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De l’Irak au Yémen, le piège confessionnel – Entretien avec Mohamed Hassan

18 avril 20150
De l’Irak au Yémen, le piège confessionnel – Entretien avec Mohamed Hassan 5.00/5 4 votes

Publié le : 16 avril 2015

Source : michelcollon.info

Rien ne va plus entre les sunnites et les chiites. Du Liban au Bahreïn en passant par la Syrie ou l’Irak, les deux communautés s’illustrent par leur antagonisme. Le Yémen vient s’ajouter à la liste, théâtre apparent d’une guerre par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Le Moyen-Orient est-il destiné à s’embraser autour de guerres confessionnelles ? Après Jihad made in USA, nous retrouvons Mohamed Hassan pour analyser les événements récents qui secouent la région : engagement militaire de Téhéran contre Daech, guerre au Yémen et accord-cadre sur le nucléaire iranien. « Si vous ne réfléchissez qu’en termes de sunnites et de chiites, vous n’y comprendrez rien », prévient notre spécialiste.
L’Iran était déjà bien impliqué politiquement en Irak. Mais il a également investi le terrain militaire en participant à la lutte contre Daech. Comment expliquez-vous cet engagement de l’Iran ?

De nombreux défis se posent au gouvernement iranien : sanctions économiques, corruption, développement du marché noir, sècheresse, poussée démographique et j’en passe. Les autorités ont tenté de dissimuler ou de relativiser certains de ces problèmes. Mais ils se combinent tous en même temps et rendent la situation extrêmement compliquée.

Dans ce contexte, le gouvernement iranien a cherché des solutions hors de ses frontières, notamment en Irak. Jouant sur les affinités religieuses, l’Iran s’est employé à étendre sa zone d’influence. L’objectif est de s’ouvrir de nouveaux marchés qui pourraient lui permettre de surmonter ses difficultés internes. Ainsi, en Irak, l’Iran a soutenu la montée au pouvoir de la bourgeoisie chiite pro-iranienne après le renversement de Saddam Hussein. Si bien que les protégés de Téhéran occupant des postes clés et disposant d’importants portefeuilles ministériels ont privilégié l’achat de produits iraniens. Les bénéfices ont été considérables pour l’économie iranienne.

Pour l’Irak, l’alliance n’a pas été aussi profitable. Le gouvernement de Maliki (2006-2014), soutenu par Téhéran, était réputé pour sa corruption. Il a en outre mené une politique sectaire qui a contribué à l’embrasement du pays. L’Iran est souvent considéré comme une figure de proue de la lutte anti-impérialiste au Moyen-Orient. N’est-il pas étonnant de le voir profiter de la sorte du chaos irakien ?

Rappelons tout d’abord que l’Iran est l’unique puissance régionale à soutenir la résistance du Hamas et du Hezbollah face à Israël. Ensuite, ce n’est pas l’Iran qui a lancé une guerre dévastatrice contre l’Irak en 2003.

Cela dit, l’Iran peut se trouver en contradiction avec l’impérialisme US et Israël, mais sur le fond idéologique, ce combat est limité par la vision du gouvernement iranien qui n’est pas révolutionnaire. Il s’agit en fait d’un gouvernement bourgeois, dominé par la bourgeoisie des bazars. Ces bazaris sont en quelque sorte à mi-chemin entre les nationalistes et les compradors. Les premiers développent leur pays sur une base indépendante en gardant le contrôle des ressources nationales. Les seconds sont des marionnettes des puissances néocoloniales qui participent au pillage des richesses par les multinationales. Ils font de l’import-export et ne contribuent en rien au développement de leur pays. Les bazaris sont entre les deux. Cette bourgeoisie s’est constituée en commerçant des produits de l’artisanat dans les petites villes. Quand l’Iran s’est modernisé, les bazaris ont profité du développement des infrastructures. Aujourd’hui, certains sont milliardaires. Ce ne sont plus des petits marchands de tapis.

Afin de surmonter les problèmes internes de l’Iran, cette bourgeoise a profité de la guerre d’Irak et s’est ouvert de nouveaux débouchés pour ses exportations. En jouant la carte confessionnelle, l’Iran s’est offert un accès à des marchés qui lui étaient fermés du temps de Saddam Hussein. Cette forme d’opportunisme est totalement condamnable. Et je pense que l’Iran va s’attirer de sérieux problèmes pour avoir procédé de la sorte.

Pourquoi cette implication dans le conflit irakien pourrait-elle avoir des répercussions néfastes sur les affaires internes de l’Iran ?

Parce que vous ne brûlez pas la maison de votre voisin ! Tôt ou tard, l’incendie va revenir à vous. Les Etats-Unis sont une puissance impérialiste, ils peuvent mener des conflits à des milliers de kilomètres de chez eux. Mais ce n’est pas le cas de l’Iran. En s’engageant en Irak sur une base confessionnelle, le gouvernement iranien s’expose à un dangereux retour de flamme.

