Publié le : 23 mars 2013
Source : bvoltaire.fr
Mercredi matin sur France Inter, Montebourg a critiqué l’engagement politique de Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois (en grève depuis mi-janvier), et militant de Force Ouvrière : « Parce que M. Mercier est un militant politique et, évidemment, ce n’est pas tout à fait la même chose finalement que la CGT en général », a insidieusement déclaré le ministre du Redressement productif, légèrement chauffé par l’accueil que lui avaient réservé la veille une centaine de salariés de PSA, l’empêchant d’inaugurer le « Train de l’industrie », gare de Lyon.
Aussitôt, le sang de Jean-Luc Mélenchon n’a fait qu’un tour : « J’espère que c’est la colère qui l’a fait parler et qu’il va s’excuser. Dans les syndicats, ce n’est pas l’étiquette qui fait l’engagement » s’est-il indigné. « Moralement, il y a des lignes à ne jamais franchir », et « Montrer du doigt un militant syndical à cause de sa carte politique, ça ne se fait pas », a-t-il rajouté, n’hésitant pas à parler de « franchissement de seuil dans la déchéance morale de ce gouvernement ».
On peut dire que ce garçon courageux ne mâche pas ses mots. Il a raison, « Montrer du doigt un militant syndical à cause de sa carte politique, ça ne se fait pas »… Et le virer, ça se fait ? Parce que figure-toi, Jean-Luc, que tu tombes drôlement bien. Viens par là, que je te montre un truc. Un truc qui devrait rendre fou un amoureux de la justice comme toi, tu vas voir, les bras vont t’en tomber : à Clermont-Ferrand, au mois de janvier — nous en avions alors parlé —, un délégué syndical a été exclu de la Fédération Nationale des Chauffeurs Routiers au simple motif qu’il militait dans un parti politique. Mais oui, tu as bien entendu : « exclu ». Là, on est bien au-delà du registre de la petite phrase en coin au micro de France Inter. Et le plus incroyable, dans cette histoire, c’est que malgré ce franchissement patent « de lignes, moralement, à ne jamais franchir » et de « seuil dans la déchéance morale », tout le monde s’en cogne.
Pourtant, Dominique Morel, puisque c’est son nom, a toujours mis, et met toujours, sa pugnacité au service des travailleurs. Ainsi le 25 mars, lundi donc, alors que Manuel Valls sera en visite à Clermont-Ferrand, il entamera, avec le soutien de celui qui l’a remplacé après son exclusion, une grève de la faim devant son entreprise. Pas tant pour faire connaître les persécutions dont il fait l’objet (comme par exemple ces croix gammées et ces étoiles de David taguées sur son camion, qualifiées de « faits pas graves » et de « futilités d’un autre temps » par la direction), que pour dénoncer, en tant que secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qu’il est encore, les graves manquements et irrégularités commises selon lui par son employeur à l’encontre des salariés. Tu conviendras, mon cher Jean-Luc, que Jean-Pierre Mercier — le délégué syndical CGT que Montebourg, selon toi, a mis en cause — n’en est pas encore rendu, lui, à une telle extrémité pour se faire entendre… L’appétit va même plutôt bien, si l’on en croit l’ampleur du stock de merguez prévu à chaque barbecue géant des grévistes de PSA.
Alors je le sais, je le sens, n’écoutant que ton grand cœur épris d’équité, tu vas, tu voles déjà vers Dominique Morel. Toi dont la défense des syndicalistes et, à travers eux, des travailleurs, est le credo, tu piaffes d’impatience, pressé de compulser son dossier contenant toutes ces pièces si potentiellement gênantes pour son patron. Ben voilà, je crois que je t’ai tout dit, à toi de jouer maintenant. Ah oui, attends une seconde : pour info, le parti où milite Dominique Morel n’est pas Lutte Ouvrière mais le Front national. Mais ce détail ne change rien pour toi, hein Jean-Luc ?
Gabrielle Cluzel