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Quand le menhir devient récif… Par Christian Vanneste

10 avril 20150
Quand le menhir devient récif… Par Christian Vanneste 5.00/5 3 votes

Publié le : 09 avril 2015

Source : ndf.fr

Une fois encore le Front National attire sur lui tous les projecteurs. Ce n’est pas son programme, ce n’est pas la lutte des ambitions à l’intérieur du parti qui suscitent l’attention, contrairement à ce qui domine ses rivaux. Non, c’est le retour de l’incorrigible fondateur dont la provocation verbale est brusquement redevenue la marotte alors qu’il semblait l’avoir abandonnée pour faciliter la vie politique de sa fille. On a beaucoup de mal à comprendre l’objectif de cette démarche. L’enjeu était pourtant évident. L’UMP a gagné les élections départementales et a retrouvé une unité qui lui donne les meilleurs espoirs pour 2017. Malgré leur débâcle, le gouvernement et le PS s’efforcent d’être constructifs en tentant de relancer l’investissement. Mieux vaut tard que jamais ! Le Front National avait réalisé un score excellent au dernier scrutin. Il pouvait jouer les victimes en dénonçant un processus électoral et une alliance contre-nature qui l’empêchent de traduire un nombre de voix en nombre de sièges. Il pouvait transformer enfin l’essai en remportant des exécutifs régionaux lors des prochaines élections. Il devait d’ici-là achever le travail de dédiabolisation sans toutefois se banaliser afin d’offrir une alternative crédible au lieu d’être le support d’un mouvement d’humeur au premier tour.

Le message devait donc être clair : nous sommes responsables et capables de gouverner. Nous proposons de vraies solutions aux problèmes du pays alors que nos deux adversaires les ont tour à tour accentués. Patatras ! Interrogé par Jean-Jacques Bourdin, Jean-Marie Le Pen a réitéré le « détail », puis est allé confier à Rivarol quelques idées dont il connaissait parfaitement le caractère explosif. Le résultat est apparemment désastreux puisque la guerre des générations semble, cette fois, bel et bien déclarée et que le microcosme médiatique s’est précipité sur cette double aubaine d’un FN rediabolisé et déchiré. Sur BFM, se sont succédé Florian Philipot et Bruno Gollnish. Le premier répudiait les propos du Président d’Honneur. Le second les intégrait à la diversité du mouvement au nom de la liberté d’expression.

A moins d’imaginer chez le père fondateur un calcul machiavélique consistant dans un suicide politique prémédité pour libérer totalement sa fille des ombres du passé et lui donner ainsi les ailes de la victoire, il faut échafauder des solutions plus psychologiques. La plus évidente repose sur la personnalité atypique du personnage. Dans la vie habituelle des démocraties, le profil des politiciens repose sur la souplesse, la capacité de négocier, l’art du compromis. Les guerres seulement font apparaître des personnalités plus tranchées. La paix ne les aime pas beaucoup. Sous le regard permanent des chaînes d’information, le combattant privé de guerre la remplace par un goût prononcé pour la polémique. Son désintérêt pour la gestion et pour les débats techniques l’amène à pratiquer la politique comme un jeu où les saillies, les boutades propices aux dérapages remplacent l’analyse, la prévision et la proposition.

On ne peut reprocher à Jean-Marie Le Pen, ni son inconstance, ni son manque de courage. Dressé comme un menhir, le Breton, et fier de l’être, ne plie pas, ne bouge nullement. Son orgueil et son obstination lui commandent de ne pas s’effacer, de ne pas reculer. Poussé par Bourdin à revenir sur sa conception du génocide des Juifs par les nazis, il la maintient et amplifie le choc en réhabilitant Pétain et en mesurant la citoyenneté au nombre des générations. Le menhir de la Trinité-sur-Mer se transforme en écueil. Enfermé dans son personnage, il ne semble pas percevoir combien il aide ce qu’il pense combattre.

La France connaît à la fois le déclin et la décadence. Ses résultats économiques sont d’autant plus préoccupants que les rares bonnes nouvelles viennent du contexte international, et que nos gouvernants incompétents et timorés tiennent des discours anachroniques ou apportent des solutions tardives qui révèlent leur médiocrité par rapport à ceux de beaucoup d’autres pays. La France connaît un effondrement moral inouï. L’Assemblée vient de voter l’expérimentation des salles de shoot et la suppression du délai de réflexion avant l’avortement. Or, jamais les jeunes Français et notamment les jeunes femmes n’ont autant consommé de drogues ou pratiqué l’ivresse brutale. Comment peut-on faire de la politique sans être mobilisé une fois encore par le souci du redressement économique et moral du pays ?

Les polémiques stériles sur le passé ont le double inconvénient de détourner des problèmes du présent et de fournir à l’information l’écran qui lui permet de ne pas les évoquer. L’Histoire a dit clairement qui s’était trompé entre Pétain et de Gaulle. La seconde guerre mondiale ne peut se circonscrire au génocide des Juifs, mais cette tragédie ne peut en aucun cas être qualifiée de détail. La connaissance du passé doit nourrir la réflexion et l’action sur le présent. L’interprétation idéologique du passé ne doit pas les empoisonner. Or notre pays, ou plutôt le microcosme qui est censé le conduire ou l’informer, se complaît dans ces vaines querelles qui montrent combien il a perdu sa maîtrise sur le réel.

Christian Vanneste

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