L’Iran est une mosaïque composée de nombreuses ethnies. Les Persans constituent le groupe majoritaire, mais représentent à peine plus de 60 % de la population. À côté de ça, une minorité importante d’Azéris parlent turc, tout comme les Turkmènes également présents. Il y a bien évidemment des Kurdes et toute une série d’autres groupes qui vont des Baloutches aux Assyriens en passant par les Gilakis dont est issu Abd al Qadir al-Jilani, une figure importante du soufisme. Il est donc très dangereux d’entretenir un conflit sectaire à côté de chez vous quand votre propre pays repose sur l’équilibre de dizaines d’ethnies différentes.

De plus, l’Arabie saoudite va pouvoir utiliser cette intervention en Irak pour monter les sunnites contre son grand rival iranien. L’engagement de l’Iran contre Daech est une aubaine pour ceux qui veulent enrôler tous ces jeunes sunnites désespérés dans des groupes extrémistes. Au-delà des conflits locaux, c’est une guerre générale qui se profile pour tout le Moyen-Orient. Cette guerre risque d’être longue. Elle fera beaucoup de morts et sera très éprouvante pour les économies des pays directement concernés.

Le conflit sunnite-chiite constitue-t-il la principale contradiction qui traverse le Moyen-Orient aujourd’hui ?

Ce n’est pas tant une question de religion. Pour reprendre un slogan célèbre aux Etats-Unis, on pourrait dire : « It’s the economy, stupid ! » La guerre impérialiste menée par Bush contre l’Irak, l’occupation de ce pays et les rivalités confessionnelles qui en ont découlé, l’utilisation d’extrémistes sunnites pour déstabiliser la région ou bien encore les volontés expansionnistes de la bourgeoisie iranienne… Tout cela répond aux intérêts économiques de certaines élites. Quand vous grattez un peu les conflits qui embrasent le Moyen-Orient, vous voyez que les actions des belligérants sont motivées par des enjeux stratégiques liés aux sphères d’influence, au contrôle des zones stratégiques, à l’accès au pétrole, etc. On passe une petite couche de vernis religieux pour alimenter la propagande et disculper les véritables responsables de ce chaos. Mais le fond du problème est bien économique.

C’est pourtant bien autour de la religion que les alliances se nouent dans la région…

Non, ce n’est pas le facteur déterminant. Prenez cet « Axe du Mal » défini par Bush. Il englobe l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas. On l’appelle aussi « Axe chiite », mais les Palestiniens du Hamas sont sunnites. Pour mieux imposer une lecture confessionnelle et priver cet axe du crédit palestinien, le Qatar a tenté d’extirper le Hamas de cette alliance. Il a soudoyé la direction du mouvement à coups de pétrodollars. Mais la base de l’organisation n’a pas suivi. Malgré les divergences qui avaient éclaté au début du conflit syrien, le Hamas a depuis réaffirmé les liens qui l’unissaient à l’Iran. Depuis Doha, il a également condamné l’intervention de l’Arabie saoudite au Yémen. Intervention soutenue par… le Qatar !

Prenons aussi l’exemple de la Syrie dans cet « Axe chiite ». Le gouvernement est présenté à tort comme un « régime alaouite ». Bien sûr, cette minorité est surreprésentée dans l’appareil d’Etat. Il faut étudier l’histoire de la Syrie pour comprendre cette particularité. Néanmoins, il n’y a jamais eu de projet conscient de la minorité alaouite de prendre le pouvoir pour gouverner dans ses seuls intérêts. Le gouvernement syrien se revendique en fait du nationalisme arabe, un nationalisme laïc qui a été le ciment d’une société multiconfessionnelle. On est donc loin de l’idéologie islamique des chiites iraniens, mais cela n’a pas empêché Damas et Téhéran de devenir des partenaires stratégiques.

Certes, le facteur religieux peut influencer les alliances qui se nouent et se dénouent au Moyen-Orient. Mais si vous ne réfléchissez qu’en termes de sunnites et de chiites, vous ne comprendrez rien aux problèmes qui traversent la région. Il s’agit avant tout de problèmes de classes.

Ce qui est vrai pour le Hamas ou la Syrie ne l’est pas forcément pour l’Irak où comme vous l’avez dit, l’Iran a joué la carte confessionnelle…

En Irak, le conflit entre sunnites et chiites est une fantaisie, un produit de l’imagination des impérialistes, des pétromonarques, de la bourgeoisie iranienne et d’un petit groupe d’Irakiens protégés de Téhéran.

Ainsi, bon nombre de chiites irakiens sont opposés à l’intervention de l’Iran. Une lecture simpliste voudrait que chiites irakiens et chiites iraniens soient sur la même longueur d’onde du fait de leur appartenance religieuse. C’est penser sans tenir compte des particularités irakiennes. Le développement du chiisme dans ce pays est très récent. Il remonte au 19e siècle, lorsque des tribus nomades se sont sédentarisées près de Najaff et Kerbalaa. Plusieurs éléments ont favorisé la conversion de ces tribus au chiisme. Tout d’abord, le clergé chiite de ces villes craignait l’expansion wahhabite des Saoud et s’est mis à convertir à tour de bras. Ensuite, cette entreprise a été facilitée par l’instauration d’un barrage qui avait rendu la région particulièrement fertile et donc propice à la sédentarisation des nomades. Enfin, l’Empire ottoman menait à cette époque une politique visant à défaire les liens tribaux.

