Publié le : 09 juillet 2013
Source : comite-valmy.org
Monsieur le Président, en période de crise, la patrie est censée rassembler tous ses enfants. Que s’est-il passé pour qu’en Syrie nous en soyons arrivés là où nous en sommes ?
Pour commencer, je vous souhaite la bienvenue. Croyez que je suis heureux de vous accueillir en ce jour du cinquantième anniversaire du quotidien « Al-Thawra », un quotidien cher au cœur de tout syrien patriote quel que soit son engagement politique.
Il nous arrive de considérer la patrie comme un territoire géographiquement bien défini qui rassemble un groupe de personnes, alors que la patrie est appartenance… que l’appartenance signifie culture… et que l’appartenance et la culture constituent l’identité. De ce point de vue, lorsque notre appartenance est une, notre patrie est pour tous !
Pour mieux me faire comprendre, je dirais que lorsque le colonialisme s’en est allé de Syrie, il n’est pas parti pour nous permettre de nous libérer. Il est parti pour nous coloniser par de nouveaux moyens, dont le plus remarquable fut de semer la discorde comme préalable à la division puis la partition.
Or la partition ne se traduit pas uniquement par une frontière terrestre dessinée par le colonisateur, ce n’est pas fondamental. La vraie partition, la partition la plus dangereuse est celle qui touche à l’identité, car lorsque nous vivons sur une même terre, mais avec des identités fragmentées, cela signifie qu’existent des patries fragmentées au sein de ce que nous pensons être une seule et même patrie, chacun des groupes culturels ayant tendance à s’isoler des autres groupes dans ce qui deviendrait sa patrie privée. C’est dans ce cas que vous pouvez parler d’une patrie qui ne rassemble plus tous ses enfants. C’est ce concept qui vous permet de dire que le colonialisme a réussi, jusqu’à un certain point, à créer des groupes isolés et exclusifs les uns des autres, considérant leur idéologie et leur appartenance comme seule vérité et, en quelque sorte, leur patrie ; toutes les autres n’étant pas autorisées.
Ce succès n’a pas été atteint du jour au lendemain, mais en plusieurs étapes. Je pense que la première de ces étapes remonte à la chute de l’État des Omeyyades. C’est dès cette époque qu’a commencé « le jeu sur les identités » pour créer des fissures au sein de nos sociétés et démolir ce qu’elles avaient en partage. C’est ainsi que l’Histoire ancienne a vu tomber l’État des Omeyyades puis celui des Abbassides. C’est ainsi que l’Histoire moderne a vu tomber la Palestine !
Quant aux fissures dont nous voyons les conséquences dans notre Histoire contemporaine, je crois qu’elles ont commencé avec l’émergence des Frères Musulmans et qu’elles sont allées en s’aggravant depuis l’indépendance en raison du rôle nocif qu’ils ont joué dans un certain nombre de pays arabes, dont la Syrie. Les Frères Musulmans sont à l’origine de la première fissure, la fissure fondamentale entre l’arabité et l’Islam. Ils ont essayé de créer deux patries : une patrie pour les Islamistes et une patrie pour les nationalistes.
Ainsi, « la pensée colonisatrice » n’a jamais cessé de se manifester au travers de guerres successives, dont la « Guerre du Liban » qui avait pour objectif la création d’une patrie pour les Musulmans et d’une autre patrie pour les Chrétiens. C’est là que les conséquences de l’activisme des Frères Musulmans sur le terrain sont devenues plus lisibles, la plus importante et la plus dangereuse d’entre toutes étant la présence d’ « Al-qaïda » à laquelle l’Occident n’a pas manqué de prodiguer son soutien sur fond de révolution islamique en Iran ; révolution venue soutenir la cause palestinienne et donc le cœur même de l’identité pour les Arabes. Cette nouvelle donne les a poussés à s’orienter vers la création d’une nouvelle discorde entre les Sunnites et les Chiites pour démolir la relation entre les Arabes et les Perses ; tandis que le 11 septembre, l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak consacraient les fissures entre les Takfiristes et toutes les branches de l’Islam.
En d’autres termes, plus la discorde s’intensifie au sein d’une patrie, même partiellement, plus cette patrie se rétrécit et ne peut plus rassembler tous ses enfants. Or, la Syrie est toujours une patrie ouverte à tous les siens car si tel n’était pas le cas nous n’aurions jamais pu résister aux « foyers de la discorde » qu’ils ont voulu allumer dans certaines de nos régions. Nous avons pu leur résister jusqu’ici, parce qu’en Syrie existe la conscience d’un peuple capable d’empêcher le plein succès de telles manœuvres.
Par conséquent, la Syrie est la patrie capable de rassembler tous ses enfants, ce qui ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous inquiéter de l’existence de ces foyers qui, s’ils n’étaient circonscrits, risqueraient d’en faire une patrie qui ne serait plus pour tous les siens !
Monsieur le Président, dès le début vous avez déclaré que ce qui se passait en Syrie n’était pas une révolution… Permettez-moi de rappeler ce qu’a déclaré le ministre russe, M.Sergueï Lavrov, lors de sa première rencontre avec une délégation d’opposants syriens rendus à Moscou où ils se sont présentés comme des révolutionnaires. Je le cite : « Si vous êtes des révolutionnaires et les représentants d’une révolution, pourquoi auriez-vous besoin de l’Étranger ? Un dicton historique dit qu’aucun régime au monde ne peut résister face à la révolution d’un peuple ! ». Personnellement, je suis convaincu que c’est vrai mais vous, Monsieur le Président, sur quel concept vous êtes-vous fondé pour dire qu’il ne s’agissait pas d’une révolution ?
Premièrement et partant de l’Histoire universelle, toute véritable révolution est purement interne et n’a rien à voir avec l’étranger ni de près, ni de loin. Pour exemples : la révolution russe, la révolution française, et même la révolution iranienne ! Toutes les vraies révolutions sont des révolutions populaires dont les facteurs sont purement internes. Mis à part certains détails, toutes les révolutions comportent un versant spontané mais sont dirigées par les élites idéologiques et intellectuelles. Concernant la Syrie, le « facteur externe » était d’emblée évident. C’est justement ce qu’ils ont essayé de cacher et ce qui est désormais d’une clarté absolue, alors que l’étranger nous submerge de déclarations sur ce que nous devrions faire ou ne pas faire pour trouver des solutions à ceci ou cela.
Deuxièmement, le quotidien « Al-Thawra » [Révolution en arabe], dont vous commémorez aujourd’hui le cinquantième anniversaire, fait référence à la révolution de 1963. Une révolution syrienne venue fortifier la patrie, la société, et l’homme ; répandre la connaissance et la culture par la construction de milliers d’écoles ; éclairer le pays par des milliers de lignes et de réseaux électriques dans les campagnes avant les villes ; promouvoir la situation économique par la création d’emplois pour tous, chacun selon ses compétences ; soutenir le plus grand nombre de citoyens : paysans, ouvriers, artisans…
La Révolution de 1963 s’est levée pour bâtir une armée ayant pour seule doctrine les valeurs nationales, une armée qui s’est battue dans les pires des conditions et les plus féroces des combats, une armée qui a triomphé en 1973 et qui continue de triompher depuis 50 ans… Son combat actuel, probablement l’un des plus durs, témoigne de son ancrage sur des principes et des valeurs intellectuelle et révolutionnaire ; valeurs partagées par le peuple et qui l’ont blindée contre ce qui se passe aujourd’hui en Syrie… Cette Révolution s’est faite pour construire un citoyen et une patrie, non pour les détruire ! Comment pourrions-nous la comparer à une quelconque prétendue révolution et comment pourrions-nous parler de révolution dans les circonstances actuelles en Syrie !? Ce dernier concept dont ils ont espéré nous convaincre n’a pas tenu la route et ce, depuis le début !
