Publié le : 10 juillet 2015
Source : russeurope.hypotheses.org
Les propositions soumises par Alexis Tsipras et son gouvernement dans la nuit de jeudi à vendredi ont provoqué la stupeur. Elle reprennent largement, mais non totalement, les propositions formulées par l’Eurogroupe le 26 juin. Elles sont largement perçues dans l’opinion internationale comme une « capitulation » du gouvernement Tsipras. La réaction très positive des marchés financiers ce vendredi matin est, à cet égard, un signe important.
On sait par ailleurs qu’elles ont été en partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français, même si cela est démenti par Bercy. Ces propositions résultent d’un intense travail de pressions tant sur la Grèce que sur l’Allemagne exercées par les Etats-Unis. La France a, ici, délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier. Mais, il s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En fait, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro ». Il risque de voir très rapidement tout le prix qu’il a payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, ces propositions, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien.
Les termes de la proposition grecque
Ces propositions sont donc proches de celles de l’Eurogroupe. On peut cependant noter certaines différences avec le texte du 26 juin, et en particulier la volonté de protéger les secteurs les plus fragiles de la société grecque : maintien du taux de TVA à 7% pour les produits de base, exemptions pour les îles les plus pauvres, maintien jusqu’en 2019 du système d’aide aux retraites les plus faibles. De ce point de vue, le gouvernement grec n’a effectivement pas cédé. De même, le gouvernement a inclus dans ce plan des mesures de luttes contre la fraude fiscale et la corruption, qui faisaient parties du programme initial de Syriza. Mais, il faut bien reconnaître qu’il s’est, pour le reste, largement aligné sur les demandes de l’Eurogroupe. Faut-il alors parler de capitulation comme le font certains ? La réponse est pourtant moins simple que ce qu’il paraît.
En effet, le gouvernement grec insiste sur trois points : un reprofilage de la dette (à partir de 2022) aboutissant à la reporter dans le temps de manière à la rendre viable, l’accès à 53 milliards sur trois ans, et le déblocage d’un plan d’investissement, dit « plan Juncker ». Mais, ce « plan » inclut largement des sommes prévues – mais non versées – par l’Union européenne au titre des fonds structurels. Surtout, le gouvernement grec insiste sur un engagement contraignant à l’ouverture de négociations sur la dette dès le mois d’octobre. Or, on rappelle que c’était justement l’une des choses qui avaient été refusées par l’Eurogroupe, conduisant à la rupture des négociations et à la décision d’Alexis Tsipras de convoquer un référendum.
De fait, les propositions transmises par le gouvernement grec, si elles font incontestablement un pas vers les créanciers, maintiennent une partie des exigences formulées précédemment. C’est pourquoi il est encore trop tôt de parler de capitulation. Une interprétation possible de ces propositions est qu’elles ont pour fonction de mettre l’Allemagne, et avec elle les autres pays partisans d’une expulsion de la Grèce de la zone Euro, au pied du mur. On sait que les Etats-Unis, inquiets des conséquences d’un « Grexit » sur l’avenir de la zone Euro, ont mis tout leur poids dans la balance pour amener Mme Merkel à des concessions importantes. Que l’Allemagne fasse preuve d’intransigeance et c’est elle qui portera la responsabilité du « Grexit ». Qu’elle se décide à céder, et elle ne pourra plus refuser au Portugal, à l’Espagne, voire à l’Italie, ce qu’elle a concédé à la Grèce. On peut alors considérer que ce plan est une nouvelle démonstration du sens tactique inné d’Alexis Tsipras. Mais, ces propositions présentent aussi un grave problème au gouvernement grec.
