Publié le : 16 janvier 2015
Source : bvoltaire.fr
Imaginons ensemble que vous ayez une forte aversion pour votre voisin. Ce type, apprécié par toute sa famille nombreuse – dont quelques héritiers turbulents, d’autres carrément hors la loi, etc. -, vous ne le supportez pas. Vous voyez même en lui un escroc. Allez-vous, tout éduqué et civilisé que vous êtes, profiter du passage de ses petits-enfants de retour de l’école pour hurler dans la rue ce que vous pensez de leur grand-père ? Allez-vous, lorsque les fenêtres de leur maisonnée sont ouvertes, crier à tue-tête tout le mal que vous pensez du patriarche ?
Il est probable que non, pour diverses raisons. D’abord parce que votre éducation – la civilisation – vous laisse percevoir que de tels gestes seraient à la fois déplacés et inutiles. Ensuite parce qu’un certain sens moral vous dit dans le creux de l’oreille que peiner sa famille qui l’adore, c’est gratuitement méchant et sans quelque conséquence positive pour qui que ce soit.
Ce vieux voisin qui vous déplaît, c’est Mahomet. Les insultes que vous pourriez proférer dans la rue, ce sont – pour sa famille – les blasphèmes. Alors peu importe ce que vous pensez du patriarche, une chose est certaine : on ne me fera pas croire une seule seconde que choquer volontairement un peuple en émettant publiquement ce que ce peuple considère comme un blasphème soit un signe de civilisation évoluée.
Peu importe le niveau intellectuel réel ou supposé de la masse de 1,6 milliard de musulmans, peu importe leurs réactions plus ou moins violentes à ces offenses, ce qui compte, c’est ce que je fais, moi, homme prétendument civilisé, honnête homme issu de la France du Grand Siècle, qui voit sa soirée idéale un verre de single malt 18 ans d’âge à la main en écoutant du Couperin.
Non. Je n’ai rien à voir avec les blagues poisseuses de laïcards bouffeurs de curé. Non. Je n’ai rien à voir avec cette volonté délibérée de heurter ce qui est cher pour d’autres êtres humains sur cette planète – mes frères en humanité. Non. Je n’ai pas envie d’un monde ou plus rien n’est sacré, ni d’un monde dans lequel le sacré s’arrête à ce en quoi je crois, moi.
Lorsque je visite une synagogue, une mosquée, un temple bouddhiste, je me comporte comme on l’attend de moi. Ca ne fait pas de moi un bouddhiste, un juif ni un musulman, et je n’appellerai jamais Mahomet « prophète ». Je ne vois dans le blasphème public aucun signe de civilisation. Bien au contraire une régression idiote, un manque caractérisé de respect pour l’autre. Rien de très évolué, donc. Et il me suffit de parcourir la liste des plus virulents soutiens de la nouvelle une de Charlie Hebdo pour savoir que je n’ai pas envie de cette compagnie.
Robin de La Roche