Mais, Monsieur le Président, ne croyez-vous pas qu’à l’intérieur même de la Syrie, certains ont cru à cette idée de « révolution » et ont contribué à la soutenir et à la promouvoir ? Ne croyez-vous pas que des « foyers révolutionnaires » existaient dès le tout début des événements ?
Bien entendu ! Mais ceci nous ramène à la notion de l’identité. Ceux que vous évoquez sont de deux types : l’un qui s’est complètement coupé de son identité pour se laisser éblouir par le rêve occidental y compris tous ses inconvénients ; l’autre qui s’est aussi dépouillé de son identité mais s’est dirigé dans le sens contraire, celui de l’extrémisme religieux. Ce deuxième type est le plus dangereux mais dans les deux cas, il y a extrémisme !
Il est évident que nous devons profiter des apports et des progrès de la civilisation occidentale, mais que nous nous laissions éblouir au point de nous dépouiller de notre propre identité relève en effet d’un certain extrémisme ; d’autant plus que l’identité arabe originale est modérée socialement, culturellement, politiquement et religieusement, parce qu’elle est née de la rencontre de toutes les civilisations qui se sont succédées depuis des milliers d’années. Lorsque l’Étranger cherche à déchirer cette identité dans un sens ou dans un autre, il travaille à la création de ces foyers prétendument révolutionnaires dont vous parlez. C’est ce qui m’inquiète en permanence, car l’extrémisme religieux et le suivisme occidental sont tous deux destructeurs de notre identité. Destruction vérifiée par les perturbations que nous constatons en Syrie ainsi que dans d’autres pays. Le problème n’est pas exclusivement syrien, même si « le facteur externe » y est plus dévastateur. C’est toute la région qui est concernée avec une composante externe surajoutée pour la Syrie !
Néanmoins, Monsieur le Président, ne peut-on considérer que les concepts et les modalités des révolutions changent et qu’il n’est pas obligatoire de se référer aux données historiques déduites des révolutions russe ou française pour parler de révolution en Syrie ?
Tout change en ce monde, mais certains principes humains fondamentaux sont invariables. Ainsi, les religions ne changent pas mais s’adaptent aux changements. Ce sont donc les mécanismes ou des détails nécessaires à cette adaptation qui changent, non les principes essentiels ! Si j’abondais dans votre sens et que je tombais dans le piège qui consiste à dire que ce qui se passe en Syrie est une révolution et que même les principes fondamentaux varient, nous devrions accepter l’idée que les exactions d’Israël en Palestine correspondent à une révolution des israéliens contre l’injustice palestinienne, ou que les USA mènent leur révolution contre l’injustice en Afghanistan et en Irak ! Dans ces deux cas, nous devrions accepter l’idée qu’il ne s’agit ni d’invasion, ni d’occupation. N’est-ce pas là l’idée maitresse soutenue par leurs médias avant d’envahir l’Irak ?
Autrement dit, une certaine lecture contemporaine des événements, telle que vous l’évoquez et telle qu’ils la pratiquent, ne devrait pas nous amener à extirper nos concepts fondamentaux. L’Occident par la voix de ses médias cherche inlassablement à nous faire tomber dans le piège des réalités inversées. Oui, je dirais comme vous que le renversement opéré est radical, que le juste est devenu illégitime et que l’injuste est devenu légitime. Ceux qui ont contribué à légitimer cette réalité inversée ont usé de stratagèmes politiciens et d’une large couverture médiatique. Oui, tout cela est sans doute bel et bien arrivé, mais cela n’implique absolument pas que nous adoptions leur point de vue ou celui de leurs médias.
Il n’empêche, Monsieur le Président, que certains Syriens de l’extérieur et de l’intérieur continuent à parler de révolution. Il s’agit donc d’une véritable controverse qui mériterait clarification.
Une controverse qui mériterait plutôt une rectification, puisque même les « ennemis de la Syrie » et leurs médias hostiles n’arrivent plus à soutenir l’idée qu’il s’agit d’une révolution. Ils ne mentionnent même plus le mot « révolution » et ne parlent plus que de « terrorisme ». Désormais, ils se sont déplacés vers un nouveau registre, celui de la distinction entre le « bon terroriste » et le « mauvais terroriste » à la manière américaine ! Ceci n’a évidemment pas échappé à la majorité des Syriens de l’extérieur et de l’intérieur, et nous en constatons les effets en Syrie. Il n’en demeure pas moins que certains ne peuvent toujours pas admettre cette réalité, soit parce qu’ils partagent la pensée extrémiste takfiriste des terroristes, soit parce qu’ils souffrent d’une cécité cérébrale qui fait que ce que capte leur rétine n’atteint pas leur cerveau. Ceux-là, il n’y a rien à en attendre ! Quoi qu’il en soit, ces deux groupes d’individus sont désormais relativement peu nombreux, et nous ne nous soucions pas trop de ce qui se passe à l’étranger. Ce qui se passe en Syrie concerne le peuple syrien et ceux qui vivent en Syrie, car ce sont eux qui se battent et qui résistent.
Monsieur le Président, concernant le « nouveau registre », il est désormais de notoriété publique que des éléments étrangers combattent en Syrie. À certaines périodes, leur nombre se chiffrait en dizaines de milliers selon les estimations occidentales, et non seulement les statistiques syriennes. Comment expliquez-vous que la Syrie se soit transformée en « Terre de jihad » ? Comment et pourquoi en si peu de temps ?
La Syrie ne s’est pas transformée en Terre de Jihad. Le Jihad est motivé par le bien. Le Jihad appelle à construire, à développer et à défendre la patrie et le message divin. Toutes les religions révélées appellent à la justice, au droit et à l’équité. Ce qui se passe en Syrie est l’exact contraire du Jihad. Si jamais vous aviez raison de dire que la Syrie s’est transformée, vous devriez plutôt parler des tentatives actuelles visant sa transformation en « Terre pour le terrorisme » et ceci pour diverses raisons.
Il est clair que le terrorisme se développe et se multiplie automatiquement en situation de chaos et que là où règne le chaos, sévit le terrorisme. Ainsi, lorsque l’État afghan s’est affaibli, le terrorisme s’y est développé ; et lorsque l’Irak a été envahi, le terrorisme s’y est propagé. Le chaos attire donc le terrorisme, mais n’en est pas l’unique facteur de propagation. Des États étrangers en arrivent à le soutenir pour atteindre certains de leurs objectifs. C’est ce qui s’est passé lorsqu’ils ont voulu affaiblir l’État syrien en espérant qu’ils réussiraient à faire fléchir l’immunité historique de ce pays, ses prises de positions, et sa résistance. C’est ainsi qu’ils ont cherché à briser son unité aussi bien culturelle qu’intellectuelle. C’est pourquoi ils ont travaillé à détruire son infrastructure, son économie, et ses institutions étatiques indispensables à ses citoyens. Ces États « ennemis de la Syrie » seraient très heureux de voir sa destruction se poursuivre même si cela devait les occuper longtemps encore !