Le dilemme du gouvernement grec
Le problème auquel le gouvernement Tsipras est confronté aujourd’hui est double : politique et économique. Politiquement, vouloir faire comme si le référendum n’avait pas eu lieu, comme si le « non » n’avait pas été largement, et même massivement, majoritaire, ne sera pas possible sans dommages politiques importants. Le Ministre des finances démissionnaire, M. Yannis Varoufakis, a d’ailleurs critiqué des aspects de ces propositions. Plus profondément, ces propositions ne peuvent pas ne pas troubler non seulement les militants de Syriza, et en particulier la gauche de ce parti, mais aussi, et au-delà, l’ensemble des électeurs qui s’étaient mobilisés pour soutenir le gouvernement et Alexis Tsipras. Ce dernier prend donc le risque de provoquer une immense déception. Celle-ci le laisserait en réalité sans défense faces aux différentes manœuvres tant parlementaires qu’extra-parlementaires dont on peut imaginer que ses adversaires politiques ne se priveront pas. Or, la volonté des institutions européennes de provoquer un changement de gouvernement, ce qu’avait dit crûment le Président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, n’a pas changé. Hier, jeudi, Jean-Claude Juncker recevait les dirigeants de la Nouvelle Démocratie (centre-droit) et de To Potami (centre-gauche). Privé d’un large soutien dans la société, ayant lourdement déçu l’aile gauche de son parti, aile gauche qui représente plus de 40% de Syriza, Tsipras sera désormais très vulnérable. Au minimum, il aura cassé la logique de mobilisation populaire qui s’était manifestée lors du référendum du 5 juillet et pendant la campagne. Il faut ici rappeler que les résultats de ce référendum ont montré une véritable mobilisation allant bien au-delà de l’électorat de Syriza et de l’ANEL, les deux partis du gouvernement. Cela aura, bien entendu des conséquences. Si les députés de la gauche de Syriza vont très probablement voter ces propositions au Parlement, il est néanmoins clair que les extrêmes, le KKE (les communistes néostaliniens) et le parti d’Extrême-Droite « Aube Dorée », vont pouvoir tirer profit de la déception que va susciter ces propositions.
Au-delà, la question de la viabilité de l’économie grecque reste posée, car ces propositions n’apportent aucune solution au problème de fond qui est posé. Certes, cette question de la viabilité sera posée dans des termes moins immédiatement dramatiques qu’aujourd’hui si un accord est conclu. La crise de liquidité pourra être jugulée sans recourir aux mesures radicales que l’on a évoquées dans ces carnet. Les banques, à nouveau alimentée par la BCE, pourront reprendre leurs opérations. Mais, rien ne sera réglé. Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fond Monétaire International signale que les pronostics très négatifs réalisés par son organisation sont probablement en-deçà de la réalité. Après cinq années d’austérité qui l’ont saigné à blanc, l’économie grecque a désespérément besoin de souffler. Cela aurait pu passer par des investissements, une baisse de la pression fiscale, bref par moins d’austérité. Ce n’est pas le chemin vers lequel on se dirige. Cela aurait pu aussi passer par une sortie, et non une expulsion, hors de la zone Euro qui, en permettant à l’économie grecque de déprécier sa monnaie de -20% à -25%, lui aurait redonné sa compétitivité. On ne fera, à l’évidence, ni l’un ni l’autre. Dès lors, il faut s’interroger sur les conditions d’application des propositions soumises par la Grèce à ses créanciers. Même en admettant qu’un accord soit trouvé, la détérioration de la situation économique induite par l’action de la Banque Centrale Européenne, que M. Varoufakis a qualifiée de « terroriste », venant après cinq années d’austérité risque de rendre caduques ces propositions d’ici à quelques mois. Une chute des recettes de la TVA est aujourd’hui prévisible. Une nouvelle négociation sera donc nécessaire. En ce sens, ces propositions ne règlent rien.
