Publié le : 29 janvier 2015
Source : arretsurinfo.ch
Des officiels du Pentagone ont confirmé la semaine dernière que des soldats américains allaient être déployés en Ukraine au printemps afin d’entraîner la Garde Nationale ukrainienne. En plus d’envoyer ces troupes au sol, Washington a déjà fourni de l’équipement militaire lourd et a débloqué 19 millions de dollars pour les forces ukrainiennes.
Dans son communiqué, le Pentagone a toutefois oublié de mentionner que la Garde Nationale ukrainienne est composée notamment du bataillon Azov, un groupe à l’idéologie néo-nazie, qui a été impliqué dans les violences récentes en Ukraine.
L’histoire du bataillon Azov
Le bataillon Azov a été formé en mai 2014 sous la forme d’une unité paramilitaire de volontaires dans le cadre de la lutte du gouvernement contre les régions séparatistes de l’est du pays.
Le financement du bataillon provient de l’oligarque israélo-ukrainien Ihor Kolomoyskyi, qui offre notamment une prime de 10 000$ pour chaque « saboteur » russe capturé, comme l’a rapporté Newsweek.
Selon la BBC, l’idéologie du bataillon figure dans une de leur publication en ligne : « Préparer l’Ukraine pour une future expansion, et lutter pour la libération entière de la Race Blanche de la domination du capital international spéculatif » et « punir sévèrement les perversions sexuelles et tous contacts interraciaux qui amènent à l’extinction de l’homme blanc. »
Le bataillon est « dirigé par des extrémistes de l’organisation Patriotes d’Ukraine, qui considèrent les juifs et les autres minorités comme des sous-hommes et appellent à une croisade blanche et chrétienne, il arbore trois symboles nazis sur son insigne : une wolfsangel modifiée, un soleil noir, et la mention « Black Corps » qui était utilisée par les Waffen SS », rapporte la BBC.
En octobre 2014, les membres du bataillon Azov ont participé à une marche organisée par Secteur Droit pour commémorer l’anniversaire de la création de l’Armée Ukrainienne Insurgée (UPA) qui a participé au nettoyage ethnique dans l’ouest de l’Ukraine et en Pologne en 1943 et 1944. La télévision allemande a montré les membres du bataillon revêtant des uniformes arborant la svastika et des symboles SS.
Vadim Troyan, un des commandants adjoints du bataillon, a été nommé chef de la police de la région de Kiev. « S’ils nomment des gens comme ça à ce niveau de responsabilité, c’est un signal très dangereux pour la communauté juive d’Ukraine » a déclaré Efraim Zuroff, le directeur du bureau de Jérusalem du Centre Simon Wiesenthal. « C’est une manière très étrange de convaincre la communauté juive mondiale qu’il n’y a aucune intention d’encourager les activités fascistes ou néo-nazies. »
Qui sont les combattants du bataillon Azov ?
« Pour devenir un combattant d’Azov, vous devez être un homme blanc respectable » a déclaré un membre du bataillon au journaliste de Sky News Ross Kemp. Si tous les membres d’Azov n’admettent pas être néo-nazis, un certain nombre d’entre eux sont ouvertement des suprématistes blancs ou des antisémites. « Personnellement, je suis un nazi, dit un de ces membres », « Phantom », un ancien avocat de 23 ans. « Je ne hais aucune autre nationalité, mais je pense que chaque nation devrait avoir son propre pays. Après la première guerre mondiale, l’Allemagne était totalement détruite et Hitler l’a reconstruite : il a construit des maisons et des routes, installé des lignes téléphoniques, et créé des emplois. Je respecte cela. » « Phantom » considère aussi que l’homosexualité est une maladie mentale et que l’échelle de l’Holocauste est une « grande question », écrit Tom Parfitt dans The Telegraph.
« Un membre du bataillon déclarait ne pas être nazi, mais tressait des louanges à Adolf Hitler comme chef militaire, et pense que l’Holocauste n’a jamais eu lieu » rapporte Shaun Walker, du Guardian. Un grand nombre des membres du bataillon avec lesquels le journaliste s’est entretenu partageaient cette opinion.
Parmi les cadres dirigeants du bataillon on trouve un membre du parlement ukrainien, Oleh Lyashko (également leader du parti radical) et Dmytro Korchynsky, le leader du parti ultra-nationaliste Bratstvo, suspecté d’avoir organisé des provocations violentes (notamment en utilisant des lance-pierres) contre des journalistes, des manifestants et des membres des forces de l’ordre en 2013.
Le gouvernement ukrainien inféodé à Washington s’accommode très bien de la mouvance néo-nazie
Le gouvernement ukrainien a largement utilisé les milices sur la ligne de front, incluant celles qui sont ouvertement néo-nazies.
En décembre, le président Poroshenko a accordé un passeport ukrainien à un néo-nazi biélorusse, selon des militants des droits de l’homme, membre fondateur de la Société National Socialiste, dont le principal objectif est de « se préparer à une guerre raciale ».
