Publié le : 21 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
Courant février, un article du site Le rouge et le noir a provoqué quelques remous au sein des opposants au projet Taubira. Catherine Rouvier, docteur en sciences politiques, spécialiste de la psychologie des foules, y assenait une vérité simple : pour que la manifestation nationale du 24 mars soit un succès, « en priorité, il faut deux choses : des mots d’ordre et un chef. »
Les multiples provocations gouvernementales de ces dernières semaines donnent une particulière acuité à cette réflexion : sous-évaluation scandaleuse des manifestants du 13 janvier ; déni de réalité du gouvernement ; courrier insultant de Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi au Sénat, adressé aux organisateurs ; irrecevabilité de la pétition au CESE sur ordre de Matignon ; enfin, arrêté préfectoral interdisant aux manifestants l’accès aux Champs-Élysées. Sous d’autres cieux, ou sous les nôtres à d’autres époques, le peuple se serait déjà soulevé contre un tel mépris. La France de 2013, et particulièrement les catholiques qui constituent les gros bataillons de manifestants, ne réagit pas. Pire encore, les organisateurs de la « Manif pour tous » se soumettent sans un mot à cette dernière interdiction et refusent par principe de sortir de la légalité. Le recours au tribunal administratif sera rejeté, à n’en pas douter. Et dimanche, où irons-nous ? Le déferlement de la foule sur les Champs entraînera-t-il une fusillade, comme à l’époque de Louis-Philippe ?
Ces provocations, cette guerre psychologique menée par un gouvernement fermement déterminé à ignorer la protestation populaire rendent plus nécessaire que jamais l’émergence d’un chef, d’un personnage capable de prendre la tête de la révolte, de la canaliser, de l’organiser, de la relancer lorsqu’il le faut, et surtout de devenir l’interlocuteur incontournable de l’oligarchie politico-médiatique qui dirige le pays.
Sans chef, nous resterons de gentilles familles défilant paisiblement, proprement, la France bien élevée si joliment nommée par Gabrielle Cluzel, dont tout le monde se rit gentiment ou dédaigneusement. Or, chacun prend conscience, même sans savoir l’exprimer avec les mots qu’il faut, que la question posée au peuple français dépasse largement le projet de loi Taubira, par ailleurs néfaste, bâclé, idéologique et destiné à une frange ultra-minoritaire d’électeurs captifs du président Hollande. La question va bien au-delà, elle est celle du modèle de société que nous voulons pour nous et nos enfants, qui doit être fondé sur des principes métapolitiques échappant à la volonté toute puissante du législateur. Elle se pose sous Hollande, elle se posait déjà sous ses prédécesseurs. Mais le « mariage pour tous » est l’étincelle qui allume le baril de poudre…
Sans chef, la formulation d’un projet politique fondé sur quelques principes simples est impossible. Les catholiques, presque toujours issus de la bourgeoisie libérale, ont désappris à penser par eux-mêmes.
Sans chef, cette expression collective est impossible. Quelles que soient les éminentes qualités de Frigide Barjot, on ne peut qu’être d’accord avec Catherine Rouvier sur les limites d’une humoriste dont le nom même est difficilement compatible avec le sérieux du problème posé. À ses côtés se trouvent d’autres fondateurs, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne peuvent pas assumer ce rôle : l’excellent Tugdual Derville est trop discret pour cela ; Xavier Bongibault à l’homosexualité militante n’a rien d’un tribun ; quant à Laurence Tcheng, son appartenance politique lui interdit de prendre la tête d’un vaste mouvement de révolte.
Alors qui ? Dans l’ordre politique, le PS et l’UMP sont également disqualifiés et ne disposent d’aucune personnalité d’envergure nationale à laquelle les millions de Français confieraient la conduite de leur contestation. Marine Le Pen, outre le fait que son opération de dédiabolisation n’est pas achevée, s’est discréditée sur le sujet et provoquerait un mouvement de rejet de la part de catholiques majoritairement électeurs de l’UMP. Les autres personnalités de droite sont trop peu connues ou dépourvues du charisme nécessaire. Dans l’ordre religieux, si quelques évêques (qui se comptent sur les doigts de la main) ont ouvertement appelé à la résistance et à la mobilisation, aucun d’entre eux ne pourrait jouer ce rôle, pour des raisons historiques, politiques et ecclésiales évidentes.
Il nous reste à espérer qu’un tribun surgira de la foule et saura naturellement s’imposer comme un chef incontesté. S’il n’émerge pas, le mouvement risque deux écueils également dangereux : s’étioler par découragement ; se radicaliser par éparpillement spontané. Et, si nous nous prenons parfois à rêver d’une profonde révolte populaire contre l’oppression rampante d’un pouvoir aussi légal qu’il est illégitime, la révolution copiée sur celles des pays arabes risque de nous mener tout droit à l’anarchie. La politique du pire est la pire des politiques…
Mais, comme le disait Charles Maurras, le désespoir en politique est une sottise absolue. Donnons-lui raison !
François Teusch