L’Euro c’est l’austérité
Il faut, alors, s’interroger sur le sens profond de ces propositions. Si elles sont tactiquement défendables, elles correspondent très probablement à une erreur de stratégie. Alexis Tsipras a déclaré ce vendredi matin, devant le groupe parlementaire de Syriza, qu’il n’avait pas reçu mandat du peuple grec pour sortir de l’Euro. Le fait est aujourd’hui débattable, surtout après l’écrasante victoire du « non » au référendum. Il est clair que telle n’était pas l’intention initiale du gouvernement, et ne correspondait pas au programme sur lequel il avait été élu. Mais, on peut penser que mis devant l’alternative, refuser l’austérité ou refuser l’Euro, la population grecque est en train d’évoluer rapidement. En fait, on observe une radicalisation dans les positions de la population, ou du moins c’est ce qui était observée jusqu’à ces propositions. Les jours qui viennent indiqueront si cette radicalisation se poursuit ou si elle a été cassée par ce qu’a fait le gouvernement.
En réalité, ce que l’on perçoit de manière de plus en plus claire, et c’est d’ailleurs l’analyse qui est défendue par l’aile gauche de Syriza et un économiste comme Costas Lapavitsas [1], c’est que le cadre de l’Euro impose les politiques d’austérité. Si Tsipras a cru sincèrement qu’il pourrait changer cela, il doit reconnaître aujourd’hui qu’il a échoué. L’austérité restera la politique de la zone Euro. Il n’y aura pas « d’autre Euro », et cette leçon s’applique aussi à ceux qui, en France, défendent cette fadaise. Dès lors il faut poser clairement le problème d’une sortie de l’Euro, qu’il s’agisse d’ailleurs de la Grèce ou de nombreux autres pays.
Jacques Sapir
[1] Voir son interview, http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=14181
A rpopos du sous titre de votre Blog il n’a pas été écrit par La Boétie voilà la formule exacte
« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! ». Prononcée lors d’un de ses discours en 1792 par Victurnien Vergniaud 1753/1793
et ci dessous le texte de La Boëtie « expurgé » de ces considérations latines
écrit
en
1549
publié
en
1574
Étienne
de
la
Boétie
1530-‐1563
[…] je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de
villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui
donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur
faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire.
…/…
[…] si cent, si mille souffrent l’oppression d’un seul, dira-t-on encore qu’ils n’osent pas s’en prendre à
lui, ou qu’ils ne le veulent pas, et que ce n’est pas couardise, mais plutôt mépris ou dédain ?
…/…
Or ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu
que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien
lui donner. […] C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être
soumis ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le
recherche…
…/…
[…] si on ne leur fournit rien, si on ne leur obéit pas, sans les combattre, sans les frapper, ils restent
nus et défaits et ne sont plus rien, de même que la branche, n’ayant plus de suc ni d’aliment à sa
racine, devient sèche et morte.
…/…
Telle est pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne
peuvent pas être toujours les plus forts.
…/…
Cherchons donc à comprendre, si c’est possible, comment cette opiniâtre volonté de servir s’est
enracinée si profond qu’on croirait que l’amour même de la liberté n’est pas si naturel.
…/…
Nous sommes ainsi faits que les devoirs communs de l’amitié absorbent une bonne part de notre vie. Il
est raisonnable d’aimer la vertu, d’estimer les belles actions, d’être reconnaissants pour les bienfaits
reçus, et de réduire souvent notre propre bien-être pour accroître l’honneur et l’avantage de ceux que
nous aimons, et qui méritent d’être aimés.
