Publié le : 12 juin 2013
Source : bvoltaire.fr
Encore un effet de la crise : sous la pression des bailleurs de fond internationaux, le gouvernement grec a fermé brutalement sa télévision publique. Mardi soir, juste avant 23 h, écran noir pour les trois chaînes. Les syndicats accusent le gouvernement de vouloir remplir d’un coup l’objectif assigné par les créanciers de la Grèce de supprimer 2.000 emplois publics d’ici à la fin juin, mais le porte-parole du gouvernement évoque quant à lui des dépenses et un manque de transparence exceptionnels auxquels il fallait mettre un terme.
Quelle terrible nouvelle ! Las, le spectre de la crise grecque tourne autour de nous. Nous sentons bien que nous sommes nous aussi au bord du précipice, et peut-être déjà à l’heure des grands choix. Alors, je le dis solennellement, avec le déchirement que vous pouvez imaginer : pour économiser le denier public, je suis prête à faire ce sacrifice, oui, je veux bien me résoudre… à la fermeture des chaînes publiques françaises. Et dès demain, hein, parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir.
Dans un esprit de dépouillement entièrement tourné vers l’intérêt supérieur de la nation, j’accepte de tout voir disparaître :
- les émissions d’investigation (d’ « Envoyé spécial », qui est surtout un envoyé partial, à « Complément d’enquête », que l’on peut confondre, si l’on n’y prend garde, avec « Faites entrer l’accusé ») ;
- les programmes de divertissement (package complet : les rires gras, les vannes éculées d’ado prépubère, les lynchages convenus, les présentateurs montés sur ressort, les invités interchangeables, et le public un peu benêt, en fond, qui fait docilement la claque sans voir qu’on se paie sa tête) ;
- les séries, à l’intrigue aussi haletante que celle du Club des cinq au bord de la mer, et à vocation hautement didactique (saviez-vous seulement, avant d’avoir vu Plus belle la vie, qu’à Marseille, ceux qui sèment la terreur ne sont pas les dealers comme certaines mauvaises langues le prétendent mais une association d’extrême droite appelée « La Flèche blanche » (sic) dirigée par des anciens de l’OAS ?) ;
- et même le journal de 20 h dont vous n’attendez rien et qui, de ce point de vue, vous déçoit rarement…
Oui, par solidarité avec nos amis grecs, je veux bien faire don de mes chaînes publiques à la crise et me séparer de tout, de la programmation passée, présente et puis surtout à venir. Il paraît que, sur France 2, on nous prépare pour la rentrée un « JT libéré » avec Sophia Aram, si réputée pour sa mesure et son objectivité, et un reality show adapté de l’émission australienne « Go Back To Where You Came From » visant à faire vivre à des candidats qui trouvent qu’il y a trop d’étrangers en France le quotidien de ces immigrés depuis le départ de leur pays. Un programme qui « se veut pédagogique et éclairant pour ces Français qui vont partir à la découverte de la culture de l’immigré ».
Quel dommage de devoir se priver d’une télévision d’une telle qualité ! Mais, que voulez-vous, pour aider le gouvernement à sortir ce pays de la tourmente, il ne faut reculer devant aucun renoncement.
Gabrielle Cluzel