Publié le : 19 août 2014
Source : bvoltaire.fr
Comme il est de règle en temps de guerre – et l’Occident, depuis six mois, mène contre la Russie, sous la direction éclairée des États-Unis, une guerre idéologique qui n’ose pas dire son nom –, les bulldozers de la propagande, conduits par les serviteurs zélés de l’empire américain, écrasent tout sous leurs chenilles et les esprits faibles, soumis à un pilonnage incessant, finissent par croire ce qu’on leur dit et avalent toutes crues les salades qu’on leur sert.
Ancien des services spéciaux soviétiques – est-ce tellement moins honorable que d’avoir été ou d’être, comme tant de nos dirigeants, l’employé d’une grande banque d’affaires ou d’une multinationale ? –, Vladimir Poutine nous est dépeint sous les traits les plus noirs et l’on nous assène sans rire que la Russie d’aujourd’hui n’est qu’un clone de l’Union soviétique, que le pays est de nouveau soumis à une dictature. À en croire la plupart de nos médias, pour trouver quelque chose de comparable à ce qui se passe actuellement en Ukraine, il faudrait remonter à l’immédiate avant-guerre de 1939, à l’Anschluß, à l’affaire des Sudètes, à Munich, au dernier partage de la Pologne… On connaît la suite, et l’on voit à quels moustachus, et à quels régimes font finement allusion les gros sabots de la désinformation.
Eh bien non, Poutine n’est pas Hitler. Où sont les camps et le génocide ? Poutine n’est pas Staline ni Brejnev. Où est le goulag, où le parti unique, où les satellites, où les massacres et le coup de revolver dans la nuque, où l’entreprise d’infiltration et de subversion du « monde libre » ? Poutine n’est pas Pol Pot. Poutine n’est pas Kim Jong-un. On se calme…
Ne soyons ni naïfs ni aveugles. Poutine n’est pas non plus un démocrate américain. Poutine n’est pas un conservateur britannique. Poutine n’est pas un socialiste français. Poutine n’est pas Barroso, Juncker, Schulz ou Bayrou. Ses modèles ne sont ni Willy Brandt, ni Henri Queuille, ni Jacques Chirac, ni le Mahatma Gandhi, ni Nelson Mandela, mais plutôt Richelieu ou Bismarck, et cela tombe bien, car c’est très précisément ce que souhaite l’immense majorité de son peuple, ce qui lui a permis d’être élu, réélu et aujourd’hui plébiscité chez lui, ce qui lui vaut une popularité et donc une légitimité dont ses homologues occidentaux affectent de s’offusquer et rêvent en secret.
Vladimir Poutine est un patriote russe. Un homme qui n’a eu de cesse de redresser et de restaurer la puissance d’un État tombé en quenouille sous l’idéaliste Gorbatchev et le lamentable Eltsine. Un homme qui œuvre avec constance et détermination pour rendre à son pays, autant qu’il le pourra, sa grandeur perdue. Ces derniers temps, il a remporté dans le combat qu’il mène, en dépit des manœuvres nord-américaines et de la stupide hostilité de l’Union européenne, trois succès de taille dans des domaines différents, avec les Jeux olympiques de Sotchi, boudés par les mêmes grandes consciences qui ne se font pas scrupule de commercer, de causer et de pactiser avec la dictature chinoise ou avec les émirats pétroliers. Avec la constitution d’une Union eurasienne réduite pour l’instant, outre la Russie, à l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan et le Kazakhstan. Avec, enfin, le retour à la mère patrie, sans coup férir, de la Crimée, administrativement rattachée du temps de Nikita Khrouchtchev à une République soviétique qui n’était pas encore un État « indépendant ».
