Publié le : 03 septembre 2015
Source : vudescollines.blogspot.fr
Le monde entier est tout simplement bouleversifié. Et pourquoi qu’il est bouleversifié, le monde entier ? Parce qu’on lui a montré une photo. La photo d’un enfant syrien noyé en Turquie. Il faut reconnaître que le monde entier manque d’imagination. Depuis des années, on lui rebat les oreilles avec l’annonce de centaines, de milliers même, de noyés parmi lesquels on compte des enfants. Seulement, le monde, il s’en tape le coquillard, il s’en fout comme de l’an quarante, il irait même jusqu’à s’en battre les couilles s’il était grossier (Dieu merci, il ne l’est pas). Alors, pour secouer son apathie, on lui propose une image. Et il en est tout tourneboulé. Parce que figurez-vous que, sans image, un enfant noyé ça manque bougrement d’épaisseur, de réalité. Même s’il y en a beaucoup, ça ne reste qu’un chiffre parmi bien d’autres.
Eh bien personnellement, cette photo me laisse de marbre. Que voulez-vous, j’ai le cœur sec et le fond mauvais. De plus je n’ai jamais pensé que le spectacle d’un enfant, d’un jeune, d’un adulte ou d’un vieillard noyés soit de nature à faire naître le sourire ou à renforcer la peine. Je dois être un être à part. Je n’ai pas la sensibilité à fleur de peau de Madame Kosciusko-Morizet qui sur les ondes de la RSC était émue comme tout politicien se dira l’être quand on évoquera l’image. Car un politicien qui déclarerait que cette photo ne change rien au problème qui est à son origine passerait pour un bien triste sire, un rebut d’humanité, une tache sur la bonne conscience occidentale voire un monstre comparable à votre serviteur.
Je crains même que le vulgum pecus, toujours prompt à s’émouvoir quand on l’y enjoint, ne se sente obligé à se déclarer tout chamboulé par cette vision. C’est d’ailleurs pour ça qu’on la lui met sous les yeux. Car cette image s’inscrit dans une campagne visant à changer l’attitude des Européens jusqu’ici moyennement enthousiastes à l’idée d’accueillir les centaines de milliers de migrants débarquant sur leurs côtes. Il s’agit ni plus ni moins d’un chantage affectif.
Que le monde soit secoué de conflits barbares (comme s’il y en avait de sympathiques ou de rigolos comme tout !), nul n’en doute. Que ces conflits poussent certains à les fuir et à choisir de lointains et rêvés Eldorado pour s’en abriter est une évidence. Maintenant, la solution est-elle d’ouvrir grandes nos portes à toute la misère de la terre ? D’accueillir, en les confondant, tous les « réfugiés » politiques ou économiques de la planète ? Ne serait-il pas concevable que l’on préfère à cela une contribution plus importante à l’établissement de camps dans les pays limitrophes en attendant que les conflits se tassent ? Est-il bien raisonnable que des pays souffrant de chômage endémique de masse et de stagnation économique accueillent de nouveaux venus avec les conséquences culturelles et économiques qu’on peut deviner ?
Je crains, si cette campagne de sensiblerisation (néologisme Étiennesque et non faute de frappe) porte ses fruits, qu’elle n’entraîne à terme des conséquences désastreuses. Les « bonnes » intentions sont dites paver l’enfer, non ?
Jacques Etienne