulman ? Il vous prendra pour un ignorant doublé d’un crétin. Poursuivons le raisonnement jusqu’à l’absurde : la Turquie étant devenue une dictature islamiste va-t-on considérer demain qu’elle n’est pas musulmane ? Qu’Erdogan n’est pas musulman ? Vu l’hystérie des thuriféraires du « pas d’amalgame » tout est possi »ble !
Après les attentats de Barcelone, il nous a été offert un joli florilège de ces tours de passe-passe sémantiques qui évitent de désigner les choses par leur nom et de hiérarchiser les périls. On a eu recours au pléonasme en vogue : « attentat terroriste ». On s’est contenté de gloser sur la sécurité et le renseignement défaillants. On a créé des polémiques stériles et ridicules du style : pourquoi n’avait-on pas posé des plots en béton aux extrémités des Ramblas ? On a enquêté sur le prix du plot. Que de courage et d’insolence ! En revanche, rien ou presque sur les réseaux salafistes en Catalogne. Aucune question sur les sources et les voies de la radicalisation islamiste. Comme si nous étions confrontés à une génération spontanée d’assassins sortis de nul part. Bientôt les chiffres des morts du terrorisme nous seront présentés comme les chiffres des tués sur la route. La faute à la fatalité et à notre coupable imprudence. Cette vaste entreprise de déni de la réalité ne date pas d’hier. Rappelez-vous de la théorie du « loup solitaire » et de la radicalisation via Internet, sans parler de la psychiatrisation récente du terrorisme. Faudrait-il ficher S tous les « déséquilibrés » de France ?
Pourquoi c’est grave ? Parce que si l’on donne le sentiment aux Français que l’on n’extirpe pas la racine du mal, on risque de renforcer les rangs des extrêmes. A ne pas vouloir désigner l’ennemi, ses réseaux, ses sources de financement, son idéologie… on encourage aussi la passivité des pouvoirs publics. Et les mensonges d’Etat. Que l’on se souvienne du plan de « déradicalisation » en prison qui s’est avéré poudre aux yeux. Et qu’en est-il des foyers de radicalisation pointés du doigt par de multiples rapports officiels ? Des promesses de faire émerger un véritable Islam de France ? Personne n’en parle. Puisque l’on vous dit que la seule réponse est sécuritaire ! Du coup, il est assez piquant de voir des personnages publics – qui dénonçaient autrefois « l’idéologie sécuritaire » – réclamer toujours plus de policiers, de contrôles, de caméras… Nos libertés reculent jour après jour. Nous résistons en prenant des cafés en terrasse. Mais chut, défense de nommer le mal qui nous ronge. De s’étonner de ce que depuis l’essor de Daech les signes extérieurs de radicalité s’affichent de plus en plus volontiers.
Des voix venues d’ici ou d’ailleurs nous alertent pourtant. Salman Rushdie, Kamel Daoud, Tahar Benjelloun, Boualem Sansal… L’un des premiers à avoir tenté de tirer de leur léthargie les dirigeants européens, ce fut le commandant Massoud. Il en est mort. Mais rien n’y fait. Nous restons sourds. Parfois bêtes.
Le Monde rapporte qu’à Barcelone après les attentats, une foule s’est formée spontanément contre une manifestation de groupuscules d’extrême-droite. Heureuse initiative. Mais cette foule criait : « Ni terrorisme, ni islamophobie ». La boucle est bouclée. Terroristes et islamophobes sont renvoyés dos à dos. Demain, on nous expliquera que c’est la peur de l’islam qui alimente le terrorisme.
Bernard de La Villardière