Publié le : 16 aout 2015
Source : bvoltaire.fr
« Il est temps que l’Allemagne quitte la zone euro ! ». C’est ce qu’estime Patrick Chovanec, professeur d’économie à l’université de Columbia dans le fameux « Foreign Policy ». Il voit dans l’excès de la balance du commerce extérieur de l’Allemagne la raison principale du déséquilibre de la zone euro.
Il déclare que les Allemands ont vécu dans l’illusion de la prospérité car ils ont fourni un vrai travail, contre lequel ils ont reçu des reconnaissances de dettes qui ne seront vraisemblablement jamais remboursées. La meilleure solution serait la sortie ordonnée de l’Allemagne de la zone euro. La thèse Chovanec est que c’est l’Allemagne qui doit sortir de l’euro et non la Grèce.
En 2014, l’Allemagne affichait un excédent commercial de 217 milliards d’euros, ce qui la propulsait mondialement en seconde position après la Chine. Les excédents sont provoqués lorsqu’un État dépense moins que ce qu’il rentre en recettes d’exportations. De ce fait, l’Allemagne finance les pays qui dépensent plus que ce qu’ils produisent et qui affichent un déficit de leur commerce extérieur. Dont la France. Chovanec croit savoir qu’au lieu de stimuler l’économie mondiale, l’excédent commercial allemand freine même la croissance. La crise dans la zone euro est souvent appelée « crise de la dette ». En vérité, globalement, l’Europe n’a pas de problèmes de dettes externes, mais internes. Les excédents allemands et les dettes en augmentation dans la périphérie européenne sont la face d’une même médaille, selon Chovanec. Comme les déséquilibres ne sont pas adaptables à la politique monétaire, les États endettés ont été obligés, de répondre à la demande par un mélange d’austérité et de réduction de la dette. Le Portugal, l’Italie, l’Espagne ont réduit leur commerce avec l’Allemagne ; la Grèce et l’Irlande, même d’un tiers !
Les déséquilibres économiques se sont ainsi un peu résorbés, mais aux frais de la croissance. C’est la politique monétaire « légère » de la Banque centrale européenne (BCE) et un euro faible qui ont causé ce déséquilibre en Europe, exporté dans le reste du monde. La meilleure solution, mais la plus invraisemblable, est que l’Allemagne quitte la zone euro et réintroduise son Deutsche Mark réévalué, selon Chovanec. Comme je l’ai déjà écrit dans ces colonnes, d’autres personnalités importantes partagent l’avis de Chovanec, comme Ashoka Mody.
L’Allemagne apprécie certainement de jouer un rôle hégémonique en Europe, mais elle craint d’en payer les frais. En tout cas, Schäuble aura brisé un tabou politique en réclamant la sortie de la Grèce de l’euro. C’est ce que lui reproche l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Comme l’idée d’une sortie est dans l’air, il serait judicieux de réfléchir à qui doit sortir. Si la Grèce devait sortir, suivie vraisemblablement par le Portugal et l’Italie, leurs monnaies perdraient considérablement en valeur. Ces pays seraient incapables de payer leurs dettes en euro, ce qui provoquerait un effet domino de défauts.
Si toutefois l’Allemagne sortait de l’euro, comme le préconisent nombre de personnalités influentes – comme le fondateur du hedge fund Citadel Kenneth Griffin, l’économiste de l’université de Chicago Anil Kashyap et George Soros -, il n’y aurait pas de perdant, selon Mody. Ben Bernanke lui-même s’était exprimé dans ce sens. Un conseiller du ministère des Finances français, Shahin Vallée, est persuadé que la querelle autour de la Grèce mènera à une scission de la zone euro.
La question reste posée : est-ce que la scission prendra la forme d’une sortie organisée de l’Allemagne, ou celle, lente et dévastatrice, d’une sortie de la France et des pays du Sud ?
Hildegard von Hessen am Rhein