Publié le : 24 octobre 2013
Source : bvoltaire.fr
« Parents, n’exaspérez pas vos enfants ». L’injonction de saint Paul vaut-elle aussi pour les gouvernants ?
« Gad. Des salariés à bout de nerfs », titrait mercredi matin Le Télégramme de Brest en évoquant les violents heurts à Josselin entre les salariés morbihannais de l’abattoir et leurs collègues finistériens de Lampaul-Guimiliau ; entre les désespérés, la haine au ventre, qui n’ont plus de boulot, et les rescapés qui, par instinct de survie comme dans Le Radeau de la Méduse, repoussent durement ceux qui s’accrochent. Un spectacle effarant, une page de Zola, que ces collègues et amis d’hier en venant aux poings avec la hargne de ceux qui ont faim. Les forces de l’ordre ont dû s’interposer, elles sont restées toute la nuit.
Gad SAS, qui n’a pas résisté à la crise de la filière porcine, est en redressement judiciaire depuis février, et le tribunal de commerce de Rennes a opté le 11 octobre dernier pour un « plan de continuation » prévoyant le transfert de l’activité du Finistère sur un autre abattoir, celui de Josselin. Ce sont 889 emplois que l’on supprime.
Ce vendredi-là, comme le rapporte Le Parisien, le délégué syndical du site de Lampaul-Guimiliau, qui prit la parole peu après 17 h pour annoncer la nouvelle aux salariés rassemblés, avait dans la poche-poitrine de son blouson un crucifix en bois. Soit que cet abattoir – non plus de porcs mais de salariés – soit son Jardin des Oliviers à lui, soit qu’il pense désormais plus utile dans cette affaire d’invoquer le secours du Ciel que celui de notre improbable gouvernement.
Avec quel intérêt les salariés de Lampaul-Guimiliau ont dû suivre le week-end dernier les mille et une délicates attentions de tout un aréopage de ministres et président réunis au chevet d’une famille kosovare (?) clandestine. Comment dire ? Leurs filles à eux ne s’appellent pas Leonarda mais n’ont guère le moral non plus. Il semblerait que le sort de ces adolescentes-là – leur côté bécassine, sans doute ? – laisse assez froids les jeunes bourgeois parisiens qui, banderoles au vent, ont fait l’école buissonnière ces derniers jours. L’empathie, que voulez-vous, cela ne se commande pas.
Et tout cela tombe spécialement à pic, au moment où l’on apprend que Gad emploie, depuis la fermeture de son site du Finistère, une centaine d’intérimaires roumains dans son abattoir du Morbihan, via des sociétés d’intérim… roumaines. Selon la direction, ce recours à ces travailleurs intérimaires serait provisoire, en attendant le reclassement pour 343 employés de Lampaul-Guimiliau. Mais « la situation crée des tensions ». Quelle surprise.
Soulignons que ces travailleurs intérimaires sont payés une misère et vivent dans des conditions insalubres. Sans doute faut-il éviter l’amalgame et la stigmatisation. Mais le gouvernement chercherait l’effet contraire qu’il ne ferait pas mieux.
Parents n’exaspérez pas vos enfants. Et comment mieux les exaspérer qu’en bichonnant les enfants des autres quand on les laisse croupir, eux, le fondement dans la fange ?
Gabrielle Cluzel