Bon nombre de ces nomades se sont ainsi convertis au chiisme, d’autres sont restés sunnites. Mais tous partagent des origines communes assez récentes finalement. Il y a eu aussi de nombreux mariages et d’autres coutumes qui ont favorisé la mixité confessionnelle au sein des tribus irakiennes. Certaines peuvent ainsi être composées majoritairement de sunnites, mais dirigées par un chiite ou vice-versa.

Et ces liens tribaux peuvent être plus forts que les affinités religieuses entre chiites irakiens et iraniens ?

Ils ont une certaine influence. Tout comme le sentiment nationaliste qui a toujours été très fort en Irak, tant chez les sunnites que chez les chiites. Même si les premiers se réclamaient davantage du nationalisme arabe alors que les seconds revendiquaient plus le nationalisme irakien.

Il faut comprendre à travers ces particularités que tous les chiites d’Irak ne sont pas pro-iraniens, loin de là. C’est d’ailleurs pourquoi les chiites irakiens ne cherchèrent pas à reproduire le modèle de la révolution islamique qui renversa le shah d’Iran en 1979. Ils estimaient que les conditions n’étaient pas réunies pour mener une telle révolution en Irak.

Les chiites représentent plus de 75 % de la population irakienne. Ils auraient très bien pu suivre l’exemple iranien. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?

Historiquement, les chiites ne sont pas disposés à mêler religion et politique. Constituant la branche majoritaire du chiisme tant en Iran qu’en Irak, les duodécimains attendent le retour du douzième imam qui est l’unique autorité légitime à leurs yeux. En son absence, ils ne reconnaissent pas d’autorité politique. Pour mener à bien la révolution islamique en Iran, Khomeini a développé un concept théologique, le Velayat-e faqih, qui lui a permis de réconcilier religion et politique. Khomeini estime en effet qu’en l’absence de l’imam, la gestion politique doit revenir au guide suprême, c’est-à-dire au meilleur juriste-théologien, à celui qui sera le plus compétent pour gouverner comme l’aurait fait le douzième imam tant attendu. Mais tous les chiites irakiens ne partagent pas la vision de Khomeini. Aujourd’hui encore, ils sont divisés sur la question.

Notons enfin que la guerre qui a opposé l’Iran à l’Irak (1980-1988) illustre très bien comment les affinités religieuses ne sont pas forcément déterminantes. Après la révolution islamique et le renversement du shah, les Etats-Unis avaient perdu un allié stratégique. Ils ont alors poussé Saddam Hussein à attaquer l’Iran. La guerre a été longue et terrible. Washington soutenait les deux camps à la fois. Une position que le Secrétaire d’Etat de l’époque, Henry Kissinger, avait résumée avec morgue : « Laissez-les s’entretuer ! » Sur le plan confessionnel, cette guerre a vu des chiites irakiens, qui composaient le plus gros de l’infanterie, obéir à des officiers sunnites pour combattre les chiites iraniens.

Mais aujourd’hui, la guerre confessionnelle fait rage en Irak. Ce n’est pas juste une fantaisie.

Bien sûr, mais il faut comprendre d’où vient ce problème confessionnel. Même s’il peut exister des contradictions entre sunnites et chiites, nous avons vu que ces deux communautés n’étaient pas naturellement destinées à s’entretuer. Il convient dès lors de s’interroger sur ce qui a mené à pareille situation.

Il faut pour cela revenir à l’invasion de l’Irak menée par Bush en 2003. Lorsque les Etats-Unis ont fait tomber Saddam Hussein, la résistance irakienne s’est mobilisée contre l’occupation US. À ce moment-là, sunnites et chiites irakiens ont commencé à lutter ensemble pour repousser les soldats étasuniens. Ce qui a fortement inquiété Washington. Le lieutenant général Ricardo Sanchez, commandant des forces d’occupation, déclarait ainsi en avril 2004 : « Le danger est que nous pensons qu’une relation puisse s’établir jusqu’aux plus bas niveaux entre sunnites et chiites. Nous devons travailler très dur pour que cela ne reste qu’à un niveau tactique. » (1)

Comment les Etats-Unis ont-ils « travaillé très dur » pour briser cette alliance entre sunnites et chiites irakiens ?

Alors qu’il était administrateur de l’Irak, Paul Bremer a procédé à la « debaasification » du pays. C’est-à-dire qu’il a démantelé toutes les structures de l’Etat laïc irakien tel qu’il était régi par le Baas de Saddam Hussein. La démobilisation de l’armée irakienne s’inscrit dans ce cadre. Or, nous avons vu durant la guerre Iran-Irak que cette armée pouvait jouer un rôle de mobilisation nationale important, au-delà des appartenances religieuses. Mais Bremer a finalement détruit ce qui faisait le ciment de la société irakienne.