Que Poutine rêve de faire rentrer dans le giron de la Russie par le biais d’une union économique et, s’il se peut, d’un rapprochement institutionnel, l’Ukraine et la Biélorussie, ces vieux pays neufs dont l’histoire et la culture sont si intimement et si anciennement liées à celles de son propre pays, qu’il rêve de la Grande Russie, ce n’est un secret pour personne. Mais qu’il soit prêt pour cela à franchir le seuil de l’irréparable, qu’il soit prêt, comme l’étaient justement Hitler ou Staline, à plonger le monde dans le chaos, à faire payer à l’humanité tout entière le prix d’une ambition démente, chaque jour qui passe nous démontre précisément le contraire. La politique étrangère de Poutine, comme celle de ses modèles, recourt tour à tour à la ruse, à la promesse, à la séduction, à l’intimidation. Elle ne se réduit pas, comme celle des États-Unis, à l’alternative entre le gros bâton et la démission. Elle procède par petits pas, elle compte sur le temps, la patience, les erreurs adverses pour arriver à ses fins. Elle tâte l’adversaire mais sait reconnaître et respecter ses limites.
Depuis le début de la crise ukrainienne, Washington, Londres, Paris et, bien sûr, Varsovie, Riga, Tallinn ou Vilnius, qui ont au moins l’excuse de souvenirs encore brûlants, sans parler naturellement de Kiev et de son président brusquement passé de la chocolaterie oligarchique à la grande politique, ont perdu tout sang-froid et croient devoir répondre à une situation difficile par des injures, des sanctions, des menaces, des humiliations et des démonstrations de force qui masquent mal un extrême embarras et une grande faiblesse. Est-ce ainsi qu’il faut traiter avec Poutine, est-ce ainsi qu’il faut traiter la Russie, est-ce ainsi qu’on peut espérer en finir avec la dissidence d’une partie de la population ukrainienne ? L’intérêt à courte vue, l’intérêt mal compris des États-Unis est peut-être d’affaiblir et d’abattre la seule puissance et le seul homme (avec madame Merkel) qui soient en mesure de s’opposer à l’extension de leur emprise sur le Vieux Continent. Mais à quoi ressemble l’attitude des « puissances » européennes qui courent derrière leur maître comme autant de caniches, de setters ou de loulous de Poméranie ? Sur quelles bases avons-nous cru devoir prendre le parti de M. Porochenko et rejoindre son camp ? L’avenir de la France serait-il de devenir le cinquante et unième État américain ? L’Europe, si elle veut encore compter, ne se fera pas sans la Russie, elle se fera encore moins contre la Russie.
Comme il est de règle en temps de guerre – et l’Occident, depuis six mois, mène contre la Russie, sous la direction éclairée des États-Unis, une guerre idéologique qui n’ose pas dire son nom –, les bulldozers de la propagande, conduits par les serviteurs zélés de l’empire américain, écrasent tout sous leurs chenilles et les esprits faibles, soumis à un pilonnage incessant, finissent par croire ce qu’on leur dit et avalent toutes crues les salades qu’on leur sert.
Ancien des services spéciaux soviétiques – est-ce tellement moins honorable que d’avoir été ou d’être, comme tant de nos dirigeants, l’employé d’une grande banque d’affaires ou d’une multinationale ? –, Vladimir Poutine nous est dépeint sous les traits les plus noirs et l’on nous assène sans rire que la Russie d’aujourd’hui n’est qu’un clone de l’Union soviétique, que le pays est de nouveau soumis à une dictature. À en croire la plupart de nos médias, pour trouver quelque chose de comparable à ce qui se passe actuellement en Ukraine, il faudrait remonter à l’immédiate avant-guerre de 1939, à l’Anschluß, à l’affaire des Sudètes, à Munich, au dernier partage de la Pologne… On connaît la suite, et l’on voit à quels moustachus, et à quels régimes font finement allusion les gros sabots de la désinformation.
Eh bien non, Poutine n’est pas Hitler. Où sont les camps et le génocide ? Poutine n’est pas Staline ni Brejnev. Où est le goulag, où le parti unique, où les satellites, où les massacres et le coup de revolver dans la nuque, où l’entreprise d’infiltration et de subversion du « monde libre » ? Poutine n’est pas Pol Pot. Poutine n’est pas Kim Jong-un. On se calme…
Ne soyons ni naïfs ni aveugles. Poutine n’est pas non plus un démocrate américain. Poutine n’est pas un conservateur britannique. Poutine n’est pas un socialiste français. Poutine n’est pas Barroso, Juncker, Schulz ou Bayrou. Ses modèles ne sont ni Willy Brandt, ni Henri Queuille, ni Jacques Chirac, ni le Mahatma Gandhi, ni Nelson Mandela, mais plutôt Richelieu ou Bismarck, et cela tombe bien, car c’est très précisément ce que souhaite l’immense majorité de son peuple, ce qui lui a permis d’être élu, réélu et aujourd’hui plébiscité chez lui, ce qui lui vaut une popularité et donc une légitimité dont ses homologues occidentaux affectent de s’offusquer et rêvent en secret.
