Publié le : 03 septembre 2013
Source : bvoltaire.fr
Est-ce faire preuve d’esprit munichois que de s’opposer à l’intervention militaire dont notre président va-t-en-guerre menace le régime syrien ? C’est ce qu’a cru pouvoir affirmer un certain Harlem, nommé Désir, jadis fondateur et président de SOS Racisme, aujourd’hui premier secrétaire du PS et d’autant plus enclin à durcir le ton qu’il est plus contesté, de l’intérieur comme du dehors.
« Munichois », c’est l’insulte éculée que les comiques de la scène française, lorsqu’à court d’arguments il ne leur reste plus que l’invective, jettent comme une tarte à la crème au visage de leurs adversaires. Etre munichois, c’est marcher sur les traces de ces lâches, de ces dégonflés, de ces pacifistes, de ces capitulards qui, en 1938, à plat ventre devant le Führer et le Duce, abandonnèrent à son sort la Tchécoslovaquie, choisirent le déshonneur pour éviter la guerre et qui, ce faisant, eurent l’un et l’autre. C’est dans leurs rangs que devaient se recruter, sous l’égide du maréchal Pétain, les futurs valets, les futurs complices, les futurs bourreaux de Hitler. Bref, être munichois, c’est déjà être hitlérien, c’est déjà être Hitler. On connaît la ritournelle et l’amalgame qu’ont cimenté au fil des ans la facilité, l’ignorance et la calomnie.
Successeur rue de Solférino de François Hollande, Lionel Jospin et François Mitterrand, M. Harlem Désir devrait mieux connaître l’histoire de la France et de son propre parti. Peut-il ignorer que, retour de Munich, le président du Conseil français, Edouard Daladier, fut acclamé par une foule immense et que, sur le moment, la quasi-totalité de la classe politique et de la population française, à commencer par la gauche de gouvernement, parti radical et S.F.I.O. sur la même ligne, partagèrent le « lâche soulagement » dont parlait Léon Blum et bénirent le sursis bienvenu qui hélas ne retarda que d’un an l’ouverture de la grande boucherie en gros qui devait ensanglanter l’Europe et le monde ?
Laissons à leurs regrets et à leurs rodomontades ceux qui regrettent en 2013 que la Seconde Guerre mondiale n’ait pas éclaté dès septembre 1938. Il est trop tard pour qu’ils demandent à leurs parents ce qu’ils en pensaient alors. Le danger que faisaient planer sur la paix du monde le dictateur nazi et son homologue fasciste n’avait hélas rien d’imaginaire. Entre Hitler, Mussolini et Bachar el Assad, il y a une différence de taille, dans les deux sens de l’expression. La Syrie, dont l’existence même est menacée, ne projette aucune conquête, elle se bat pour survivre. La lâcheté, aujourd’hui, ce n’est pas de plier devant la Syrie, c’est de bombarder Damas. Le président syrien ne fait pas le poids face à la coalition d’ennemis puissants – Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Turquie, royaumes sunnites, Israël – qui parlent et qui, pour certains d’entre eux, rêvent de lui faire mordre la poussière. Il y a peut-être plus de courage et certainement plus de lucidité chez ceux qui, résistant à la facilité et aux mensonges de la propagande, refusent le démantèlement de la Syrie et la constitution d’un axe de fer sunnite de Ryad à Istanbul que chez ceux qui, à la botte des faucons de Washington, à la babouche de l’Arabie saoudite ou à la solde du Qatar, prêchent l’étrange et nouvelle croisade qui associerait les étoiles du drapeau américain et le croissant des bannières d’Al Qaida.
Bref, l’homme à la petite main rose dont la nouvelle devise pourrait être « Touche pas à mon poste » a perdu une de ces occasions que trop souvent les dirigeants politiques laissent passer : celle de se taire.
Dominique Jamet