Publié le : 16 août 2015
Source : lautreafrique.info
Petit commerçant
Après avoir refusé de les vendre au pays qui les lui avait commandé, Hollande n’a rien trouvé de mieux, au « hasard » de son invitation en Egypte, que de proposer au maréchal Al Sissi et accessoirement à l’Arabie Saoudite, comme outils de pacification, les deux bateaux de guerre qu’il a donc désormais sur les bras.
E effet, invité d’honneur à l’occasion de la rénovation-extension du canal de Suez, non content d’essayer de placer ses « invendus, François Hollande s’est également transformé en représentant de commerce pour les entreprises françaises, celles liées directement au complexe militaro-industriel français comme Dassault, Safran, Thalès…sans oublier, évidemment, DCNS.(1)
On le sait, l’Egypte, depuis le ralliement spectaculaire de l’Administration Sadate aux intérêts américains, a toujours été considérée comme le pion indispensable sur l’échiquier occidental de la « stabilité » dans une région particulièrement sensible.
Les miettes tombées de la table…
Les USA demeurent 100% les maîtres du jeu mondial, voilà qui n’est aucunement contesté par la France de François Hollande pas plus qu’elle ne l’était par celle de Sarkozy. Dire ceci relève de l’évidence. On notera même une continuité sans faille dans le comportement des deux présidents français. De Sarkozy attaquant la Libye après le feu vert d’Obama jusqu’à Hollande, se rendant à Washington y « discuter » comment faire régner « l’ordre » en Afrique, que de similitudes !
Que peut donc expliquer, par delà de fortes divergences d’opinions, de profonds clivages politiques…affichés en tout cas dans les campagnes électorales, une telle cohérence dans l’engagement militaire de la France ?
C’est que, depuis une petite décennie, après avoir définitivement tourné la page gaullienne d’une France forte dans le jeu mondial, l’administration française, consciente d’être aujourd’hui une puissance militaire de seconde zone, a fortement révisé ses ambitions à la baisse. Exécuter, oui. S’associer, oui. Se promouvoir, terminé. (2)
Il se trouve que cet aggiornamento tombe pile en phase avec la nouvelle politique américaine de domination du Monde, militaire, politique et commerciale. En effet, sous couvert d’économies, « d’opposition » aux guerres incertaines qui coûtent cher au contribuable américain… les USA ont décidé de déléguer. Autrement dit, de faire faire une bonne partie du boulot par les autres. En contrepartie, les candidats à ces sous-traitances pourraient prétendre à des compensations commerciales. Le droit de se payer sur la bête, de ramasser les miettes tombées de la table…
Une fois l’annonce faite, la première, la France s’est précipitée pour répondre à cet appel d’offre.
A première vue, ça marche et version miettes, pour ses « loyaux services », la France a déjà vu son comportement récompensé par le « patron » lui abandonnant le marché. C’est ainsi qu’en février 2015, la France a pu vendre à l’Egypte une frégate multi-missions Fremm et des missiles de courte et moyenne portée et…24 avions Rafales de combat ! Ajoutée à cela la commande de quatre corvettes et peut-être la vente des deux navires porte-hélicoptères Mistral que les russes avaient déjà en partie payés, on voit que, par delà les alternances politiques au sommet, ce qui compte ce sont d’abord les affaires et que, comme disent si bien les businessmen français, « les affaires sont les affaires ».
La France, bras droit du Patron US
Les conséquences de cette nouvelle politique dont, malin, Obama s’est fait l’artisan, a pris toute sa dimension dans la désintégration de la Libye par Sarkozy, imposant au passage à ce dernier un changement à 180° de sa politique Libyenne (3).
Elle s’est poursuivie ensuite avec Hollande menant la guerre au Mali et dans toute la Région sahélienne tout en faisant régner la paix occidentale de l’Atlantique à l’Afrique centrale.
Aujourd’hui, c’est fort logiquement dans toute la Région Sud Sahélienne et de la mer Rouge à la Méditerranée qu’elle se concrétise.
Après quelques « hésitations » de pure forme pour son autoritarisme violent, le soutien total apporté par Obama au Maréchal Al Sissi ainsi qu’à la coalition anti-terroriste qu’il prétend former avec l’Arabie Saoudite, est la suite logique de la défense des intérêts US. Bon supplétif, Hollande s’aligne et déclare : « Les relations entre la France et l’Egypte sont fondées sur les intérêts communs : la lutte contre le terrorisme et la sécurité. »
Hollande, désormais ouvertement pro US, a au moins le mérite de la clarté lorsqu’il affirme, durant son bref séjour, qu’il convient » de donner aux égyptiens les moyens d’agir » . En langage clair, cela signifie qu’il demande à l’Egypte de poursuivre et d’approfondir ses interventions militaires. Or, l’Egypte est aujourd’hui un pays quasiment en guerre et qui souffre sous la férule d’un Al Sissi exerçant une véritable dictature. Les administrations françaises et US connaissent très bien, dans les moindres détails, les périls qui assaillent ce pays dans une région en proie au chaos le plus total.
Les sources d’inquiétude ne manquent pas. Les Forces de l’Etat Islamique sont lancées dans de véritables opérations de guerre dans la Région du Sinaï; Al Sissi, écoutant la voix de son maître s’est déjà engagée militairement en Libye en février 2015 en bombardant les positions supposées de l’Etat Islamique; toujours écoutant la voix de son maître, en bloquant le passage à Rafah et en détruisant les tunnels, Al Sissi s’aligne ouvertement aux côtés d’Israël et de sa politique de Bantoustan à l’encontre de Gaza;
Ainsi, en revendiquant une place dans le concert des nations prédatrices, François Hollande, pour la France, prend aussi le risque, comme son prédécesseur en Libye, de précipiter toute une Région, qui n’aura eu que le tort de sentir le pétrole, dans un chaos indescriptible.
François Charles
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1) Le slogan chapeautant le site internet de l’entreprise est édifiant : « DCNS : UN LEADER MONDIAL DU NAVAL DE DÉFENSE ET UN INNOVATEUR DANS L’ÉNERGIE » Tout un programme ! (DCNS pour Direction des Constructions Navales et Services, ex DCNA pour Direction des Constructions Navales Armées)
2) Leurs intérêts divergeant lors de la 1ère guerre en Irak, l’opposition de Chirac à Bush, marquée par le fameux discours de De Villepin dans la cadre de l’ONU aura été la dernière marque d’indépendance de la diplomatie française à l’égard des USA.
3) Qu’on se souvienne des fastes déployés pour la venue du président Libyen « meilleur ami de la France », un an à peine avant la guerre d’invasion.