Vladimir Poutine est un patriote russe. Un homme qui n’a eu de cesse de redresser et de restaurer la puissance d’un État tombé en quenouille sous l’idéaliste Gorbatchev et le lamentable Eltsine. Un homme qui œuvre avec constance et détermination pour rendre à son pays, autant qu’il le pourra, sa grandeur perdue. Ces derniers temps, il a remporté dans le combat qu’il mène, en dépit des manœuvres nord-américaines et de la stupide hostilité de l’Union européenne, trois succès de taille dans des domaines différents, avec les Jeux olympiques de Sotchi, boudés par les mêmes grandes consciences qui ne se font pas scrupule de commercer, de causer et de pactiser avec la dictature chinoise ou avec les émirats pétroliers. Avec la constitution d’une Union eurasienne réduite pour l’instant, outre la Russie, à l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kirghizistan et le Kazakhstan. Avec, enfin, le retour à la mère patrie, sans coup férir, de la Crimée, administrativement rattachée du temps de Nikita Khrouchtchev à une République soviétique qui n’était pas encore un État « indépendant ».
Que Poutine rêve de faire rentrer dans le giron de la Russie par le biais d’une union économique et, s’il se peut, d’un rapprochement institutionnel, l’Ukraine et la Biélorussie, ces vieux pays neufs dont l’histoire et la culture sont si intimement et si anciennement liées à celles de son propre pays, qu’il rêve de la Grande Russie, ce n’est un secret pour personne. Mais qu’il soit prêt pour cela à franchir le seuil de l’irréparable, qu’il soit prêt, comme l’étaient justement Hitler ou Staline, à plonger le monde dans le chaos, à faire payer à l’humanité tout entière le prix d’une ambition démente, chaque jour qui passe nous démontre précisément le contraire. La politique étrangère de Poutine, comme celle de ses modèles, recourt tour à tour à la ruse, à la promesse, à la séduction, à l’intimidation. Elle ne se réduit pas, comme celle des États-Unis, à l’alternative entre le gros bâton et la démission. Elle procède par petits pas, elle compte sur le temps, la patience, les erreurs adverses pour arriver à ses fins. Elle tâte l’adversaire mais sait reconnaître et respecter ses limites.
Depuis le début de la crise ukrainienne, Washington, Londres, Paris et, bien sûr, Varsovie, Riga, Tallinn ou Vilnius, qui ont au moins l’excuse de souvenirs encore brûlants, sans parler naturellement de Kiev et de son président brusquement passé de la chocolaterie oligarchique à la grande politique, ont perdu tout sang-froid et croient devoir répondre à une situation difficile par des injures, des sanctions, des menaces, des humiliations et des démonstrations de force qui masquent mal un extrême embarras et une grande faiblesse. Est-ce ainsi qu’il faut traiter avec Poutine, est-ce ainsi qu’il faut traiter la Russie, est-ce ainsi qu’on peut espérer en finir avec la dissidence d’une partie de la population ukrainienne ? L’intérêt à courte vue, l’intérêt mal compris des États-Unis est peut-être d’affaiblir et d’abattre la seule puissance et le seul homme (avec madame Merkel) qui soient en mesure de s’opposer à l’extension de leur emprise sur le Vieux Continent. Mais à quoi ressemble l’attitude des « puissances » européennes qui courent derrière leur maître comme autant de caniches, de setters ou de loulous de Poméranie ? Sur quelles bases avons-nous cru devoir prendre le parti de M. Porochenko et rejoindre son camp ? L’avenir de la France serait-il de devenir le cinquante et unième État américain ? L’Europe, si elle veut encore compter, ne se fera pas sans la Russie, elle se fera encore moins contre la Russie.
Dominique Jamet