Publié le : 05 mars 2015
Source : bvoltaire.fr
Manuel Valls, plus qu’un homme, c’est un style. Le cheveu gominé et rabattu sur le front, façon George Clooney. Le sourcil ombrageux, manière hidalgo de foire de village. Et le coup de menton, surtout. Viril, presque mussolinien, même si la comparaison n’est pas forcément flatteuse, eu égard au respect dû à la mémoire du défunt Duce. Bref, Manuel Valls, c’est le total look, un peu comme les voyous mis en scène par Quentin Tarentino dans Reservoir Dogs.
Les canailloux du Front national, qui décidément ne respectent rien, et surtout pas nos actuelles institutions républicaines, l’avaient surnommé, du temps où Manu avait installé sa cahute andalouse place Beauvau, Adolfo Ramirez. Si, si, rappelez-vous. Dans « Papy fait de la résistance », petit chef-d’œuvre de Jean-Marie Poiré, Adolfo Ramirez était ce gestapiste hystérique incarné par Gérard Jugnot.
Adolfo Valls, volontairement ou non, est donc en passe de mettre ses pas dans ceux de Manuel Ramirez. Entre hausse de courant et chute de température, il a les fils qui se touchent grave dans sa tête, l’Espingouin de Matignon. D’où son homérique colère, dans l’Hémicycle, contre le député-maire UMP de Tourcoing Gérald Darmanin, dont le seul crime consistait à avoir traité Christiane Taubira – la Jeanne d’Arc du PS – de « tract ambulant pour le Front national ». Ce qui n’est peut-être pas faux, sûrement un brin exagéré, mais il n’y avait pas non plus de quoi fouetter une guen… pardon, un chat.
Du coup, sortie virile, martiale de notre danseur de tango : « Je peux vous dire que ce que vous avez dit ce matin une nouvelle fois à propos de la garde des Sceaux, assimilant une nouvelle fois le Front national au Parti socialiste, abandonnant toute idée de la différence entre ceux qui sont contre les valeurs de la République et ceux qui les défendent. Je vous le dis, Monsieur Darmanin, les yeux dans les yeux : ce n’est ni la jeunesse, ni la campagne électorale, ni le combat politique qui doivent vous permettre de tenir de tels propos et nous ne le permettrons jamais. »
Bref, pour demeurer dans la métaphore des films du Splendid, c’est Michel Blanc, des « Bronzés en vacances », qui se prendrait pour Jean Gabin dans « La Horse »…
Après, faut comprendre. Manuel Valls n’est qu’un cri. Un cri dans la nuit. Contre la haine, l’injustice et la mort qui tue. Un cri, on vous dit. Qui vient de l’intérieur, un peu comme le voisin de palier qui s’est coincé le bigorneau dans la porte du frigo et qui réveille tout l’étage à point d’heure. Ah Manuel, c’est qu’il est beau, quand il crie : on dirait un toréro devant un Playmobil…
Dans cette foulée hululante, autre sublime sortie sur l’islamo-populisme, évidemment sortie avec tout ce qu’il faut de mise en scène, ambiance hussard juché sur un cheval de bois et brandissant un pistolet à bouchon : « Au fond, l’islamisme et le populisme sont deux extrémismes qui se nourrissent l’un et l’autre et représentent un danger majeur pour notre démocratie, notre société et notre vivre ensemble. » Voilà qui est envoyé. À côté, Goldorak, c’est Michel Rocard.
Et puis, la réponse, tombée des cieux, permettant au gigolpince en question de rendre l’oracle, d’un air pénétré : « La seule réponse, c’est la République. La seule réponse, c’est la laïcité, c’est l’éducation, c’est l’université, c’est le savoir, c’est l’intelligence, c’est la capacité de vivre ensemble. » Mais où diable va-t-il chercher tout ça ? Ces concepts inédits et dont personne n’avait entendu parler jusque-là ?
Adolfo Ramirez, on dira tout ce qu’on veut, mais c’est une mécanique intellectuelle en marche, comme une sorte de porte-avions conceptuel qui fendrait les flots.
Nicolas Gauthier