Publié le : 30 septembre 2014
Source : agefi.com
Les résultats de l’enquête publiés le 9 septembre dernier ont a peine été commenté par les médias
Avez-vous remarqué que, depuis début août, on ne parle plus du tout du crash du vol MH 17 en Ukraine dans les médias et les ministères occidentaux? Plus un mot, plus une image, pas un commentaire, silence total, les éditorialistes et les experts si affirmatifs et si vindicatifs quelques jours auparavant comme si l’accident n’avait jamais eu lieu alors que pendant trois semaines on nous a bombardé d’annonces tonitruantes sur les soi-disant «preuves» accusant les séparatistes pro-russes. A peine, le 9 septembre dernier, a-t-on pu voir ici ou là, un petit article ou un bref commentaire pour mentionner la conférence de presse hollandaise indiquant qu’il serait impossible d’établir l’origine du crash avant la remise du rapport final dans un an et que tout ce qu’on pouvait dire, c’était que l’avion avait été abattu par des objets perforants.
Comment expliquer que le lendemain du crash l’ensemble du monde politique et médiatique américain et européen ait été convaincu de la culpabilité russe (ou pro-russe, ce qui revient au même) et que ces belles certitudes se soient envolées du jour au lendemain sans que quiconque se pose la moindre question? Et pourquoi aucun média n’a-t-il fait observer que la fin de ce harcèlement a cessé comme par enchantement juste après l’adoption du deuxième train de sanctions américaines et européennes contre la Russie? Or il existe pourtant des tas de questions passionnantes à poser sur ce crash et on a connu la presse beaucoup plus insistante dans nombre d’affaires de moindre importance. Aurait-on déjà oublié qu’il existe une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, la 2166, qui exige une enquête internationale véridique, transparente et vérifiable et qui demande que les experts aient accès au site? Or il se trouve que ce site, qui se trouvait jusque-là dans un secteur plutôt calme, a commencé à être bombardé par les forces ukrainiennes aussitôt après le crash afin d’empêcher les experts de se rendre sur place, tout en accusant les séparatistes.
Or il est essentiel que les experts aient accès au site du crash afin de pouvoir répertorier tous les éléments de la carcasse, les traces et la nature des objets perforants, leur position au sol, et une fois les relevés terminés, les récupérer afin de pouvoir procéder à une reconstitution de l’appareil, comme cela se fait d’ailleurs habituellement dans ce genre d’accident. Tout comme il est essentiel, l’examen des boites noires s’avérant insuffisant, qu’ils aient accès aux enregistrements intégraux des aiguilleurs du ciel ukrainiens en charge du trafic aérien à Kiev au moment du crash – accès pour le moment refusé par les autorités ukrainiennes. Travailler seulement sur la base de photos et de témoignages oraux relèverait du pur amateurisme. Or jusqu’à maintenant, ce travail minutieux de relevé et de prélèvement n’a pas été fait. Enfin, pourquoi la commission d’experts n’a-t-elle pas pris en compte qu’au moins un avion ukrainien se trouvait à proximité du vol Malaysia au moment de l’accident, comme cela ressort des enregistrements radar?
En clair, et c’est ce que craint la partie russe, il a de gros risques pour que l’enquête soit bâclée et que, une fois l’émotion passée et le tsunami de propagande antirusse ayant fait son œuvre dans l’opinion publique occidentale, on laisse tomber la chose dans un quasi-oubli et que l’on se contente de publier en catimini des résultats vagues et fumeux au terme desquels on conclurait qu’il serait impossible d’affirmer avec certitude quel camp a abattu l’avion, tout en laissant naturellement subsister le doute qu’il s’agirait naturellement de la partie pro-russe.
Or il est important que la communauté internationale reste vigilante et fasse continuellement pression pour que l’enquête soit menée jusqu’au bout et que la vérité soit établie. Jusqu’ici, il n’en a rien été. La transparence est nulle et les tentatives pour qu’une discussion ouverte et multilatérale sur les causes de ce drame ont toutes échoué. La présentation manipulatoire des faits a même inquiété des responsables du renseignement américains, qui se sont inquiété de la faiblesse des « preuves » apportées par Obama pour accuser la partie russe (1).
On se souvient qu’après le drame de Maidan, quand il était apparu que les tirs sur les manifestants ne provenaient pas seulement des policiers favorables à Yanukovitch mais de snipers proches des « démocrates », comme cela avait été relevé par le ministre estonien des affaires étrangères dans sa conversation avec Catherine Ashton, une enquête internationale avait aussi été promise. Enquête oubliée aussitôt l’attention retombée. Idem après le drame d’Odessa qui avait vu des dizaines de pro-russes périr dans un incendie criminel. Ou après la cascade d’articles qui avaient déferlé dans les médias occidentaux en 2006 et accusaient l’armée russe d’empoisonner les Tchétchène à des fins d’épuration ethnique, accusations qui se sont révélées sans fondement par la suite.
Bref, on voit qu’on n’est jamais loin de la manipulation et qu’il convient d’examiner les choses avec la plus extrême prudence. L’Occident, qui se targue de ses valeurs morales et de sa supériorité en matière de démocratie et de liberté, devrait veiller à appliquer ces beaux principes d’abord à lui-même avant de faire la leçon aux autres. Nous éviterions bien des malentendus et serions en bien meilleure posture pour lutter contre nos vrais ennemis, les terroristes de l’Etat islamique, et cela avec de vrais alliés qui ont déjà combattu avec succès cette menace dans le Caucase.
Guy Mettan
_____
(1) www.washingtonsblog.com/2014 /07/obama-release-ukraine-evidence.html