…/…
Il est hors de doute, je crois, que si nous vivions avec les droits que nous tenons de la nature et d’après
les préceptes qu’elle nous enseigne, nous serions naturellement soumis à nos parents, sujets de la
raison, sans être esclaves de personne. Chacun de nous reconnaît en soi, tout naturellement,
l’impulsion de l’obéissance envers ses père et mère. Quant à savoir si la raison est en nous innée ou
non – question débattue amplement par les académies et agitée par toute l’école des philosophes -, je
ne pense pas errer en disant qu’il y a dans notre âme un germe naturel de raison. Développé par les
bons conseils et les bons exemples, ce germe s’épanouit en vertu, mais il avorte souvent, étouffé par
les vices qui surviennent. Ce qu’il y a de clair et d’évident, que personne ne peut ignorer, c’est que la
nature, ministre de Dieu, gouvernante des hommes, nous a tous créés et coulés en quelque sorte dans
le même moule, pour nous montrer que nous sommes tous égaux, ou plutôt frères. Et si, dans le
partage qu’elle a fait de ses dons, elle a prodigué quelques avantages de corps ou d’esprit aux uns plus
qu’aux autres, elle n’a cependant pas voulu nous mettre en ce monde comme sur un champ de bataille,
et n’a pas envoyé ici bas les plus forts ou les plus adroits comme des brigands armés dans une forêt
pour y malmener les plus faibles. Croyons plutôt qu’en faisant ainsi des parts plus grandes aux uns,
plus petites aux autres, elle a voulu faire naître en eux l’affection fraternelle et les mettre à même de
la pratiquer, puisque les uns ont la puissance de porter secours tandis que les autres ont besoin
d’en recevoir. Donc, puisque cette bonne mère nous a donné à tous toute la terre pour demeure,
puisqu’elle nous a tous logés dans la même maison, nous a tous formés sur le même modèle afin que
chacun pût se regarder et quasiment se reconnaître dans l’autre comme dans un miroir, puisqu’elle
nous a fait à tous ce beau présent de la voix et de la parole pour mieux nous rencontrer et fraterniser et
pour produire, par la communication et l’échange de nos pensées, la communion de nos volontés ;
puisqu’elle a cherché par tous les moyens à faire et à resserrer le noeud de notre alliance, de notre
société, puisqu’elle a montré en toutes choses qu’elle ne nous voulait pas seulement unis, mais tel un
seul être, comment douter alors que nous ne soyons tous naturellement libres, puisque nous
sommes tous égaux ? Il ne peut entrer dans l’esprit de personne que la nature ait mis quiconque en
servitude, puisqu’elle nous a tous mis en compagnie.
…/…
À vrai dire, il est bien inutile de se demander si la liberté est naturelle, puisqu’on ne peut tenir aucun
être en servitude sans lui faire tort
…/…
Ainsi donc, puisque tout être pourvu de sentiment sent le malheur de la sujétion et court après la
liberté ; puisque les bêtes, même faites au service de l’homme, ne peuvent s’y soumettre qu’après
avoir protesté d’un désir contraire, quel malencontre a pu dénaturer l’homme – seul vraiment né pour
vivre libre – au point de lui faire perdre la souvenance de son premier état et le désir de le reprendre ?
…/…
Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes,
les derniers par succession de race.
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Pour dire vrai, je vois bien entre ces tyrans quelques différences, mais de choix, je n’en vois pas : car
s’ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de règne est toujours à peu près la même.
Ceux quisont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur
proie, les successeurs comme un troupeau d’esclaves qui leur appartient par nature.
…/…
Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se
contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que
ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance.
…/…
La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque
l’éducation le lui donne.
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Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. Voilà ce qui arrive aux plus
braves chevaux qui d’abord mordent leur frein, et après s’en jouent, qui, regimbant naguère sous la
selle, se présentent maintenant d’eux-mêmes sous le harnais et, tout fiers, se rengorgent sous l’armure.
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[…] la première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’ils naissent serfs et
qu’ils sont élevés comme tels. De cette première raison découle cette autre : que, sous les tyrans, les
gens deviennent aisément lâches.
…/…
Il est certain qu’avec la liberté on perd aussitôt la vaillance. Les gens soumis n’ont ni ardeur ni
pugnacité au combat. Ils y vont comme ligotés et tout engourdis, s’acquittant avec peine d’une
obligation. Ils ne sentent pas bouillir dans leur coeur l’ardeur de la liberté qui fait mépriser le péril et
donne envie de gagner, par une belle mort auprès de ses compagnons, l’honneur et la gloire. Chez les
hommes libres au contraire, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils
savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. Mais les gens
soumis, dépourvus de courage et de vivacité, ont le coeur bas et mou et sont incapables de toute grande
action. Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir.