Mais ce n’est pas la seule raison qui fait que certains pays occidentaux soutiennent le terrorisme en Syrie. Une deuxième raison consiste à croire que ces groupes terroristes takfiristes, qui leur posent un véritable problème de sécurité depuis des décennies, vont tous se diriger vers la Syrie et se faire tuer ! Ainsi, ils feraient d’une pierre deux coups ; d’une part, ils se débarrasseraient d’eux en transférant la bataille de leurs pays ou de pays sous leur influence vers la Syrie ; d’autre part, ils affaibliraient enfin l’État syrien.
Pourtant, Monsieur le Président, ceux qui combattent en Syrie sous la bannière de ces groupes armés ne sont pas tous des étrangers. Oui, les étrangers se compteraient par dizaines de milliers. Mais nous avons quand même vu un Syrien manger le cœur de son frère. Qu’est-ce qui a pu nous mener jusque là ?
Lors de nos nombreuses réunions, j’ai souvent commencé par dire que ce qui se passe en Syrie est une « crise des morales » avant d’évoquer extrémisme, takfirisme, facteurs externes, ou autres. Parce que tout cela n’aurait jamais pu pénétrer notre société si elle avait été moralement protégée. Lorsque vous collaborer à fomenter ce type de crises, vous permettez à l’étranger de se mêler des affaires de votre pays. Lorsque la haine et l’argent vous gouvernent, vous vous transformez en mercenaires et tous vos principes patriotiques disparaissent. Et lorsque vous perdez vos principes moraux, vous perdez votre humanité. Vous vous transformez en une autre créature. Je ne dirai pas un animal, parce que l’animal ne mange pas la chair de son frère à moins de crever de faim. L’animal ne mange pas la chair de son frère par rancune. Lorsque vous perdez et vos principes moraux et vos idéaux, vous perdez de vue le concept de la véritable foi. Toutes les religions sont venues renforcer l’humanité par la morale et il est absolument inconcevable que la religion puisse couvrir ces coupeurs de têtes et nécrophages. Lorsque vous prétendez appartenir à une religion en adoptant des pratiques contraires à tous ses principes et dénuées de toute morale, comme cela s’est produit avec certains courants prétendument religieux, la religion devient pelures. Une religion véritable ne peut en aucun cas couvrir de tels comportements !
Vous avez dit « L’animal ne mange pas la chair de son frère par rancune ». Sommes-nous face à l’instinct de haine ?
Contrairement aux véritables croyances religieuses ou sociales qui se fondent sur la raison, les croyances déviantes font que l’être humain peut en arriver à haïr son frère si ce dernier ne partage pas sa doctrine. Par conséquent, oui le haineux peut perdre la raison et se laisser guider par sa haine. Je n’ai pas dit que c’est l’instinct qui lui fait perdre la raison et le pousse à décapiter ou à manger le cœur de son semblable, car l’être humain a une disposition naturelle opposée à la haine. C’est plutôt la fragilité des principes moraux et les des doctrines déviantes qui l’éloignent de sa raison.
Monsieur le Président vous avez redéfini le vrai sens du Jihad, mais nous constatons malheureusement que son expression la plus courante consiste à se battre et à tuer. Que faire ?
Il faut faire en sorte de les renvoyer au Saint Coran, là où la parole divine est on ne peut plus claire. L’islam est une religion de miséricorde et de pardon, le mot « miséricorde » y revient des dizaines de fois. L’Islam est venu pour promouvoir l’humanité en l’homme, l’inciter à croire en l’amour et la compassion et à mépriser le meurtre. Le Prophète Mohamad [PSL] ne dit-il pas, dans le Hadith al-Sharif, que la disparition de l’univers est plus facile à Dieu que le crime injustifié d’un croyant ? Le Coran et le Hadith sont très clairs et invitent l’humanité à l’amour d’autrui, au pardon, à la justice, à l’équité… Ceux qui prétendent imiter le Prophète devraient se souvenir de son comportement en tant qu’être humain à toutes les étapes de sa vie. Ainsi, ils pourront apprendre que son message est principalement fondé sur des principes moraux et humanistes.
Est-ce que les actions de ces wahhabites takfiristes ressemblent un tant soit peu aux comportements du Prophète Mohamad [PSL] ? J’ai d’ailleurs beaucoup discuté de ce sujet avec des dignitaires religieux syriens ou issus des pays du Levant. Nous pensons que la vie du prophète devrait être étudiée plus en profondeur par le plus grand nombre et à tous les niveaux, car le Prophète n’a pas seulement transmis la parole de Dieu, il l’a aussi mise en pratique sa vie durant. Et le Coran, le Hadith, et la vie du Prophète prêchent le contraire de ce qu’ils font.
À qui incombe la responsabilité d’inviter à revenir vers le Coran et vers les comportements du Prophète ?
Quand un voleur, un criminel ou un extrémiste surgissent du cœur de la société c’est la responsabilité sociale collective qui est concernée. Mais alors, le premier à devoir assumer ses responsabilités est le gouvernement chargé d’en superviser tous les secteurs, y compris le secteur religieux. Ceci dit, l’État partage cette dernière responsabilité avec l’ensemble des institutions religieuses, dont le ministère des cultes, les instituts, les facultés et écoles, avec une attention particulière pour les plus récemment autorisées à enseigner la charia. Il est désormais indispensable que nous veillions à ce que tous ces organismes se concentrent sur les concepts fondamentaux de la religion plutôt que de laisser le champ libre aux idées extrémistes qui se sont malheureusement infiltrées dans l’esprit de certains de nos enfants.
Certains disent que l’Etat porte la plus grosse part de responsabilité dans la mesure où cet environnement religieux extrémiste s’est développé sous ses yeux. Par exemple, ils lui reprochent de ne pas avoir suffisamment encadré et contrôlé les écoles religieuses, d’avoir autorisé la construction d’un trop grand nombre de mosquées et, plus grave encore, de ne pas avoir tenu compte du fait que certains en construisaient pour échapper aux impôts !
En effet, au cours de cette crise j’ai rencontré beaucoup de personnes qui m’ont dit quelque chose de semblable, notamment que l’État avait commis une erreur en autorisant les écoles religieuses et qu’aujourd’hui nous en subirions les conséquences. Ce raisonnement n’est pas vrai. Bien au contraire, tout au long de cette crise nous n’avons rencontré aucun problème qui ait été causé par l’une de ces institutions. C’est un sujet très important dont il faut que nous discutions, d’autant plus qu’elles sont les plus aptes à comprendre les racines du problème et les plus engagées dans le contrôle de la situation.
Lors d’un précédent entretien j’ai parlé du rôle des dignitaires religieux, mais ici je veux parler de toutes les institutions religieuses, lesquelles n’ont jamais soutenu aucune manifestation appelant au désordre et au sectarisme. Parallèlement, j’aimerais vous donner une idée exacte de ce que sont ces takfiristes. Sachez que la plupart ne connaissent rien à la religion ; et que si certains connaissent les mosquées, ils n’entendent rien aux vertus de la prière. Dès le début des événements ils se rendaient tous les Vendredi dans les mosquées, juste pour pouvoir hurler leur « Allahou Akbar » à la sortie. Tandis que les institutions religieuses existent depuis des décennies et ont été appelées à jouer un rôle important depuis les années quatre-vingt sur fond de crise déjà fomentée par les Frères Musulmans ; crise qui a alerté l’État sur la nécessité de porter une plus grande attention au secteur religieux pour l’encourager à renforcer la conscience religieuse chez ceux dont les connaissances étaient dangereusement lacunaires, car c’est dès les années soixante-dix que les Frères Musulmans avaient réussi à pénétrer divers milieux de notre société et de notre clergé faisant croire que leur organisation était là pour promouvoir la religion face à « l’État athée » ! Par conséquent, nous devons nous occuper encore plus de l’enseignement religieux comme facteur de rectitude des consciences, non l’inverse.
