Publié le : 31 août 2014
Source : polemia.com
Dans Boulevard Voltaire Nicolas Bonnal, favorable au Front national, explique qu’à tout prendre il ne faut pas souhaiter… sa victoire car les banques et le pouvoir américain dresseraient «un mur, plus haut et plus électrifié que le Mur de Berlin». L’essayiste espagnol Javier Portella ne partage pas ce point de vue. Pour lui «on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs» et il faut accepter le principe d’un grand bouleversement. Au passage Portella rappelle que «toutes les révolutions que l’histoire a connues (qu’elles aient été vertueuses ou crapuleuses) se sont produites, d’abord, dans un seul pays qui, isolé, a dû faire face à des ennemis internes et externes». Un texte à lire et à méditer.
Polémia
_____
Le 25 août – au lendemain de la Saint-Barthélemy, comme l’auteur le souligne avec intention– il est paru sur Boulevard Voltaire un article signé Nicolas Bonnal et intitulé «La victoire du Front national est-elle souhaitable ?» dont l’importance me paraît incontestable… même s’il me faut contester tout à fait ses conclusions :
Celles-ci mènent l’auteur, qui partage pourtant les vues du Front national, à souhaiter… sa défaite. Pour une seule raison : la crainte d’effaroucher nos puissants ennemis – les banques et le pouvoir américain –, qui dresseraient « un mur -dit-il- plus haut et plus électrifié que le Mur de Berlin » afin d’empêcher les bouleversements de politique, d’économie et de société qu’entraînerait la victoire du Front si celui-ci était conséquent, bien entendu, avec lui-même.
A suivre un tel raisonnement, nous sombrerions alors dans la paralysie la plus complète – pire : dans la servitude volontaire – jusqu’à la fin des temps. Ce n’est pas là l’intérêt de l’article. C’est dans ses prémisses.
Oui, c’est vrai, personne ne l’a jamais dit, et il est grand temps de le dire : l’arrivée du Front au pouvoir – la chose semble désormais imparable, quelle qu’en soit la date – ne devrait pas se borner à quelques retouches par-ci, à quelques remaniements par-là. Si le projet du Front est sérieux, si ce n’est pas de la frime, s’il ne consiste pas à rafistoler un peu la façade pour mieux laisser la maison intacte, ce projet ne peut que conduire à un grand, à un profond bouleversement politique, social, économique, culturel.
Un tel bouleversement a un nom, même si on ne le prononce jamais afin de ne pas effrayer les braves gens : ce nom est révolution. Une révolution, certes, voulue dans l’ordre, entreprise dans la légalité. Mais révolution quand même.
Serait-ce donc une révolution pacifique, qui n’aurait à connaître ni heurts ni affrontements ? Voilà ce que Nicolas Bonnal met en doute. Il a raison. Devant un tel bouleversement, rappelle-t-il, ni le pouvoir de l’argent ni celui de l’empire d’outre-Atlantique – celui des banlieues non plus – ne vont rester les bras croisés. Que peuvent-ils faire ? Jusqu’où peuvent-ils aller ? De quelle nature serait ce mur « plus haut que le Mur de Berlin » qu’ils vont sans doute tenter de dresser ? On n’en sait rien, certes, mais il est légitime de tout craindre – et donc de tout prévoir.
Ce qui, par contre, n’est pas du tout légitime, c’est qu’une telle crainte nous fasse baisser, frileux et peureux, les bras. Il y a des risques, c’est vrai, et il serait fou de l’oublier. (Les risques sont même là avant toute prise effective du pouvoir : les assassinats, par exemple, du leader identitaire Pim Fortuyn, alors que sa popularité montait en flèche, et du cinéaste Theo van Gogh au Pays-Bas sont là pour nous le rappeler ; peu importe, d’ailleurs, quels aient été les commanditaires derniers des crimes : des islamistes du Grand Remplacement ou d’une tout autre nature.)
Il faut rappeler les enjeux et les risques auxquels il faudra un jour faire face. Mais pour une seule raison : pour mieux y parer le moment venu. Il faut également rappeler que toutes les révolutions que l’histoire a connues (qu’elles aient été vertueuses ou crapuleuses) se sont produites, d’abord, dans un seul pays qui, isolé, a dû faire face à des ennemis internes et externes.
Il faut rappeler, en un mot, qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Déteste-t-on les éclaboussures des œufs ? Tient-on à garder la cuisine toute proprette et douillette ? Alors, de grâce, qu’on ne fasse surtout pas d’omelette ! Si l’on est timoré, qu’on reste pataugeant dans ses craintes. Mais à une seule condition : celle de savoir que rien ne va alors changer et qu’on va se retrouver, au lendemain d’une « éclatante victoire électorale », Gros-Jean comme devant.
Javier Portella