Outre la « débaasification », la guerre d’Irak a également impliqué une forme de génocide culturel. Un simple claquement de doigts ne permet pas de passer d’un Etat laïc comme celui qui existait du temps de Saddam Hussein à un pays rongé par la guerre sectaire. Vous devez travailler les esprits. L’enseignement a ainsi été une cible systématique de la destruction de l’Irak, comme l’expliquent Dirk Adriaensens et Marc Vandepitte : « Entre mars 2003 et octobre 2008, plus de 30.000 attaques violentes ont été commises contre des institutions d’enseignement. Plus de 700 écoles primaires ont été bombardées, 200 ont été incendiées et plus de 3.000 ont été pillées. Plusieurs établissements d’enseignement ont été utilisés pour héberger des militaires. (…) L’enseignement supérieur a été particulièrement visé et encore plus durement frappé. 84 % des institutions de l’enseignement supérieur ont été incendiées, pillées ou gravement endommagées. Plus de 470 professeurs irakiens ont été des cibles, soit presque un enseignant tué par semaine depuis le début du conflit ». (2)

Ensuite, les Etats-Unis se sont appuyés sur l’Iran pour former un gouvernement irakien après le renversement de Saddam. La bourgeoisie chiite a ainsi été portée au pouvoir, présidée par Nouri al-Maliki. C’était un gouvernement corrompu. Maliki a mené une politique sectaire, d’autant plus dévastatrice qu’elle faisait suite à la débaasification du pays. Des milices chiites ont ainsi été créées, commettant des massacres contre les sunnites et même contre les chiites qui ne soutenaient pas le gouvernement. Maliki a été soutenu dans cette entreprise tant par les Etats-Unis que par l’Iran.

Enfin, l’Arabie saoudite voyait d’un très mauvais œil l’influence grandissante de son rival iranien. En Irak, les Saoud ont donc financé des groupes de sunnites extrémistes pour déstabiliser le régime soutenu par Téhéran. Tout cela a formé un cocktail explosif qui a plongé l’Irak dans un terrible conflit confessionnel. Les Etats-Unis ont dû affronter une vive résistance au début de l’occupation. Ensuite, les Irakiens ont commencé à se battre entre eux.

L’Etat islamique, aujourd’hui combattu par les Etats-Unis, est-il le fruit de cette politique dévastatrice ?

Confrontés à la violence des milices chiites, les sunnites se sont organisés pour résister. L’Etat islamique est ainsi devenu une espèce de coalition à laquelle ont adhéré toute une série d’autres mouvements comme l’Armée des hommes de la Naqshbandiyya. Au départ, cette armée n’a pourtant rien à voir avec Al Qaida. Elle est d’inspiration soufiste et dirigée par une figure importante du régime de Saddam Hussein, Ezzat Ibrahim Al-Duri, autrefois vice-président du Conseil du commandement révolutionnaire irakien. L’Armée des hommes de la Naqshbandiyya a d’abord combattu l’occupation US. Elle s’est par ailleurs trouvée plus d’une fois en opposition à l’Etat islamique. Mais le contexte a favorisé la convergence de différents mouvements sunnites sous la bannière de Daech. Tous n’adhèrent pas à l’idéologie de cet Etat islamique évidemment. Mais ils utilisent ce mouvement, le mieux organisé, pour combattre l’armée irakienne qui n’est pas une armée irakienne, mais bien une armée sectaire. À mon tour de poser une question à présent : où sont les quelque 300.000 militaires qui composent l’armée irakienne et que font-ils avec tout l’argent qu’ils ont reçu ?

C’est une bonne question. Le chiffre des effectifs n’est-il pas surévalué ? Le premier ministre irakien Haider al-Abadi a déclaré l’année dernière que l’armée irakienne comptait 50.000 « soldats fantômes » dont les officiers encaissaient les salaires… (3)

Oui, et d’autres soldats reversaient une partie de leur paie pour pouvoir rester loin des casernes. Encore un effet de la politique de Bremer ! Mais cela n’explique pas tout. Les soldats irakiens existent. Ils ont reçu des milliards de dollars et des tas d’équipements. Cependant, leur capacité au combat est quasi nulle.

Contrairement à celle de Daech qui a été rejoint par de nombreux mouvements, des anciens baasistes, des sunnites fatigués de la politique sectaire du gouvernement, etc. C’est pourquoi Daech a pris le dessus sur l’armée irakienne. C’est pourquoi Daech est parvenu à instaurer cet Etat à cheval sur l’Irak et la Syrie. C’est pourquoi, en s’étendant de la sorte, Daech a effrayé tout le monde, y compris les Etats-Unis et l’Arabie saoudite qui ont perdu le contrôle de la situation. C’est pourquoi, en l’absence dé véritable armée irakienne, Daech est combattu aujourd’hui par des milices chiites encadrées par des officiers iraniens. Mais les combattants de Daech connaissent mieux la réalité du terrain irakien que les officiers iraniens. Comme je vous le disais, cet engagement risque d’apporter de nombreux problèmes à l’Iran.