Monsieur le Président, un conflit confessionnel a frappé le Liban il ya quelques décades. La même chose est arrivée en Irak après son invasion … Ne pouvions-nous pas imaginer que ce qui s’est passé dans les pays voisins viendrait inévitablement frapper chez nous ? Qu’avons-nous fait pour y faire face ?
Évidemment que nous l’avons imaginé. Sinon, nous n’aurions pas pu nous opposer à une série de politiques étrangères occidentales qui nous paraissaient devoir mener au chaos. Ainsi nous avons catégoriquement refusé la guerre contre l’Irak en dépit de toutes les menaces américaines, et malgré toutes les offres alléchantes en retour…
Nous sommes, par principe, opposés à toute agression contre un pays frère ou ami. Mais si nous avons dit « non », ce n’était pas uniquement par souci fraternel pour l’Irak mais aussi parce que nous mesurions les conséquences désastreuses de cette guerre. Nous avions exprimé cette même inquiétude en ce qui concerne l’Afghanistan. Après le 11 Septembre, je n’ai cessé de mettre en garde les fonctionnaires américains. En ce temps là ils nous rendaient encore visite en Syrie et répétaient à l’envi qu’ils allaient s’attaquer aux terroristes et les frapper partout où ils se trouvaient. Ils supposaient que nous étions ravis de leur discours puisque dès 1985 la Syrie avait été la première à définir clairement le terrorisme et avait appelé à la formation d’une coalition internationale contre ce fléau. À l’époque, cet appel n’avait pas intéressé grand monde parce qu’ils n’avaient pas encore goûté au terrorisme dans leurs pays. J’ai moi-même dit et répété aux Américains que leur guerre en Afghanistan allait le renforcer et le répandre.
Car le terrorisme est comme le cancer. Si vous lui donnez un coup de bistouri sans pratiquer une exérèse totale, il métastase. Il faut donc l’éradiquer, non se contenter de le frapper. Mais la guerre n’est pas un moyen suffisant pour réussir son éradication. Il faut y ajouter l’éducation, la culture, la communication et même l’économie. Ils n’ont pas voulu écouter et nous souffrons toujours des conséquences de la guerre en Afghanistan. Ou alors ils ont écouté mais ont choisi de refaire leur coup en Irak bien que nous les ayons prévenus que la situation allait se transformer en guerre sectaire et mener vers la partition, et c’est ce à quoi nous assistons. Quant à nous, dès 1976 nous sommes entrés au Liban en raison des répercussions immédiates de la guerre sur la Syrie. Oui nous sommes entrés pour protéger le Liban, mais pour protéger la Syrie aussi !
Donc, pour répondre à votre question, je dirai que nous observions ce qui se passait autour de nous quittes à intervenir quand nous le devions et que nous le pouvions. Mais vous ne pouvez pas vous soustraire à votre environnement et ce qui devait arriver est arrivé ! Pourtant, ces dernières années et notamment après la Guerre d’Irak, nous nous sommes employés à prévenir, autant que possible, les retombées néfastes de l’extérieur vers l’intérieur. Là aussi, vous pouvez prévenir partiellement, retarder quelque temps, mais vous ne pouvez interdire toutes les retombées tout le temps. Aussi, les foyers extrémistes ont commencé à apparaître en Syrie dès 2004. Au départ il s’agissait de foyers étrangers mais malheureusement, avec le temps, une proportion non négligeable de Syriens les ont rejoints.
Des tentatives visant à créer des divisions sectaires existeraient donc depuis le début et même avant cette crise. Que pensez-vous de la dernière tentative consistant à accuser le Hezbollah de dérive confessionnelle ?
Ils ont utilisés tous les moyens pour déstabiliser notre région : colonialisme direct ou indirect, menaces, déstabilisations sécuritaire et culturelle… Mais la Syrie est restée l’obstacle empêchant la réussite de ce qu’ils avaient planifié. Dernièrement et suite aux événements survenus dans certains pays arabes, ils se sont imaginés que le moment était propice pour frapper la Syrie et à travers elle atteindre « l’Axe de la Résistance » en inversant les réalités de la région. Pour cela, ils s’évertuent à redéfinir et l’ennemi et l’allié. Israël doit se transformer en « ennemi invisible » et pourquoi pas en « ami » ; alors que la Résistance doit apparaître comme l’ennemi dont le projet est à visée confessionnelle, non un mouvement de lutte contre l’occupation israélienne !
C’est là leur dernière trouvaille pour frapper le concept même de la Résistance contre Israël, et c’est dans ce but qu’ils ont cherché à modifier la perception du peuple syrien. Ils ont cru qu’ils réussiraient à aveugler nos consciences, modifier nos idéaux, nous faire reculer ou hésiter, nous faire peur étant données les retombées prévisibles de toutes ces déviances. Ils ont échoué aujourd’hui, comme ils avaient échoué par le passé.
Pour nous comme pour la Résistance et pour tous ceux qui nous soutiennent, la voie est claire. L’Étranger pourra continuer à manigancer autant qu’il le voudra. Nous atteindrons nos objectifs autant par notre résistance que par notre immunité intérieure. Nous y arriverons sans jamais hésiter et par nos propres moyens. Ils peuvent toujours continuer à discuter, nous ferons ce que nous jugerons bon dans l’intérêt de la Syrie.
Avions-nous besoin que les soldats du Hezbollah se battent à nos côtés ?
Ce n’est pas la première fois que l’on me pose cette question. Ma réponse sera très claire : l’armée syrienne se bat dans de nombreuses régions du pays, si nous avions eu besoin d’une aide étrangère nous aurions pu l’obtenir. S’agissant de la bataille d’Al-Qusayr, la question relève plus de la Résistance que de la situation interne en Syrie. De plus, cette ville n’a pas l’importance stratégique qu’ils ont cherché à lui accorder.
Mais l’Occident l’a présentée comme la bataille des batailles !
Exact ! Ceci parce qu’elle devait avoir une incidence aussi bien sur la situation interne syrienne que sur la Résistance ; d’autant plus que la ville d’Al-Qusayr, située en zone frontalière, est considérée comme l’arrière cours de la Résistance. Une Résistance forte a nécessairement besoin d’une réelle profondeur. La Syrie est la profondeur de la Résistance. D’où l’importance stratégique de cette ville par rapport aux relations entre la Syrie et le Liban, et plus spécialement entre la Syrie et la Résistance. C’est la raison fondamentale qui explique que la Résistance devait se joindre à la bataille qui la concernait autant que la Syrie. Oui, il était nécessaire qu’elle le fasse. Nous n’avons pas hésité, nous ne nous en sommes pas cachés, et nous n’avons pas à en rougir.
