Publié le : 13 avril 2013
Source : bvoltaire.fr
Cette fois, c’est fait. Le Sénat a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Et il faut voir comment. Oui, il faut que ceux qui ne l’ont pas vu en direct aillent contempler, sur le Net, le spectacle de ces deux minutes ubuesques, ces deux minutes invraisemblables entre précipitation et désinvolture, au cours desquelles s’est joué, vendredi matin, le sort de la loi dite « du mariage pour tous ».
L’hémicycle est quasi vide. Il est vrai, hein, que le sujet n’intéresse globalement pas grand-monde. Trois manifestations successives, un million et demi de personnes dans la rue, 700.000 pétitionnaires, des enfants, des adolescents, des vieillards gazés par des forces de l’ordre dépassées pèsent pour peanuts à côté de la perspective d’un beau week-end printanier. On attendait le soleil depuis tellement longtemps et il faut partir vite si l’on veut éviter les embouteillages…
Quant à ceux qui ont fait l’effort surhumain de venir, ils sont visiblement pressés comme des lavements : allez hop, fissa, on ne perd pas de temps ; et comme la question est, c’est sûr, assez secondaire, on va éviter de se casser la tête : votons donc à main levée, à la bonne franquette, comme à Nanterre dans le grand amphi pour reconduire une énième grève étudiante. L’avantage est que cela ne laisse pas de traces. Même une élection des délégués en CM2 revêt plus de solennité.
Pas plus de vingt secondes, j’ai chronométré : « Ceux qui sont favorables lèvent la main ? Merci. Ceux qui sont contre ? Merci. Abstention ? Merci. Mes chers amis, le Sénat a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. » Applaudissements. Baissez le rideau.
Moi, je vous le dis, Jean-Pierre Bel, le président socialiste du Sénat qui menait l’affaire, a des superpouvoirs. Il est né, c’est sûr, des amours adultères de Super Jaimie et de Forrest Gump : comment, sinon, pourrait-il dans un laps de temps aussi court faire un décompte exact des mains en l’air qui se cachent les unes les autres dans les rangs ? À moins qu’il ait eu naguère le même instit’ que le préfet de police de Paris : invente toi-même le résultat de ton addition.
Dans la tête de Christine Taubira, d’ailleurs, les choses n’ont pas l’air très claires : dans un premier communiqué de presse, elle salue le vote qui a permis au Sénat d’adopter en première lecture, « à une très large majorité ». Quinze minutes, plus tard, arrive un autre communiqué, un communiqué rectificatif identique au précédent à un détail près : la « très large majorité » a disparu. Le flou artistique, c’est quand même plus prudent. Pas moyen, en somme, de savoir qui a voté quoi entre socialistes impatients d’en finir et UMP défaillants. Et cela arrange tout le monde.
Pas grand-chose sous le soleil, dites-vous. Un vote prévisible à l’image de toute la vie politique française : bâclé, foutoir, confus, inique. Une majorité (théorique) méprisante et une opposition parlementaire qui, trop souvent, ne brille pas par le courage…
Mais combien de coups les opposants de la rue seront-ils encore capables d’encaisser sans (trop) broncher ? Car à peine ce vote-mascarade expédié, un nouveau camouflet se profile : le texte repassera devant l’Assemblée dès mercredi, et non plus fin mai comme prévu. Le gouvernement veut en finir et fonce dans le tas. Et en pensant éteindre le feu, va souffler sur les braises. Plus que jamais.
Un analyste politique affirmait doctement il y a quelques jours que le gouvernement n’avait pas d’autre choix que de composer avec les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, d’écouter a minima leurs revendications. Pour des raisons psychologiques simples. L’intransigeance absolue pousse au désespoir, et le désespoir à la radicalisation. La pire des stratégies politiques, la plus explosive, expliquait-il.
Mais si l’intransigeance d’un gouvernement face à quelques milliers de Français est explosive, que dire de celle, insultante, humiliante, que l’on oppose à plus d’un million et demi d’entre eux ?
Gabrielle Cluzel