On parle aussi d’un affrontement entre sunnites et chiites au Yémen. Une coalition regroupant l’Egypte, le Maroc, la Jordanie, le Soudan et le Pakistan ainsi que les membres du Conseil de coopération du Golfe (à l’exception d’Oman) appuie l’Arabie saoudite dans le bombardement du Yémen depuis le 26 mars. L’opération bénéficie du « soutien logistique » des Etats-Unis. Elle vise l’insurrection chiite des houthistes et tend à remettre en selle le président sunnite Abd Rabo Mansour Hadi, lequel est réfugié en Arabie saoudite depuis le début de l’opération Tempête décisive.

Soyons clairs, il n’y a jamais eu de problèmes entre sunnites et chiites au Yémen. Les chiites que l’on trouve dans ce pays sont des zaydites et vivent exclusivement au Nord. Ils représentent un tiers de la population. Le reste est sunnite si l’on écarte quelques minorités très peu significatives en nombre d’habitants. On trouve des sunnites au Nord et ils dominent tout le Sud, mais cette région est beaucoup moins peuplée. Au Yémen, les chiites zaydites et les sunnites chaféites ont toujours vécu en harmonie. Ils pouvaient même prier dans les mêmes mosquées !

Aujourd’hui, certains tentent de présenter les événements qui déchirent le Yémen comme un conflit confessionnel, mais c’est totalement faux. Et cela n’a rien de nouveau en fait. L’insurrection des houthistes remonte à 2004. Elle se trouve au départ confinée au gouvernorat de Sa’dah au nord-ouest du pays. À l’époque déjà, le président Ali Abdallah Saleh, bien que zaydite lui aussi, s’était employé à marginaliser la rébellion en la présentant comme un mouvement chiite. Or, les enjeux n’étaient pas du tout confessionnels.

Le Yémen est l’un des pays les plus pauvres du monde et le plus pauvre du Moyen-Orient. Son économie repose essentiellement sur une agriculture en déclin, quelques rentes pétrolières, un peu de pêche ainsi que l’aide internationale et l’argent envoyé par les travailleurs expatriés. Le peuple vit dans la misère. La majorité des Yéménites a moins de trente ans, mais aucune perspective d’avenir. Le chômage des jeunes atteignait 40 % avant 2011 et, selon les Nations Unies, a même grimpé jusqu’à 50 % par la suite. Mais à côté de ça, l’ancien président Saleh et son entourage se sont considérablement enrichis. La fortune du dictateur, resté au pouvoir pendant trente ans, a été estimée à quelque 60 milliards de dollars par des experts des Nations Unies ! (4) Saleh mériterait sa place dans le classement de Forbes, juste derrière Bill Gates, Carlos Slim et Warren Buffet. Saleh a tenté tant bien que mal de marginaliser la contestation des houthistes, mais en 2011, la révolte est devenue générale et le président a été renversé début 2012.

Le « printemps yéménite » a été beaucoup moins médiatisé que les autres. Pourquoi ?

Pourtant, cela a été un mouvement de contestation exemplaire. Il y a énormément d’armes en circulation au Yémen. La révolte est restée pacifique malgré tout. Les quelques cas de violence étaient le fait de hooligans ou de certains soldats.

Le gouvernement a tenté d’instrumentaliser les divisions pour affaiblir le mouvement de contestation. Entre sunnites et chiites évidemment. Mais aussi entre le Nord et le Sud. La réunification du Yémen est récente, elle remonte à 1990. Et il existe encore un mouvement sécessionniste relativement important au Sud. Cependant, la grande majorité du peuple yéménite est restée soudée devant Saleh. Elle a compris que les problèmes qu’elle devait affronter et qui rendaient ses conditions de vie si pénibles ne relevaient pas de la religion ni des relations entre le Nord et le Sud mais bien du caractère antidémocratique du gouvernement. Les femmes du Yémen ont elles aussi joué un rôle admirable, participant activement aux débats et encourageant avec force la mobilisation des jeunes.

Je pense que la révolte du Yémen a été beaucoup moins médiatisée parce que ni les Etats-Unis ni l’Arabie saoudite ne souhaitent de changements significatifs dans ce pays. On remarquera ainsi que selon leurs intérêts, il y a de bons et de mauvais printemps arabes. Et encore… L’Arabie saoudite prétend soutenir la révolution en Syrie. En réalité, Washington et Riyad y ont confisqué le mouvement populaire et légitime pour plonger le pays dans le chaos. Ensuite, les beaux discours qu’ils tiennent sur la Syrie n’ont pas empêché les Saoud de réprimer dans le sang la révolte populaire du Bahreïn, pas très médiatisée elle aussi. À présent, ils reproduisent la même chose au Yémen. Ajoutons l’Egypte où Sissi a renversé le président élu Mohamed Morsi dans l’indifférence la plus totale des sponsors du « printemps arabe ».

