Publié le : 20 février 2015
Source : cercledesvolontaires.fr
Suite aux orages de réprobation ayant détonné à l’encontre de messieurs Roland Dumas et Jean-Jacques Bourdin après la déclaration du premier concernant « l’influence juive » censée peser sur Manuel Valls, le journaliste Ronald Guintrange a jugé bon de rappeler la formule du premier ministre prononcée lors d’une conférence filmée organisée par Radio judaïca en 2011 : « par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël ».
Une citation qui ne s’est pas révélée du goût de son homologue Ruth Elkrief, qui d’emblée, coupa court au débat que la citation de cette déclaration pouvait légitimement susciter, pour donner l’injonction à son collaborateur d’embrayer sur la réaction de Manuel Valls aux propos de Roland Dumas. Selon Laurent Martin, spécialiste de l’histoire culturelle et politique de l’Occident, il existe trois régimes de censure. Le régime préventif est le plus flagrant. C’est celui de la censure a priori qui intervient avant la diffusion d’un message, afin de le court-circuiter. Laurent Martin distingue un deuxième régime de censure qu’il appelle répressif. Quand le message n’a pas été court-circuité a priori, le régime répressif permet, a posteriori, de minimiser les « dommages » causés par sa diffusion. Enfin, Laurent Martin évoque un troisième type de censure, qu’il appelle censure structurelle. Après avoir interdit l’accès au au champ (régime préventif) et restreint le droit à la parole (régime répressif), la censure structurale ne s’oppose plus à la parole dissidente, mais traduit les intérêts objectifs de ceux qui sont autorisés à s’exprimer, afin qu’ils puissent se positionner au sein du groupe auquel ils appartiennent et y signifier la place qu’ils y occupent. Si Ruth Elkrief, habituée des rituels télévisés et de la communication de masse, ne tombe pas dans les pièges flagrants du régime préventif, elle nous offre dans l’extrait qui suit un parfait exemple d’application du régime répressif (pas moins de 5 coupures en 19 secondes) et de censure structurale.
Évoquons les éléments qui dans ce cas précis nous amènent à évoquer la censure structurale.
Ruth Elkrief n’a jamais caché son attachement décomplexé à la cause sioniste. Ainsi, le 18 octobre 2011, la Women International Zionist Organisation (WIZO – organisation internationale des femmes sionistes pour une société meilleure en Israël), pouvait se féliciter de la présence de l’animatrice à la synagogue de Neuilly-sur-Seine pour le déjeuner du soukkot (« WIZO d’ici et d’ailleurs » , janvier 2012, p.12). Sa propre famille est politiquement liée au destin d’Israël, puisque son grand-oncle Chalom Messas , grande figure du rabbinisme marocain, a été durant 25 années le grand rabbin de Jerusalem, ainsi que le président des grands tribunaux rabbiniques de la ville. Le fils de ce dernier, David Messas, fut grand-rabbin de Paris de 1994 à 2011. Dans la mesure où les fonctions exercées par ces deux hommes ne furent pas seulement religieuses mais aussi éminemment politiques, il nous paraît légitime et cohérent de les mentionner ici.
Ruth Elkrief est l’épouse de Claude Czechovski, qui fut longtemps dirigeant des activités internationales du groupe Etats-Unien Computer Sciences Corporation, très fortement suspecté par le quotidien britannique The Guardian « d’avoir aidé à organiser des vols secrets du gouvernement américain de personnes suspectes de terrorisme » et d’avoir transféré ces données vers des bases secrètes des Etats-Unis en Europe. En 2003, CSC a racheté la Dynocorp international, l’une des entreprises militaires privées parmi les plus puissantes du monde.
Par ailleurs, par décret du 11 juillet 2008, Madame Elkrief a été nommée chevalier de l’ordre national de la légion d’honneur sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Amie de 25 ans du président actuel et de son ex compagne Ségolène Royal, elle s’autorise à l’égard du premier quelques tutoiements dans la préparation d’une interview croisée avec le président de l’état d’Israël, dans laquelle elle célèbre « la lune de miel » entre la France et Israël en 2013.
Autant d’éléments qui peuvent permettre de saisir les raisons de la rudesse de sa réaction vis-à-vis de Ronald Guintrange, qui pensait peut-être que le vent (artificiel ?) de la liberté d’expression tant célébrée par la foule compacte et les médias de masse le 11 janvier dernier pouvait s’appliquer à tous les sujets, aussi délicats fussent-ils. C’était oublier que Benjamin Netanyahou figurait alors en pole position parmi les promoteurs de cette liberté très surveillée …
Galil Agar