…/…
[Le tyran] y établit des bordels, des tavernes et des jeux publics, et publia une ordonnance qui
obligeait les citoyens à s’y rendre. Il se trouva si bien de cette garnison que, par la suite, il n’eut plus à
tirer l’épée
…/…
Tel est le penchant naturel du peuple ignorant qui, d’ordinaire, est plus nombreux dans les villes : il
est soupçonneux envers celui qui l’aime et confiant envers celui qui le trompe
…/…
Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les
tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le
prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie.
…/…
Les tyrans eux-mêmes trouvaient étrange que les hommes souffrissent qu’un autre les maltraitât, c’est
pour quoi ils se couvraient volontiers du manteau de la religion et s’affublaient autant que faire se
peut des oripeaux de la divinité pour cautionner leur méchante vie.
…/…
[…] n’est-il pas clair que les tyrans, pour s’affermir, se sont efforcés d’habituer le peuple, non
seulement à l’obéissance et à la servitude mais encore à leur dévotion ? Tout ce que j’ai dit
jusqu’ici des moyens employés par les tyrans pour asservir n’est exercé que sur le petit peuple
ignorant.
…/…
J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le
soutien et le fondement de toute tyrannie. Celui qui penserait que les hallebardes, les gardes et le
guet garantissent les tyrans, se tromperait fort.
…/…
[Ce sont] toujours (on aura peine à le croire d’abord, quoique ce soit l’exacte vérité) quatre ou cinq
hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays. Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont
eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par lui pour être
les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les
bénéficiaires de ses rapines.
…/…
Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents
en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. Ils leur font donner le
gouvernement des provinces ou le maniement des deniers afin de les tenir par leur avidité ou par leur
cruauté, afin qu’ils les exercent à point nommé et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se
maintenir que sous leur ombre, qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines que grâce à leur
protection. Grande est la série de ceux qui les suivent. Et qui voudra en dévider le fil verra que, non
pas six mille, mais cent mille et des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue qui les
soude et les attache à lui.
…/…
En somme, par les gains et les faveurs qu’on reçoit des tyrans, on en arrive à ce point qu’ils se
trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté
plairait.
…/…
Certainement le tyran n’aime jamais, et n’est jamais aimé. L’amitié est un nom sacré, une chose
sainte. Elle n’existe qu’entre gens de bien. Elle naît d’une mutuelle estime et s’entretient moins par les
bienfaits que par l’honnêteté. Ce qui rend un ami sûr de l’autre, c’est la connaissance de son intégrité.
Il en a pour garants son bon naturel, sa fidélité, sa constance. Il ne peut y avoir d’amitié là où se
trouvent la cruauté, la déloyauté, l’injustice. Entre méchants, lorsqu’ils s’assemblent, c’est un complot
et non une société. Ils ne s’aiment pas mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices.
Quand bien même cela ne serait pas, il serait difficile de trouver chez un tyran un amour sûr, parce
qu’étant au-dessus de tous et n’ayant pas de pairs, il est déjà au-delà des bornes de l’amitié. Celle-ci
fleurit dans l’égalité, dont la marche est toujours égale et ne peut jamais clocher.
NOTES
l’essence de la politique : « pourquoi obéit-on ? »
Désobéissance civile contre aliénation
« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! » Pierre
Victurnien Vergniaud (1753-1793)
Cordialement
Gilles REMIGNARD
Le coeur de cet écrit se trouve dans ce passage me semble-t-il »s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire », c’est à dire qu’il y plainte mais que tout compte fait, nous préférons souffrir » nous aimons mieux souffrir de ce nouveau pouvoir et nous en plaindre » que de mettre en route, en place, ne serait-ce déjà qu’en pensée, un pendant plus vivant qui nous ouvrirait une voie et une voix autre.
C’est qu’on nous a tellement seriné depuis que nous sommes petits que nous ne pouvons rien contre certaines choses que nous avons fini par intégrer cette notion, elle peut se comparer d’ailleurs à l’hypnopédie du Meilleur des Mondes d’Huxley .
