« L’imposteur est aujourd’hui dans nos sociétés comme un poisson dans l’eau : faire prévaloir la forme sur le fond, valoriser les moyens plutôt que les fins, se fier à l’apparence et à la réputation plutôt qu’au travail et à la probité, préférer l’audience au mérite, opter pour le pragmatisme avantageux plutôt que pour le courage de la vérité, choisir l’opportunisme de l’opinion plutôt que tenir bon sur les valeurs, pratiquer l’art de l’illusion plutôt que s’émanciper par la pensée critique, s’abandonner aux fausses sécurités des procédures plutôt que se risquer à l’amour et à la création. Voilà le milieu où prospère l’imposture ! Notre société de la norme, même travestie sous un hédonisme de masse et fardée de publicité tapageuse, fabrique des imposteurs. L’imposteur est un authentique martyr de notre environnement social, maître de l’opinion, éponge vivante des valeurs de son temps, fétichiste des modes et des formes.
L’imposteur vit à crédit, au crédit de l’Autre. Soeur siamoise du conformisme, l’imposture est parmi nous. Elle emprunte la froide logique des instruments de gestion et de procédure, les combines de papier et les escroqueries des algorithmes, les usurpations de crédits, les expertises mensongères et l’hypocrisie des bons sentiments. De cette civilisation du faux-semblant, notre démocratie de caméléons est malade, enfermée dans ses normes et propulsée dans l’enfer d’un monde qui tourne à vide. Seules l’ambition de la culture et l’audace de la liberté partagée nous permettraient de créer l’avenir. » A travers cette conférence, organisée dans le cadre des conférences de l’Université permanente de l’Université de Nantes, Roland Gori revient sur les idées fortes de son dernier ouvrage « La Fabrique des imposteurs ».
Posté par : UnivNantes
10-09-2014
Magnifique conférence!
Quelques phrases citées par le conférencier, Roland Gori:
Il cite Georges Canghillem:
« Proposer pour les sociétés humaines dans leur recherche de toujours plus d’organisation, le modèle de l’organisme, c’est au fond, rêver d’un retour non pas même aux sociétés archaïques mais aux sociétés animales. »
Bref, nous sommes devenus des animaux et avons perdu le statut d’humain même et surtout si nous nous gargarisons de ce mot!
Je continue pour ceux qui n’auront pas le goût ou pas le temps d’écouter.
Cette fois, il cite Guy Debors: « Là où le monde réel se change en simples images, les images deviennent des êtres réels et les motivations d’un comportement hypnotique. Le spectacle est le contraire du dialogue. »
Puis, Camus, Albert: « Nous avons remplacé le dialogue par le communiqué. »
Et puis encore, Philippe Lyotard: « Dans un univers où le succès fait gagner du temps, penser n’a qu’un défaut mais incorrigible, d’en faire perdre »
Encore une autre citation, très éclairante !
Celle de Giorgio Agamben: » Le citoyen libre des sociétés démocratico-technologiques, les nôtres, est un être qui obéit sans cesse dans le geste même par lequel il donne un commandement. »
Et Monsieur Roland Gori de poursuivre ainsi: » Cela dit à quel point nous sommes pris dans une chaîne de production des comportements, dans un système qui nous assigne à des places, des places fonctionnelles, des places instrumentales qui ne requièrent pas d’avoir à penser( lien avec la citation de P Lyotard), qui ne requièrent pas plus à avoir un état d’âme. C’est le gros problème de nos sociétés techniques. C’est que l’emprise de la technique est telle que la technique ne requiert pas de penser et n’exige pas de réfléchir, de réflexion morale, elle n’a pas d’état d’âme. La technique exige une éxecution et donc même une fonction de commandement est une fonction de servitude. »
ah mais ça marche la connexion !