Mais je répète que si nous avions besoin de la Résistance, pourquoi en aurions eu besoin à Al-Qusayr et non à Damas, Alep ou dans d’autres régions ? Pourquoi exagérer cette participation ? Nous avons notre Armée et désormais les nombreux éléments de notre Défense nationale qui se battent à ses côtés. Aucun pays étranger ne pourrait nous garantir un tel nombre de défenseurs prêts à soutenir nos Forces armées.
Monsieur le Président, contrairement à tout ce que vous venez de nous dire certains opposants, en particulier ceux de l’extérieur, continuent à prétendre que ce qui se passe en Syrie est un conflit confessionnel et que c’est l’État qui a créé une structure sectaire dans son propre intérêt.
Dire que c’est l’État qui a créé une structure sectaire, c’est dire que l’État contribue à diviser la société syrienne. C’est dire que l’État cherche à diviser la patrie. Ces allégations sont-elles compatibles avec tous les combats que nous menons pour l’unité de la Syrie ? Ne sont-elles pas catégoriquement contredites par, à la fois, notre répartition démographique et la nature des batailles que nous menons ? Pour qu’un État reste fort, n’a-t-il pas intérêt à ce que le pays reste uni et que la situation sociale soit apaisée ? N’est-ce pas là un principe universel qui contredit toutes ces allégations ? En réalité, la structure sectaire pousse l’État vers la faillite et non vers la réussite, et aucun État au monde ne s’orienterait dans cette direction à moins qu’il ne soit un état ignorant. Ce qui n’est pas le cas de la Syrie !
Monsieur le Président, permettez encore plus de précision. Certains, dont particulièrement les occidentaux, vous accusent d’avoir été suffisamment malin pour faire croire « aux minorités » qu’elles étaient menacées dès le tout début des événements. Ainsi vous auriez réussi à les fidéliser. De leur point de vue, vous seriez donc responsable de la division de la société syrienne.
Si ce discours était vrai, nous serions tout de suite entrés en guerre civile et l’État serait tombé ! Si nous avions fonctionné selon cette logique, la Syrie toute entière l’aurait refusé ; car en Syrie on ne parle jamais de minorités et de majorités. Mais admettons que nous puissions adopter une telle terminologie, il est évident que les minorités ne peuvent pas protéger l’État. L’État tient sur des majorités, pas nécessairement sur des majorités confessionnelles ou religieuses, mais obligatoirement sur des majorités populaires. Par conséquent, l’État et le peuple syriens ayant tenu bon, cela implique qu’il ne s’agit pas de minorités mais de majorités qui ont soutenu leur État. Et, dans notre cas, les majorités ne peuvent qu’inclure toutes les communautés ; ce qui démolit toutes ces accusations.
Il est remarquable de constater que le projet hégémonique occidental a toujours essayé de se servir de cette notion de minorité, témoin en est le colonialisme français et la façon dont il a divisé la Syrie : un état alaouite, un état druze, Damas, Alep… En toutes choses, ils se sont fondés sur cette notion de minorité. Mais, quatre-vingt-dix ans plus tôt, nos grands parents avaient pris conscience de la gravité d’une telle partition. Est-il raisonnable que malgré nos expériences passées nous soyons moins conscients que nos ainés ? N’y voyez-vous pas une deuxième contradiction ? Ils ont déjà tenté cette même expérience et bien qu’ils aient battu monnaie et accumulé les documents de propriété, elle a échoué. L’expérience a échoué hier et il est impossible qu’elle réussisse aujourd’hui, sauf si la pensée takfiriste ou l’idéologie des Frères Musulmans arrivaient à s’enraciner en Syrie. La discorde aidant, la partition deviendra possible comme cela s’est passé pour d’autres pays arabes. Mais cela ne se produira pas !
Mais les accusations, prétendant que c’est l’État qui a créé une structure sectaire, ne sont pas formulées que par des extrémistes. Elles sont aussi soutenues par certains intellectuels qui se présentent comme des laïcs.
C’est malheureusement vrai. Les discours sectaires que nous entendons ne sont pas uniquement tenus par des extrémistes mais sont aussi tenus par de prétendus laïcs. Aujourd’hui, nous sommes face à deux groupes versant dans le sectarisme. Un groupe qui se prétend laïc, bien que nous ayons dit et répété que la laïcité n’est pas contre les religions, mais signifie la liberté des cultes. Un autre groupe qui se prétend religieux mais qui ignore tout de la religion. Ce qui est essentiel est que la majorité de ceux qui sont instruits des religions et qui ont la foi ne sont absolument pas tentés par le sectarisme et pensent, comme nous tous, que le sectarisme est l’antithèse de la religion.
Le trait d’union, entre le premier groupe qui se prétend instruit et laïc et le deuxième qui prétend connaître l’essence de la religion, est l’ignorance. L’ignorance religieuse plus précisément, car c’est ce qui mène vers le sectarisme dans le sens péjoratif de ce terme. Autrement dit, je ne parle pas ici de ceux qui partagent une même doctrine religieuse réfléchie. Entre les deux existe une nette différence, la doctrine étant fondée sur la pensée intellectuelle. Ainsi, nos anciens dignitaires religieux nous ont construit des écoles de pensées qui ont enrichi notre compréhension des religions. Ils ne nous ont jamais encouragés à adhérer à ce type de sectes et de sectarisme. C’est ceux qui ignorent la religion qui font que leur secte se substitue à la religion, ce qui est grave et destructeur. Par conséquent, nous ne sommes pas surpris par ces groupes qui se vantent d’être laïcs, alors qu’ils ne savent pas ce qu’est la religion, ni ce qu’est la laïcité. Tout ce qu’ils connaissent c’est le confessionnalisme !
Compte tenu de toutes ces idées fausses et de toutes ces pratiques perverses qui ont envahi notre société apportant leurs lots de meurtres, de décapitations, de fanatismes et de divisions, assistons-nous aux prémices de la faillite du projet d’unité panarabe au profit des intolérants et des takfiristes ?
L’identité arabe est menacée par trois facteurs : le premier est son aliénation à l’Occident, le deuxième est l’extrémisme, et le troisième est la triste performance de certains États arabes qui a conduit à s’éloigner du concept de l’arabité. Ces trois facteurs ont d’ores et déjà porté des coups sévères au projet d’unité panarabe. Ce projet bien que moribond est encore en vie. C’est ce qui ressort des attitudes du peuple qui n’a pas abandonné son identité. Certes, il a été affecté, ici ou là, par les foyers de la discorde ; mais la société arabe n’a pas changé. Au contraire, elle reste toujours enracinée dans son identité première : l’arabité !
Au début de la crise, la Turquie nous a appelés à négocier avec les Frères Musulmans en tant que mouvement politique. La Syrie a opposé un refus catégorique et la voici qui accepte de se rendre à Genève « sans conditions préalables ». Monsieur le Président, allons-nous dialoguer avec les Frères Musulmans ?
Nous dialoguons avec toutes les parties. Nous dialoguons en partant du principe que nous pourrions amener l’autre partie sur la bonne voie, la voie de la patrie. Nous avons dialogué avec les Frères Musulmans même après qu’ils nous aient frappés en Syrie, en 1982. Nos dialogues ont été ininterrompus, mais franchement, à chaque fois nous avons eu à constater que les Frères Musulmans n’abandonneraient jamais leur logique hypocrite, et surtout pas leur unique objectif : le pouvoir. Ils n’ont jamais raisonné en termes de patrie.
