Publié le : 09 octobre 2015
Source : latribune.fr
La CSU bavaroise prend la voie du conflit ouvert avec Angela Merkel. Ce vendredi 9 octobre, le gouvernement régional bavarois a annoncé dans un communiqué officiel à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire que, si « le gouvernement fédéral ne prenait pas de mesures pour réduire le flux des réfugiés », il irait devant la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe pour « mise en danger de la capacité d’action propre » d’un Land.
La Bavière exige que les réfugiés soient refoulés à la frontière autrichienne et que les demandeurs d’asile qui arrivent en Bavière soient immédiatement redistribués sur l’ensemble du territoire fédéral allemand. Le ministre-président de Bavière, président de la CSU, Horst Seehofer a indiqué que cette demande a été formulée pour « prendre en compte la situation sécuritaire, pas seulement en ce qui concerne le terrorisme, mais aussi la criminalité. » Et de conclure, menaçant : « le sérieux de la situation apparaît chaque jour davantage et nous sommes sérieux dans nos exigences – notamment la plainte constitutionnelle. »
Changement d’atmosphère outre-Rhin
La très conservatrice Bavière est en première ligne de l’arrivée des réfugiés en provenance du Moyen-Orient qui traversent la frontière autrichienne. Mais cette annonce du gouvernement bavarois montre un raidissement politique de la part d’une partie de la droite allemande qui rejette la politique d’accueil de la chancelière fédérale Angela Merkel. Depuis les premiers jours de la crise, la CSU a émis des doutes sur cette politique, mais Horst Seehofer se sent désormais en position de force dans la mesure où l’atmosphère change actuellement en Allemagne. Une majorité (51 % selon un sondage paru vendredi dernier) de la population s’inquiète désormais de l’arrivée des réfugiés. Par ailleurs, les eurosceptiques xénophobes d’AfD remontent dans les sondages et les manifestations du mouvement d’extrême-droite Pegida font de nouveau le plein en Saxe.
Angela Merkel tient bon
Malgré ce changement d’humeur, Angela Merkel tient bon. Mercredi soir, sur la première chaîne ARD, elle a réaffirmé sa politique d’accueil en expliquant qu’il n’y avait pas de « bouton pour stopper le mouvement » et en réaffirmant son slogan « wir schaffen das ! » (« Nous y arriverons ! »). Mais elle est en situation très délicate. Pour la première fois depuis son arrivée à la chancellerie, elle doit faire face à une véritable rébellion de sa droite. Car Horst Seehofer va très loin. Président d’un parti membre de la coalition fédérale, il menace le gouvernement fédéral d’une action en justice. Du reste, il ne cache plus la tension avec Angela Merkel. Jeudi, il a affirmé qu’il n’avait pas vu la chancelière à la télévision parce qu’il « ne regarde pas la télévision pendant son temps libre. » Il espère évidemment qu’en exerçant cette pression, la chancelière cèdera pour ne pas prendre le risque de voir le camp conservateur éclater.
Inquiétude bavaroise
Derrière cette rébellion bavaroise, il y a sans doute une forme de revanche d’un parti qui a longtemps été compté pour portion congrue dans la majorité par Angela Merkel. Mais il y a aussi de l’opportunisme électoral et de la peur de la CSU de se voir déborder sur sa droite. Les deux derniers sondages bavarois parus les 7 et 8 octobre donnent 43 % et 46 % à la CSU contre les 47,7 % de 2013, tandis qu’AfD entrerait au Maximilianeum, le siège du parlement bavarois.
Des « zones de transit » ?
Reste à savoir jusqu’où ira Horst Seehofer. Il cherche à force la main du gouvernement fédéral pour créer des « zones de transit » à la frontière, pour refouler avant leur entrée en Allemagne les réfugiés qui ne seraient pas de « vrais » demandeurs d’asile. Ce serait alors rejeter sur l’Autriche l’essentiel du poids du flux des réfugiés et Vienne s’en est déjà émue, alors même que le pays doit faire face à une forte montée de l’extrême-droite xénophobe qui, le 27 septembre, a doublé son score en Haute-Autriche et s’apprête à réaliser un très bon score aux élections viennoises de ce 11 octobre. La stratégie de Hors Seehofer n’est pas très éloignée de celle de Viktor Orban, le premier ministre hongrois, qu’il avait, du reste, reçu en grande pompe en septembre dans un congrès de la CSU, comme un défi à Angela Merkel.
Crise au sein du camp conservateur allemand
Nul ne sait jusqu’où ira cette crise entre Munich et Berlin. La CSU n’est certes pas un allié indispensable pour la « grande coalition » d’Angela Merkel, mais une rupture ouverte serait un désastre politique pour la chancelière. Alors qu’un ralentissement économique se dessine, cette dernière doit donc faire face à des vents contraires. Sa capacité à maintenir l’unité entre conservateurs et centristes, qui lui a permis de se maintenir au pouvoir jusqu’à présent, est désormais menacée. D’autant qu’elle ne peut, comme à son habitude, jouer sur le temps. Les arrivées des réfugiés ne le permettent pas. C’est donc un moment décisif pour l’avenir politique de la chancelière.
Romaric Godin