Publié le : 28 octobre 2014
Source : lepoint.fr
La ministre de la Culture est plus inspirée par la fiscalité que par Patrick Modiano. Rien que de très banal dans le pays où fleurissent les taxes parafiscales.
Que fait Fleur Pellerin de son temps libre ? On sait déjà qu’elle ne peut pas aller au théâtre à cause de la fronde des intermittents du spectacle. La littérature ? Pas vraiment son truc, puisque la ministre de la Culture reconnaît « sans aucun problème » – ce sont ses mots – ne pas avoir du tout le temps de lire depuis deux ans. Alors, que fait-elle ? Elle invente de nouvelles taxes. Comme s’il n’y en avait pas assez !
Quand elle est ministre de l’Économie numérique, en septembre 2012, c’est sur les fournisseurs d’accès internet qu’elle jette son dévolu, pour financer le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Promue à la Culture, elle veut taxer les cartouches d’encre pour renflouer les caisses du Centre national du livre (CNL). Une vraie manie. Le ministère a démenti officiellement cette initiative en assurant qu’elle n’est « pas d’actualité ». Marisol Touraine avait dit la même chose de la modulation des allocations familiales quelque temps avant de la mettre en place… Les belles déclarations, donc, n’engagent que ceux qui y croient.
Près de 30 milliards d’euros par an !
Dans les deux cas, Fleur Pellerin veut inventer de nouveaux impôts en faveur d’organismes déjà très prospères. Le CNC, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de juillet 2013, a vu ses ressources augmenter de 46 % entre 2007 et 2011 et dispose d’un fonds de roulement qui couvre plus de treize mois d’activité. L’État lui a d’ailleurs repris d’une main ce qui lui était accordé de l’autre, en ponctionnant sa trésorerie plantureuse de plus de 200 millions d »euros entre 2013 et 2014. Le CNL n’est pas vraiment dans le besoin non plus, avec un fonds de roulement équivalent à plus d’un an d’activité.
Mais ce très sérieux rapport du CPO ne semble pas avoir fait non plus partie des lectures de Fleur Pellerin. C’est dommage. Il explique ainsi comment près de 30 milliards d’euros par an sont aspirés par des taxes dites « affectées », que l’on appelait autrefois parafiscales. Mais depuis la fameuse LOLF (loi organique relative aux lois de finances), on a changé d’adjectif pour faire moderne… Il y a 214 impôts parallèles, qui servent à financer plus de 450 organismes publics ou parapublics. Plus grave encore, ces taxes ont crû de 68 % entre 2007 et 2011. Pas besoin, donc, d’en rajouter une ! C’est une manière parmi d’autres de débudgétiser, autrement dit de minorer la pression fiscale comme les dépenses publiques. Un tour de magie sans précédent parmi les pays de l’OCDE. Pourtant, le projet de loi de finances pour 2015 récidive : il plafonne et ponctionne – notamment les agences de l’eau -, mais ne remet rien en cause.
Sophie Coignard