Le monde arabe a vécu sous le joug de terribles dictatures durant des décennies. Aujourd’hui, un mouvement de contestation populaire traverse toute la région. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il faut analyser les actions de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis dans la région. Ces deux pays apparaissent alors pour ce qu’ils sont : des contre-révolutionnaires. Si vous devez un jour mener une révolte populaire et que les Saoud ou la CIA vous proposent leur aide, méfiez-vous !

En 2011 dans notre livre La Stratégie du chaos, vous déclariez : « Si les puissances impérialistes maintiennent leur système de domination en lui donnant des airs de démocratie, les Yéménites seront à nouveau confrontés aux mêmes problèmes. Mais leur niveau de conscience politique est tel désormais qu’ils ne se laisseront pas faire. » C’est ce qui s’est passé après le renversement de Saleh ?

Exact. On parle beaucoup des houthistes. Mais Houti, ce n’est qu’une personne ! Hussein al-Houti a fondé un mouvement. Il a été tué en 2004 et remplacé par son frère Abdul Malik. Ce que je veux dire par là, c’est que même si les houthistes se sont à nouveau soulevés en septembre 2014, provoquant la fuite du nouveau président Hadi, la contestation est générale et ne peut être réduite à un seul mouvement.

La situation ne s’est pas améliorée après le renversement de Saleh. Le nouveau président a eu beaucoup de difficultés à ménager les intérêts des différents mouvements qui avaient conduit à la chute de l’ancien dictateur. De plus, l’alignement de Hadi sur les Etats-Unis et l’Arabie saoudite n’enchantait pas la majorité des Yéménites. Ce pays a été sévèrement marqué par la guerre contre le terrorisme et les attaques de drones. Les relations avec l’Arabie saoudite ne sont guère plus heureuses, ce pays s’étant régulièrement ingéré de façon désastreuse chez son voisin yéménite. Enfin, et c’est selon moi la principale raison qui explique le renversement de Hadi, les conditions de vie des Yéménites n’ont connu aucune amélioration.

L’insurrection des houthistes s’inscrit donc dans le cadre d’une véritable révolte populaire. À votre avis, pourquoi les houthistes n’ont-ils rencontré pratiquement aucune résistance lorsqu’ils ont attaqué le palais présidentiel à Sanaa ? Que faisait l’armée ? Où était le service de sécurité ?

On dit que les houthistes ont noué une alliance avec l’ancien président Saleh qui garde de bons contacts au sein de l’armée…

Ça n’a aucun sens ! Pendant des années, Saleh a mené une lutte acharnée contre les houthistes. Il a tué leur fondateur et des centaines d’autres membres. La contradiction est très forte entre ces deux parties et je ne vois pas comment un concours de circonstances pourrait les amener à collaborer.

D’abord parce que les houthistes ne luttent pas pour prendre le pouvoir au Yémen. Ils revendiquent la réconciliation nationale et de meilleures conditions de vie. Et dans ce combat, Saleh est autant un ennemi que Hadi. Ensuite, les houthistes n’ont pas besoin du soutien de Saleh. Ils ont leurs propres contacts au sein de l’armée. Quand l’ancien dictateur a combattu les houthistes à partir de 2004, il était soutenu par l’Arabie saoudite et recevait quantité d’armes. Mais bon nombre de ces équipements se sont retrouvés entre les mains des houthistes, car ils avaient de très bons contacts au sein de l’armée. Enfin, les houthistes n’ont pas besoin de nouer une alliance avec Saleh pour combattre Hadi car ce dernier n’a aucun soutien, aucune base populaire. Après la prise de Sanaa, le président a fui vers le Sud, à Aden d’où il est originaire. Mais même là, Hadi n’a pas eu le soutien escompté. Les gens là-bas n’ont pas oublié qu’il a violemment réprimé le mouvement sécessionniste et avait même, lorsqu’il était ministre de la Défense dans les années 90, mené une offensive militaire contre Aden.

C’est pourquoi les houthistes ont facilement pris Sanaa et ont ensuite progressé très rapidement jusqu’Aden. Je pense d’ailleurs que cette progression a surpris tout le monde, y compris les Saoud. Ils ont rapidement exfiltré Hadi et ont ensuite lancé cette attaque qui doit être vue comme un signe de panique.

Quel objectif l’Arabie saoudite poursuit-elle avec cette offensive militaire ?

Il s’agit avant tout de sauver le président. Quitte à déboucher sur cette situation assez absurde qui rappelle le cas somalien. Vous avez ainsi d’un côté un gouvernement en exil, sans base populaire, mais reconnu par la « communauté internationale », et de l’autre, un pays plongé dans la guerre et le chaos. À la différence des Somaliens toutefois, les Yéménites pourraient très bien former un nouveau gouvernement sans Hadi, ôtant toute légitimité au président en exil. Les Saoud veulent à tout prix empêcher cela.