Les enfants à qui l’on fait entendre pendant « »"leur sommeil »" »( Ne sommes-nous pas tous à moitié endormis? éveillés ils dorment dit Héraclite si ma mémoire est bonne!) ce qu’il faut penser et faire, c’est de ce même acabit.
Nous sommes des en-fans au vrai sens du terme, c’est à dire que nous ne parlons pas, nous répétons comme des perroquets les pensées qu’on nous a mis dans la tête, mais nous pensons à partir d’un impensé que nous n’interrogeons pas alors qu’il nous revient de l’interroger. L’ interroger sans cesse et sans concession.
Nous avons oublié que nous avions une responsabilité. La responsabilité de la vie qui nous a été confiée à notre naissance, qui se trouve en nous en ce qu’il y a de plus profond, au coeur de notre être, et dont le but est comme comme un germe mis en terre d’arriver à maturation.
Je suis avec intérêt votre réflexion sur la zone euro dont je partage une grande partie
cependant en politique il faut tenir compte comme vous le faites partiellement de la dispositions des lignes idéologiques et en particulier de l’hégémonie culturelle TINA qui a réussit et réussit tous les jours par les intellectuels stipendiés (économistes, journalistes, professeurs de toutes sortes) à se répandre dans le corps(physique), les pratiques et les idées des citoyens de tous les pays d’Europe.
Je vous suggère donc de ne plus parler de « sortie de la zone euro » par pays mais de « coordination des sorties de la zone euro » à défaut de réclamer la « dissolution de la zone euro » et d’insister sur l’existence aujourd’hui d’un dimension « peuple européen » et pas seulement de nations sous formes étatiques.
N’oubliez pas que le grand gagnant en l’état actuel des rapports de force politiques et économique-financier c’est l’allemagne qui a le plus intérêt à sortir de la zone euro.
Même si la sortie solitaire de la zone euro par la Grèce pouvait avoir des effets positifs à moyen terme (5 ans) l’état de l’appareil productif grec et ses capacités d’exportation n’ont rien à voir avec celles de l’Argentine quand elle a décidé de sortir de la parité pesos dollar où la pagaille dramatique pour les plus pauvres a durée plus de trois ans. Qu’en sera-t-il pour les grecs?
je n’ai pas trouvé dans les textes en français de la gauche de Syriza ou du KKE ou du PEP de Nikonoff une quelconque évaluation du coût et de la durée de la crise de sortie juste des affirmations critiques sur la situation actuelle et positive sur la liberté nationale retrouvée.
D’autres part le fait que Tsipras et son gouvernement ait en l’espace de moins de 6 mois transformer un problème de la dette réputé hégémoniquement technique en problème politique l’ensemble de la droite européenne est touché même si apparemment Tsipras a cédé.
Quel sera l’effet de l’ascension de podemos lors des élections de l’automne sur ces politiques des droites européenne?
Il est pour moi clair que sans une renégociation de la dette Tsirpas refusera s’il est encore là d’appliquer les mesures des supporters de TINA
S’il est battu par une explosion de syriza et une montée du KKE et d’aube dorée connaissant l’histoire greque et l’intérêt des USA pour que la grèce n’aille pas vers la russie et les brics ce sera à mon avis la guerre civile au mieux un gouvernement super austéritaire.
La voie est étroite en europe pas seulement pour les grecs et syriza mais pour tous les peuples européens car une sortie/dissolution de l’euro genre extrème droite et nazi divers ce n’est pas une sortie anticapitaliste mais juste l’inverse: Hitler et Mussolini ont été aussi capitaliste que les Merkel sarkozy hollande faisant tout pour les banques et les castes des riches en maintenant l’hégémonie culturelle de la droite la plus réactionaire.
Bon voilà l’évaluation juste des rapports de force à plutôt été du côté de Tsipras mais l’avenir n’est écrit nulle part…
http://lesakerfrancophone.net/le-gouvernement-mondial-a-venir/