Publié le : 20 novembre 2012
Source : bvoltaire.fr
Lundi 19 novembre, sur France Inter, Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient, est interrogé sur la crise israélo-palestinienne.
Patrick Cohen lui demande ce qu’il pense de Laurent Fabius. « Laurent Fabius, Qui c’est ? »
Bien sûr, c’est une blague. Mais une blague qui en dit long. Et Sfeir de poursuivre : « On sait aujourd’hui que la France ne parle plus avec tout le monde… » Donc, que plus personne n’entend sa voix. Autre blague ? Peut-être, mais blague qui en dit tout aussi long.
Ainsi, Fabius va parler avec Israël et l’Autorité palestinienne. Mais pas avec le Hamas, pourtant partie prenante du conflit et démocratiquement élu à Gaza. Rappelons tout de même qu’à la fin du siècle dernier, ce sont précisément les gouvernements israéliens d’alors qui favorisèrent le Hamas islamique pour couper les jarrets d’une OLP laïque et nationaliste. Tout comme les USA financèrent le Vietminh et le FLN contre la France. Pour ensuite faire de même de Ben Laden et des Talibans.
Fabius sait tout ça, mais fait comme s’il ne le savait pas.
Bref, la France ne pèse plus parce qu’elle ne veut plus peser.
« Puissance moyenne », prétendait Giscard dont on n’aura jamais fini de mesurer la nuisance. Lors du coup de force de Jaruzelski en Pologne, il fut demandé à Claude Cheysson, prédécesseur de Laurent Fabius, ce que la France comptait faire. Sa réponse fut : « Rien, évidemment ! »
Dans le même temps, Barack Obama se rend en Birmanie. Parler avec une junte naguère jugée infréquentable par des USA qui l’invitent désormais à ses pince-fesses internationaux. À l’occasion, une grosse poignée de journalistes encabanés ont retrouvé la liberté, alors qu’un an avant, Luc Besson en était encore à tourner un film sur Aung San Suu Kyi, sorte de Jeanne d’Arc locale : amour soudain de la liberté de la presse ou des droits de l’homme ? Ça, c’est bon pour les lecteurs de Libération ou de Télérama.
Et c’est là qu’un petit rappel historique s’impose. Du temps de la Mare Nostrum, nombre de guerres ont été livrées pour le contrôle de la Méditerranée. Puis, le centre de gravité s’est déplacé vers l’océan Atlantique. En ce troisième millénaire, il se déplace à nouveau, mais vers un autre océan, ce Pacifique qui risque de bien mal porter son nom dans les années à venir. Car ce sont là que campent les puissances émergentes, Chine et Inde, entre autres. D’où le soudain désintérêt américain pour les affaires européennes et israélo-palestiniennes. Ajoutez à ceci leurs fabuleux gisements de gaz de schiste qui devraient bientôt permettre aux USA d’en finir avec leur cordon ombilical et énergétique les liant avec le Proche-Orient. Il n’est pas besoin d’avoir fait les grandes écoles pour comprendre que les configurations géopolitiques de demain ne seront plus celles d’hier, faits de schémas crétins de Guerre froide, méchants communistes, ou de Choc des civilisations, méchants islamistes, etc.
Dans ces prochaines décennies, tout devrait donc se jouer dans le Pacifique. Et la France, qui de par ses territoires d’Outre-mer, possède le plus grand domaine marin au monde, en ce lieu principalement, aurait tout intérêt à méditer cette redistribution des cartes.
L’irremplaçable Michel Jobert, à qui il fut un jour demandé ce qu’il pensait de la politique arabe de la France, eut ce mot : « Il n’en reste plus que Barbès-Rochechouart… »
Que la Providence et la volonté des hommes fassent que l’adage ne se vérifie pas dans le théâtre des opérations à venir.
Nicolas Gauthier