De manière générale, le contrôle du Yémen est stratégique pour l’Arabie saoudite. Il y a évidemment l’accord frontalier sur la province du Jinzan que les Saoud ne veulent pas remettre en cause. Mais il y a surtout la peur de voir émerger un gouvernement réellement démocratique aux portes du royaume féodal. Les Saoud ne veulent pas que les mouvements de contestation populaire arrivent jusque chez eux. Or, depuis 2011, des protestations défient le régime, principalement dans la province de l’Est, riche en pétrole et peuplée majoritairement de chiites. Les forces de sécurité saoudiennes y ont tué des dizaines de manifestants ces quatre dernières années. Mais les protestations ont repris de plus belle avec l’attaque contre le Yémen. Le 6 avril, lors d’un raid mené par les forces de sécurité dans la province de l’Est, un policier aurait même été tué. L’Arabie saoudite risque gros avec cette intervention au Yémen.

L’offensive se limite à des bombardements pour le moment. Pensez-vous que l’Arabie saoudite pourrait engager des troupes au sol ?

Si vous avez une guerre à perdre, envoyez vos troupes au Yémen ! Il y a énormément d’armes dans ce pays et les Yéménites savent s’en servir. De plus, le paysage montagneux est propice aux guérillas. Si les Saoud sont assez stupides pour envoyer leurs troupes, le Yémen sera peut-être leur Vietnam.

L’Arabie saoudite a obtenu le soutien d’une série d’Etats arabes pour former une coalition. Mais il s’agit d’un soutien verbal. Concrètement, cette guerre est la guerre des Saoud et ils vont affronter une résistance féroce, leur agression ayant renforcé le nationalisme yéménite. Les Saoud vont en outre s’exposer à de sérieux problèmes en interne. Aux protestations dans la province de l’Est s’ajoutent depuis peu des incidents à la frontière yéménite.

Vous dites que les sunnites et les chiites vivaient en harmonie au Yémen. Mais aujourd’hui, les Saoud soutiennent le président Hadi. De l’autre côté, on dit que l’Iran soutient les houthistes. Le Yémen n’est-il pas malgré lui le théâtre d’un conflit confessionnel où s’opposent Riyad et Téhéran ?

On parle beaucoup du soutien de l’Iran aux houthistes sans jamais pouvoir définir le degré d’implication de Téhéran.

John Kerry a déclaré le 8 avril détenir des preuves irréfutables sur le soutien matériel qu’apporterait l’Iran aux houthistes. Le Secrétaire d’Etat parle de plusieurs vols par semaine…

Plusieurs vols par semaine ? Alors que l’Arabie saoudite a établi une zone d’exclusion aérienne ? Si j’étais vous, je me méfierais des informations fournies par John Kerry. C’est lui qui déclarait en septembre 2014 que la rébellion syrienne « se définissait de plus en plus par sa modération » et que l’opposition se renforçait.

Plus sérieusement, les houthistes n’ont pas besoin du soutien matériel de l’Iran et réfutent toutes ces allégations. Si soutien il y a eu, je pense qu’il est très limité. Les houthistes ont leur propre agenda au Yémen. Même si des portraits de Nasrallah et Khomeini ont pu être brandis par des manifestants, les dirigeants du mouvement se gardent bien de s’intégrer au fameux « axe chiite ». Ils ne veulent pas d’une polarisation sectaire au Yémen et revendiquent la réconciliation nationale. Ce rattachement à l’Iran leur apporterait plus de problèmes qu’autre chose.

Mais de son côté, l’Iran ne cache pas son soutien aux zaydites du Yémen. Ali Shirazi, un haut clerc iranien, a comparé la formation des houthistes à celle du Hezbollah et des Bassiji, les forces paramilitaires iraniennes. Le général Hossein Salami a dit que les houthistes étaient une « copie similaire » du Hezbollah. Ali Akbar Nategh-Nouri, le président du parlement iranien et Ali Akbar Velayati, ancien ministre des Affaires étrangères et proche conseiller de l’ayatollah Khamenei, ont tous deux déclaré que la sphère d’influence iranienne incluait le Yémen. Il y a aussi l’affaire du Jihan 1, ce bateau intercepté en 2013 au large des côtes yéménites. Il transportait quantité d’armes iraniennes.

Tout d’abord, sur ce fameux bateau, tant les houthistes que l’Iran ont démenti l’information. Un représentant d’Ansarullah a déclaré avec un certain pragmatisme : « L’Iran n’est pas stupide au point d’envoyer de grandes quantités d’armes et de fournir de la sorte des preuves accablantes contre lui-même. L’Iran aurait pu envoyer de l’argent aux Houtis, qui auraient pu ensuite acheter n’importe quelles armes sur les marchés locaux ou auprès de trafiquants africains. » (5)

Saleh hier, Hadi et l’Arabie saoudite aujourd’hui… Tous ceux-là essaient de réduire les houthistes à un bras armé de l’Iran pour marginaliser la contestation et faire d’une révolte populaire un conflit confessionnel. Ça ne correspond pas à la réalité sur le terrain.