D’autre part, nous dialoguons avec eux en tant qu’individus, non en tant que parti politique ; le principe même d’un parti religieux étant inacceptable pour nous. Notre nouvelle constitution ainsi que nos lois sur les partis sont très claires là-dessus. Une fois de plus, cela ne veut absolument pas dire que nous sommes contre la religion. C’est tout le contraire. Nous sommes pour la religion, mais nous pensons que la religion est un appel à toute l’humanité. Par conséquent, elle ne peut être reliée à une catégorie limitée de personnes, et elle est bien trop noble pour être mêlée aux détails partisans…Nous pensons aussi que la vraie religion ne peut que renforcer l’éthique et la morale, qui à leur tour contribuent à renforcer les partis politiques, l’économie, le commerce et, en fin de compte, la patrie elle-même.
C’est ce que nous pensons et c’est pourquoi nous ne les reconnaissons pas comme parti politique. Pour nous, ce sont des terroristes qui ont assassiné des milliers de Syriens. Nous ne l’avons pas oublié ! Leurs directions et leurs dirigeants qui ont ordonné les meurtres de Syriens sont maintenant à l’étranger, mais n’ont pas changé. Nous dialoguerons avec tout le monde tout en ayant à l’esprit quelles sont leurs véritables tendances. Nous dialoguerons en sachant qu’il est très peu probable qu’ils aient pu évoluer et qu’ils soient soudain devenus modérés ou patriotes après près d’un siècle d’immobilisme. Ici, il faut rappeler que certains de leurs dirigeants, avec lesquels nous avions justement dialogué en 1982, sont rentrés au pays à titre personnel. Ils n’ont pas abandonné leur croyance doctrinaire, ce qui ne nous empêche pas de les respecter dans la mesure où lis sont revenus pour contribuer à construire le pays et non à le détruire.
En tout cas, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, le plus important est que les données du dialogue avec telle ou telle partie seront soumises à un référendum populaire. Le peuple ne peut choisir ce qui est bon pour la patrie !
S’agissant des Frères Musulmans que pense le Président Al-Assad de ce qui se passe en ce moment même en Égypte ?
Il s’agit, tout simplement, de la faillite du dit « Islam politique », faillite d’un type de gouvernance que les Frères Musulmans ont voulu vendre non seulement en Égypte… Quoi qu’il en soit, je dis et je répète que nous n’acceptons pas que l’Islam descende au niveau de la politique, car la religion est au-dessus de la politique. Pour nous, le message religieux doit suivre son propre chemin indépendamment et séparément de la gouvernance, de ses tours et ses détours.
C’est donc une expérience qui a très vite échoué, car fondée sur des principes erronés. Le regard que nous portons sur les Frères Musulmans est maintenant compatible avec la situation en Égypte. Quiconque utilisera la religion au profit de la politique, ou d’un groupe exclusif, subira l’échec tôt ou tard et n’importe où en ce monde.
Les Frères musulmans ont échoué parce qu’ils ont trompé le peuple égyptien, ou bien est ce le peuple qui s’est soudainement aperçu de ce qu’ils étaient en réalité ?
Lorsque vous parlez de l’Egypte, de l’Irak et de la Syrie, vous parlez de pays situés dans des zones stratégiques et enracinés dans l’Histoire et la Terre depuis des milliers d’années. Par conséquent, leurs peuples ont accumulé une sensibilité et des connaissances particulières qui font que vous ne pouvez plus les tromper. Certes vous pouvez tromper une partie du peuple, une partie du temps ; mais vous ne pouvez pas tromper tout le peuple, tout le temps. Ceci, sans oublier que le peuple égyptien porte en lui des milliers d’années de civilisation et une pensée arabe et nationaliste évidente. Ce qui s’est passé cette dernière année est peut-être une réaction en rapport avec le gouvernement précédent. Mais cette année aura permis à ce peuple de découvrir les mensonges du nouveau. Il semble qu’il ait été aidé en cela par les pratiques des Frères Musulmans eux-mêmes.
Un an ! C’est une vitesse record.
En effet. Le mérite en revient aux Frères Musulmans.
Est-il juste de dire que l’expérience des Frères Musulmans au pouvoir est un échec ?
Pour nous, elle avait échoué avant même de commencer. Ce type de gouvernance ne peut qu’échouer car il est incompatible avec la nature humaine. Le projet des Frères Musulmans est un projet hypocrite destiné en réalité à créer des troubles dans le monde arabe. Ils ont été les premiers à fomenter les conflits sectaires en Syrie dès les années 1970, alors que nous ne savions même pas ce que signifiaient le sectarisme et le communautarisme. Nous n’en avions jamais entendu parler comme nous ne pouvions pas en comprendre les concepts. Leur projet est donc un projet de discorde qui n’est pas durable pour les sociétés conscientes. D’où notre verdict avant même qu’il ne soit mis en application.
Certains disent que la décision de rompre les relations avec la Syrie est l’une des causes de ce que nous observons aujourd’hui dans la rue égyptienne. Reuters, citant une source militaire, avait rapporté que l’armée elle-même avait commencé à changer d’avis suite aux déclarations de Morsi lors de sa rencontre avec l’opposition syrienne.
Je ne veux pas parler au nom des Egyptiens, mais je peux vous dire que lorsqu’il y a quelques semaines Mohamad Morsi a annoncé la rupture des relations avec la Syrie, des contacts ont eu lieu entre les deux parties pour parvenir à un compromis. Cela a d’ailleurs été révélé par le ministre syrien des Affaires étrangères, M. Walid al-Mouallem, lors de sa dernière conférence de presse. Ce qui implique qu’au sein même du gouvernement égyptien certains désapprouvent cette décision, parce que c’est une mauvaise décision. Jugement partagé par de nombreux intellectuels et éminents journalistes égyptiens qui n’ont pas tardé à clairement exprimer leur indignation.
C’est une mauvaise décision parce que la relation stratégique entre les deux pays remonte très loin dans le temps. Il y a des milliers d’années, les pharaons en avaient pleinement conscience tant du point de vue politique que du point de vue militaire. D’où la bataille entre Égyptiens et Hittites à Kadesh [située non loin d’Al-Qusayr et de Homs] en 1280 av. J.-C. ; les Hittites d’Anatolie ayant déjà réalisé l’importance des relations avec la Syrie pour leurs propres intérêts, les pharaons considérant la Syrie comme la profondeur stratégique de l’Egypte. Il n’y a eu ni vainqueur ni vaincu, et la bataille s’est soldée par l’un des plus anciens accords connus. Voilà ce que les pharaons avaient compris dès 1280 av. J.-C. Comment se fait-il qu’une personne vivant au XXIe siècle ne l’ait pas compris ? C’est d’une ignorance éhontée !
Monsieur le Président, le processus que vous avez enclenché est en marche : les travaux préparatoires sont bien avancés, le dialogue se poursuit, Genève 2 est à l’horizon… Mais toutes ces questions sont d’ordre politique, alors que je voudrais vous interroger sur des questions d’ordre humain concernant la tolérance, la réconciliation, le pardon… Certains se demandent comment pourrions-nous pardonner aussi bien dans le domaine interne que dans le domaine externe ?
Pour moi, le domaine interne est le plus important. Nous avons parfois tendance à mettre tout le monde dans le même panier, alors qu’il y a celui qui a saboté mais n’a pas assassiné, celui qui a porté des armes mais n’a pas tué, celui qui a aidé mais n’a pas commis de crime… Autrement dit, nous avons à faire à toutes sortes de gens. Nous pensons que l’État peut pardonner à ceux qui n’en sont pas arrivés à assassiner à condition qu’ils reviennent dans le giron de la patrie. C’est alors une question de Droit public qui relève de la responsabilité de l’État.