Tom Parfitt, du Telegraph, écrit que « Le gouvernement ukrainien n’éprouve aucune gêne à utiliser les néo-nazis ». Anton Gerashchenko, un conseiller d’Arsen Avakov (le ministre de l’intérieur qui avait été placé sur la liste d’Interpol des personnes les plus recherchées en 2012) ne réfute pas ce point lorsqu’il déclare : « Une personne qui prend une arme et va défendre son pays est un héros. Et ses opinions politiques sont son affaire personnelle. »
En plus du leader de Secteur Droit Dmytro Yarosh, qui a été élu au parlement, les membres dirigeants du bataillon Azov ont été nommés à des postes influentes au sein du gouvernement Poroshenko.
Le fondateur d’Azov, Andriy Biletsky, qui dirige également deux groupes politiques néo-nazis, a été élu au parlement ukrainien alors que le bataillon lui-même a été intégré à la Garde Nationale du pays selon Sky News.
Biletsky, qui a été décoré de l’Ordre du Courage, remis par Poroshenko, a écrit récemment : « La mission historique de notre nation dans ce moment critique, est de mener les races blanches du monde dans une croisade finale pour leur survie. Une croisade contre les sous-humains sémites. Le rôle de cette génération est de créer un troisième empire. »
Le rôle des Etats-Unis
Dans le contexte de l’opposition américaine récente à une résolution de l’ONU destinée à combattre la glorification du nazisme (les seuls autres pays à avoir voté contre la résolution sont le Canada et l’Ukraine) il semble que les Etats-Unis useront de tous les moyens nécessaires pour réaliser leurs objectifs en Eurasie.
« L’Ukraine est un nouvel espace important dans le jeu Eurasien, c’est un pivot géopolitique car son existence en tant que pays indépendant aide à transformer la Russie. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire eurasien » écrit l’ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski dans son livre de 1997 Le Grand Échiquier.
« Si Moscou gagne à nouveau le contrôle de l’Ukraine, avec 52 millions d’habitants, des ressources importantes, et l’accès à la mer Noire, la Russie retrouvera automatiquement les moyens de redevenir une grande puissance impériale à cheval sur l’Europe et l’Asie. » écrit Brzezinski, qui a été appelé « l’homme derrière la politique étrangère d’Obama ».
L’annonce de l’envoi de troupes américaines en Ukraine survient après celle du gouvernement inféodé à Washington de la mise en œuvre d’un projet visant à augmenter les effectifs de l’armée de 50000 personnes afin de combattre le mouvement indépendantiste (labellisé de manière trompeuse «séparatistes pro-Russes » par les médias occidentaux).
La présence de combattants étrangers en Ukraine n’est pas un secret, même si les affirmations que des groupes comme Blackwater opéraient en soutien des bataillons ukrainiens n’ont pas encore été formellement prouvées.
« [L'armée ukrainienne] n’est pas une armée, c’est une légion étrangère, dans ce cas une légion étrangère de l’OTAN » a affirmé le président Vladimir Poutine cette semaine. « Ils ont des buts totalement différents, en lien avec l’objectif géostratégique de containment de la Russie, qui ne coïncident absolument pas avec l’intérêt national du peuple ukrainien. »
« Nous assistons donc encore une fois à des efforts concertés de l’Ouest pour aider la junte à réprimer les populations de l’est du pays combinés avec cette propagande de guerre basique mettant tous les événements sur le compte d’une invasion russe fantôme dont aucune preuve n’a jamais pu être produite. » affirme l’expert en relations internationales Nebojsa Malic.
Au moins 5 100 personnes ont été tuées depuis le début du conflit en avril 2014, selon les Nations-Unies, et les violences de la semaine dernière étaient les plus intenses depuis le cessez-le-feu de septembre. Les tanks et l’entraînement américains vont certainement envenimer la situation, particulièrement si l’on tient compte du pré-positionnement des forces de l’OTAN dans les pays baltes et en Pologne.
Selon Associated Press, le président Poroshenko a réuni en urgence l’état-major de l’armée lundi.
« Le temps est venu de nommer leurs (le mouvement indépendantiste) sponsors. L’aide fournie aux activistes, les armes, l’équipement et la formation des personnels, est-ce que cela n’est pas soutenir le terrorisme ? » a interrogé Poroshenko lors d’une déclaration enregistrée.
Au vu du soutien militaire annoncé par les Etats-Unis, et les affiliations du gouvernement ukrainien avec l’antisémitisme et le néo-nazisme, la question de Poroshenko paraît très ironique et devrait plutôt lui être adressée ainsi qu’à ses alliés américains.
Chris Ernesto
Article original: http://original.antiwar.com/Chris_Ernesto/2015/01/28/us-announces-support-of-neo-nazis/
Traduction : Guillaume Borel pour Arrêt sur Info