Bien sûr, l’Iran peut chercher à tirer profit de la situation pour alimenter les fantasmes sur son influence régionale. La bourgeoisie iranienne rêve d’exporter son capitalisme islamique. Mais le porte-parole des houthistes a été très clair sur le sujet : « Nous ne pouvons pas appliquer le système iranien au Yémen, car les chaféites sont bien plus nombreux que nous, les zaydites. » (6) Les houthistes ne peuvent pas et ne veulent pas gouverner seuls. Ils n’ont pas l’intention de faire du Yémen un Etat chiite à la solde de l’Iran. Ils ne prendront pas le risque de fragmenter le pays. Je le répète, ils aspirent à la réconciliation nationale. C’est la seule issue pour le Yémen. Le reste, c’est de la propagande.

Le conflit qui oppose Riyad à Téhéran reste un enjeu crucial de la région. Comment interprétez-vous l’accord sur le nucléaire iranien qui se dessine avec les Etats-Unis ? Barrack Obama ne craint-il pas de froisser son allié saoudien ?

Comme je vous l’expliquais dans Jihad made in USA, les accords entre Téhéran et Washington sont pratiquement un copié-collé d’un livre d’un ancien agent de la CIA, Kenneth Pollack, spécialiste de l’Iran. Pollack explique que les Etats-Unis ne peuvent pas combattre l’Iran et doivent se résoudre à le reconnaitre comme puissance régionale. Il rappelle que la jeunesse urbaine iranienne est la seule pro-américaine de la région et peut-être l’une des plus pro-américaine du monde ! Ces jeunes sont très influencés par Internet, Hollywood, etc. Leurs parents vivaient à l’occidentale du temps du shah. Mais eux sont nés sous la République islamique et n’ont pas obtenu de leurs dirigeants des perspectives pour une nouvelle société. L’Iran n’est finalement rien d’autre qu’un pays capitaliste avec un masque islamique. Les Etats-Unis peuvent donc tirer avantage de cette situation. D’autant plus qu’ils ont besoin de l’Iran en Afghanistan, en Irak et en Asie centrale.

L’Iran s’est trouvé de fait sur la ligne anti-impérialiste, car les intérêts nationaux de sa bourgeoisie étaient en contradiction avec ceux des Etats-Unis. Mais il n’y a pas de base révolutionnaire à cette ligne anti-impérialiste. La situation peut donc évoluer. Cependant, Washington ne laissera pas l’élite iranienne accomplir son rêve de restaurer l’influence du grand Empire perse. À ce niveau-là, l’Arabie saoudite reste un allié très utile, les Saoud s’étant engagés dans une sorte de guerre froide avec l’Iran autour de la contradiction sunnite-chiite.

Les Etats-Unis sont sur le point de trouver un accord avec l’Iran. Ils normalisent leurs relations avec Cuba. En Colombie aussi, ils ont donné leur feu vert pour de véritables négociations entre le gouvernement et les FARCS. Comment voyez-vous cette évolution dans la politique étrangère des Etats-Unis ?

C’est une puissance impérialiste sur le déclin. Les néoconservateurs et leur Project for a New American Century ont complètement ruiné les Etats-Unis. Leur concept de guerre globale et permanente pour assurer l’hégémonie US après la chute de l’Union soviétique s’est révélé être un fiasco total. En douze ans, cette guerre contre le terrorisme a coûté la vie à 1,3 million de personnes rien qu’en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Et il s’agit d’une « estimation basse » selon les associations qui ont mené cette étude. (7) Loin d’anéantir le terrorisme, les Etats-Unis lui ont créé un terreau extrêmement favorable en semant la désolation partout dans la région.

De plus, Washington est passé complètement à côté de ses objectifs de domination. De nouvelles puissances comme les BRICS ont émergé et nous sommes entrés dans un monde multipolaire. Les Etats-Unis n’ont d’autres choix que d’éviter les confrontations directes, car elles précipiteraient l’effondrement de leur empire.

Il y a donc un changement de méthode avec Obama. C’est le retour du Soft Power. Mais les objectifs restent les mêmes et sont dictés par les intérêts des multinationales. Il ne peut en être autrement. Les Etats-Unis ont toujours besoin d’accès bon marché aux matières premières, de main d’œuvre peu couteuse, de débouchés pour leurs capitaux, etc.

L’enjeu des conflits qui déchirent le Moyen-Orient est avant tout économique. C’est ce qui guide la politique étrangère des Etats-Unis. C’est ce qui guide leur soutien à la guerre des Saoud contre le Yémen et leur rapprochement avec l’Iran. C’est ce qui guide les visées expansionnistes de la bourgeoisie iranienne. Et c’est ce qui instrumentalise la contradiction entre sunnites et chiites. Le capitalisme, c’est la guerre. Là est le problème.

Entretien mené par Grégoire Lalieu

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1) http://www.nytimes.com/2004/04/08/i…

2) http://www.michelcollon.info/Les-ch…

3) http://www.reuters.com/article/2014…

4) http://www.bbc.com/news/world-middl…

5) http://eng.majalla.com/2013/02/arti…

6) http://www.yementimes.com/en/1826/i…

7) http://www.lesoir.be/842738/article…

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