En revanche, en cas d’assassinat nous sommes dans le domaine du Droit des personnes et l’État ne peut pousser à renoncer à un droit personnel. Ceci dit, un certain nombre de familles que j’ai rencontré m’ont dit mot pour mot : « Si le sang de notre fils ou de notre frère peut résoudre le problème, nous pardonnerons ! ». Lorsque vous entendez de tels propos tenus par des familles qui ont perdu leurs enfants, vous ne pouvez qu’en retenir la leçon et en conclure que le pardon est indispensable pour résoudre les crises nationales à condition qu’il soit personnel et non réglementé. Le pardon est en effet une force et une marque de patriotisme. Nous devrions tous adopter cette attitude. Comme tant d’autres familles, ma famille a été frappée et a perdu des proches ; mais nous devons faire passer notre patrie avant nos sentiments personnels et ceci aussi bien en interne qu’en externe.
Concernant le domaine externe il relève de la politique étrangère qui repose sur des principes et tient compte des intérêts du pays beaucoup plus que des émotions. Il y a donc à la fois des principes à respecter et des intérêts à défendre, l’idéal consistant à trouver la liaison indispensable entre les deux. Liaison indispensable, car lorsque vos principes sont incompatibles avec vos intérêts, les premiers sont faux ou les seconds sont mauvais. S’agissant de pardon et de réconciliation en matière de relations étrangères, ils sont bénéfiques lorsqu’ils servent notre objectif premier qui est l’intérêt du citoyen syrien. Pourquoi exclurions-nous cette possibilité ? Nous ne l’avons pas fait. Nous avons déjà accueilli un certain nombre de personnalités politiques représentant des gouvernements qui ont démontré leur hostilité à notre égard, toujours dans le but de servir les intérêts du citoyen syrien.
Monsieur le Président, les citoyens syriens sont aujourd’hui face à deux préoccupations majeures. D’une part, le terrorisme avec son lot de sang et de destructions. D’autre part, la dégradation de la situation financière. Que pensez-vous de la rumeur qui court sur les conséquences désastreuses dues à de la hausse démentielle du taux de change du Dollar ? Que diriez-vous au citoyen syrien ?
Une évaluation objective de la situation doit se fonder sur des évidences. La première évidence implique que le bien-être du citoyen nécessite une bonne situation économique, laquelle exige une bonne situation sécuritaire. Par conséquent, le problème de l’insécurité influe directement ou indirectement sur la situation économique de chacun que nous le voulions ou pas, et malgré les meilleurs compétences que nous chargerions de ce secteur.
Une autre évidence est que nous payons notre refus d’obtempérer aux exigences de gouvernements étrangers. Les États qui ont cherché à nous frapper, en soutenant une prétendue révolution puis le terrorisme et qui ont été mis en échec par notre peuple et notre armée, n’avaient plus d’autre solution que de s’attaquer à notre économie. Telle est leur vengeance contre le citoyen syrien pour avoir soutenu sa patrie avant toute autre considération. Il faut qu’il paye le prix en endurant parallèlement les sanctions financières et les violences terroristes. Si vous tenez compte de ces deux éléments, vous mesurerez ce que nous coûte notre indépendance ; un prix exorbitant, mais que nous sommes obligés de payer !
Maintenant, nous pouvons toujours limiter les dégâts en luttant contre les inévitables profiteurs de guerre et les éventuelles erreurs des fonctionnaires. Nous devons identifier les politiques qui conviennent aux circonstances du moment, et ne pas tomber dans les erreurs de ceux qui évaluent les les performances du gouvernement actuel selon les critères d’avant la crise. C’est là un comportement irréaliste car la situation est toute autre. De même, il est impossible que nous consommions de la même manière qu’avant la crise. Cela aboutirait à exercer une pression supplémentaire sur l’économie et sur la Livre syrienne. Nous sommes obligés de nous adapter et de modifier nos modes de vie et de consommation jusqu’à ce que nous parvenions à la solution politique qui va de paire avec le rétablissement de la pleine sécurité. Nous devons comprendre que nous ne pourrons mettre un terme à nos difficultés économiques tant que nous n’aurons pas restauré la sécurité.
Et c’est parce que ces difficultés économiques touchent toute la société abstraction faite de l’appartenance politique, nous devons tous nous unir pour battre le terrorisme, condition préalable pour le rétablissement de notre économie. Il faut savoir que même les citoyens qui ont rejoint les foyers de la discorde et qui ont adhéré à la prétendue révolution sont maintenant frappés par la pauvreté. Il est regrettable qu’ils en soient arrivés là pour se mettre à réfléchir. Comme il est regrettable de toujours compter sur les autres, problème courant dans nos sociétés.
Oui, nous devons absolument tous travailler ensemble que l’on soit responsable politique, fonctionnaire ou citoyen. Nous devons inventer de nouvelles idées et travailler ensemble à les concrétiser. Nous devons solliciter toute notre créativité pour trouver des solutions à la crise, sinon c’est la crise qui nous imposera ses solutions. Oui nous avons encore cette option, et je dis et je répète que si nous coopérons tous ensemble pour en finir avec le terrorisme dans le plus court délai possible, nous n’aurons plus à craindre pour notre économie qui sera encore plus prospère qu’avant, parce que notre peuple déborde d’énergie
Nous sommes un pays de civilisations. Nous avons construit notre pays avec nos moyens et nos compétences. Pour cela, nous n’avons pas sollicité l’aide de l’étranger. Nous avons rencontré des difficultés… mais nous l’avons construit. Nous sommes donc capables de le reconstruire une fois cette crise vaincue, comme nous sommes capables de rétablir notre économie. Mais d’abord, il nous faut rétablir la sécurité.
Quelle est la vérité sur les ressources de nos eaux territoriales en pétrole et en gaz, ressources qui ont fait l’objet de rapports issus de divers centres de recherche ?
C’est la vérité, que ce soit dans nos eaux territoriales ou dans notre sol. Les premières études ont fait état d’importants gisements de gaz dans nos eaux territoriales. Puis, nous avons su que d’autres gisements s’étendaient de l’Egypte, à la Palestine et sur tout le long de la côte ; ces ressources étant plus abondantes dans le nord.
Certains disent que l’une des raisons de la crise syrienne est qu’il serait inacceptable qu’une telle fortune soit entre les mains d’un État opposant mais, évidemment, personne ne nous en a parlé de façon directe. C’est une analyse logique de la situation et nous ne pouvons ni la réfuter, ni la considérer comme une raison secondaire. C’est peut-être la raison principale de ce qui se passe en Syrie mais, pour le moment, elle reste du domaine de l’analyse.
Monsieur le Président, j’aimerais revenir sur les conditions de vie mais sous un autre angle. Le gouvernement a procédé à deux augmentations de salaire depuis le début de cette crise. La première était attendue et certains pensaient qu’elle était nécessaire. En revanche, la deuxième était inattendue dans le sens où certains ont été surpris de voir l’État accorder cette augmentation dans ces circonstances difficiles. C’est certes un élément d’espoir pour les projets d’après la crise. Nous dirigeons-nous dans ce sens ? Avons-nous fait ce qu’il fallait pour notre avenir ?
Vu les destructions que nous avons subies, il est évident que l’économie syrienne devra essentiellement travailler à la reconstruction ; ce que nous avons d’ores et déjà commencé à faire. Nous avons planifié et validé nos projets, puis nous avons commencé leur mise à exécution. Le retard n’est dû qu’à la situation sécuritaire, la sécurité étant essentielle pour que les divers corps de métiers puissent se rendre à leur lieu de travail. Quant à l’augmentation des salaires, il est certain qu’il est surprenant qu’un État qui subit une telle agression guerrière puisse continuer à payer les salaires et à assurer les services, même de moindre qualité, là ou d’autres États beaucoup plus puissants auraient failli. C’est un succès non négligeable, mais je répète que nos ambitions sont plus grandes et que nous pouvons mieux faire si nous nous épaulons les uns les autres.
30. Reste une autre question en relation avec les conditions de vie des citoyens. Certains considèrent que c’est l’État qui est responsable de l’insécurité des frontières, du désordre du marché, et de la flambée des prix. L’État serait absent. Est-ce que nous en sommes là parce nous avons été surpris par la crise, ou bien est-ce nos institutions qui sont déficientes ?
Il est certain que les lacunes et dysfonctionnements de certaines institutions étatiques existaient avant la crise. J’ai régulièrement abordé ces problèmes, y compris ceux relatifs à la corruption, à la négligence, à l’incompétence de certains responsables… La crise a évidemment mis à découvert tous ces déséquilibres et les a même multipliés, ce qui est normal. Mai dire que l’État est absent ou présent sur la seule base de la situation interne avant et après la crise, c’est considérer que cette crise est strictement d’origine interne, ce qui n’est pas le cas. Certes, la situation interne souffre de la corruption, de l’insécurité, du chaos, des exactions des bandes armées… comme c’est les cas pour d’autres pays. Mais notre situation est complètement différente. Nous sommes en situation de guerre, une guerre venue de l’extérieur mais qui utilise des outils de l’intérieur. L’État travaille à la défense de la patrie et, dans ces conditions, il est illogique d’évaluer son action globale sans tenir compte de l’ensemble de la situation.
La présence de l’État se juge avant tout sur le maintien ou l’abandon de ses principes. Est-ce que l’État syrien a renoncé à ses principes ? Non, il n’a renoncé ni aux principes fondamentaux de sa politique interne, ni aux principes fondamentaux de sa politique externe. Il est toujours pour la Résistance. Il est toujours aussi concerné par la question palestinienne. Il continue à payer les salaires et à assumer ses responsabilités vis-à-vis des ouvriers et des cultivateurs. Il continue à embaucher là où il le peut. Il continue à assurer les services dus aux citoyens, malgré la destruction des infrastructures. En plus des réformes, ils lancent autant de projets que la situation le permet. Par conséquent l’Etat syrien n’est pas absent, il est en situation de guerre !
Nos institutions et nos infrastructures sont vandalisées ou détruites, ce qui est perçu par certains comme le début de la faillite de l’Etat syrien. Est-ce le cas ?
S’ils frappent nos infrastructures, détruisent notre économie, cherchent à installer l’insécurité et le chaos dans notre société, c’est justement pour nous mener à une situation d’État en faillite. Mais nous n’en sommes pas encore là, la preuve en est que l’économie fonctionne toujours malgré les graves difficultés que personne ne s’attendait à nous voir dépasser. Les ouvriers, les employés, les commerçants… continuent à se rendre à leur travail malgré les énormes problèmes de sécurité. La vérité est que le peuple syrien a prouvé qu’il était résistant et plein de vie. Après les explosions, une fois que les victimes ont été évacuées et les gravats retirés, chacun reprend son travail même si tous s’attendent à ce qu’un obus tombe, qu’une bombe explose, qu’une attaque terroriste survienne… Nous n’avions jamais connu cela en Syrie. Nous ne savions même pas que nous en étions capables. Nous savons aujourd’hui que nous sommes un peuple vivant qui croit en son destin, ce qui fait que nous ne prendrons pas le chemin de la faillite.
Maintenant, je pense qu’ils ont épuisé toutes les armes possibles et imaginables, pour nous atteindre moralement, physiquement, psychologiquement… Il ne leur reste plus que l’intervention militaire directe, mais je ne crois pas qu’ils en arriveront jusque là pour de multiples raisons. J’ai souvent dit que commencer une guerre est une chose, en finir c’est autre chose ! Nul ne peut prévoir la fin d’une guerre. D’où les hésitations ou les refus de la majorité des gouvernements. Quant à nous si nous continuons à en franchir les étapes avec autant de conscience, nous n’avons rien d’autre à craindre. Je ne suis pas inquiet.
Vous êtes donc optimiste, Monsieur le Président ?
Si je n’étais pas optimiste, je n’aurais pas pu résister aux côtés du peuple syrien ; et si le peuple syrien n’était pas optimiste, il n’aurait pas pu résister. Le désespoir est à la base et le début de la défaite. La défaite est avant tout psychologique. Si les gens que je rencontre n’étaient pas optimistes ils ne me répéteraient pas : « La crise touche à sa fin », « la Syrie est protégée par Dieu », « Nous n’avons pas peur ». Ils ne reviendraient pas sans cesse sur les paroles de feu le cheikh Mohamad Saïd Al-Boutî qui croyait que la Syrie s’en sortira … C’est animé d’une vraie foi, religieuse et patriotique, que le peuple syrien attend la fin de cette crise. Il faut donc croire que sans optimisme il n’y aurait pas foi, et que sans foi il n’y aurait pas optimisme.
À l’occasion de ce cinquantenaire, Monsieur le Président, puis-je me permettre de vous demander d’adresser un message personnel à tous mes collègues de la presse écrite ? En un mot, ils ont été exemplaires par leur dévouement, leur abnégation et leur travail acharné. Je pense en cet instant à l’un de nos collaborateurs, simple ouvrier à l’imprimerie, qui se met en danger toutes les nuits en risquant sa vie à chaque poste de contrôle routier. Il n’a aucune ambition politique et n’est motivé que par son patriotisme et son sentiment d’appartenance à notre institution. Je dois dire que cette remarque s’applique à tous les employés des médias nationaux qui ont témoigné de leur fidélité à notre patrie.
Ce que vous dites des employés de votre quotidien, et qui en effet s’applique à tous les employés des médias nationaux, confirme que le peuple syrien est bien vivant et résiste ! J’espère que vous transmettrez mes chaleureuses salutations à tous vos collègues, d’autant plus que vous commémorez le cinquantenaire de l’un des plus anciens quotidiens patriotes syriens et qui coïncide avec le cinquantième anniversaire de la Révolution du 8 Mars 1963 dont nous venons de rappeler tout ce qu’elle a apporté à la Syrie. Et puisque la vraie révolution que nous vivons est la « Révolution du peuple et de l’armée contre les terroristes » et certainement pas celle dont ils font la publicité mensongère, j’espère que désormais le nom du quotidien « Al-Thawra » rappellera non pas une seule révolution mais deux à la fois : la Révolution de 1963 et la révolution de 2013 !
Dr Bachar al-Assad
Président de la République arabe syrienne
04/07/2013
Texte traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Texte original : Al-Thawra [Rédacteur en chef : Ali Kassem]
http://thawra.alwehda.gov.sy/_archive.asp ?FileName=63241515720130704021727