Publié le : 08 novembre 2015
Source : nice-provence.info
En présentant la liste de son comité de soutien, Christian Estrosi, tête de liste des Républicains aux prochaines élections régionales de décembre 2015, a montré qu’il préparait d’ores et déjà le « Front républicain » pour l’emporter au deuxième tour dans un probable face à face avec le Front National.
Pour bien comprendre, il convient de rappeler que le mode scrutin des élections régionales est un scrutin proportionnel de liste à deux tours avec prime majoritaire. Pour se maintenir au second tour, une liste doit recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés. Une liste qui a recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés peut fusionner avec une liste qui se maintient au second tour.
À l’issue du second tour, un quart des sièges du Conseil régional est d’abord attribué à la liste arrivée en tête (d’où ce qualificatif de « prime majoritaire »). Le reste des sièges est ensuite attribué proportionnellement à l’ensemble des listes ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés. Ainsi, avec cette prime, la liste arrivée en tête peut disposer d’une majorité au conseil régional à partir d’environ 33 % des suffrages exprimés au second tour (1). Mais :
1) Le Parti Socialiste peut être tenté de ne pas se désister au deuxième tour afin de « placer » quelques élus au Conseil régional (c’est un bon job, même dans l’opposition)
2) Seul le scénario du Front républicain peut permettre à la liste emmenée par Christian Estrosi de l’emporter au deuxième tour alors que plusieurs sondages indiquent que la liste de Marion Maréchal-Le Pen arriverait en tête des intentions de vote au second tour avec 37 %, devant la liste de Christian Estrosi avec 34 % dans le cas d’une triangulaire (sondage Odoxa pour Le Parisien/BFM-TV du dimanche 18 octobre 2015). La liste Plein Sud bénéficierait alors de la « prime majoritaire », et pourrait ainsi obtenir la majorité des sièges.
C’est un peu la panique à gauche où plusieurs personnalités appellent à voter pour Christian Estrosi dès le premier tour, car elles craignent que le Parti Socialiste ait du mal à monter le Front républicain qui — seul — pourrait faire barrage à Marion Maréchal-Le Pen. C’est le cas par exemple d’Yves Vidal, maire inamovible de Grans (Bouches du Rhône), ancien vice-président de la Région (lors de son mandant de 2004 à 2010), ancien membre du Parti radical de gauche, qui appelle à voter Les Républicains dès le premier tour, « parce que je n’ai pas l’assurance, nous dit-il, que la gauche ne va pas rester en triangulaire et faire élire le Front national pour faire élire 2-3 conseillers régionaux ». Ou encore la socialiste Sakina Es Snoussi, 9e sur la liste vauclusienne du Parti Socialiste, qui annonce son retrait en précisant : « Nous devrons peut-être envisager le retrait complet de nos listes pour appeler à voter pour la droite. (…) Dire que la droite et l’extrême droite c’est pareil, c’est déculpabiliser les gens de voter FN. »
Pour l’emporter, Christiant Estrosi a besoin des voix de gauche, et la gauche le lui rappelle. L’avant-garde s’affiche d’ores et déjà à ses côtés. Voilà pourquoi on trouve dans son comité de soutien, aux côtés de plusieurs « sportifs de haut niveau », d’autres sportifs de la politique comme Claude Allègre, ancien ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de Lionel Jospin, l’avocat Serge Klarsfeld, Dalil Boubakeur, recteur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, ou Mourad Boudjellal, président du club de rugby de Toulon.
Cette réorientation de la liste des Républicains ne convient pas à tout le monde. C’est le cas de Daniel Philippot, ancien maire de Neuvy-le-Roi, président départemental du Centre national des indépendants et paysans des Alpes-Maritimes (CNIP), le plus vieux parti français, celui d’un certain Jacques Médecin, qui figurait en 25e position sur la liste des Républicains, et qui rejoint la liste Plein Sud de Marion Maréchal-Le Pen. Il s’explique ainsi : « Je refuse dès maintenant d’être l’otage éventuel d’un accord de second tour avec les socialistes ».
Christian Estrosi avait démarré sa campagne en pensant qu’il allait siphonner les voix du Front National. Mais cette stratégie n’entame pas les intentions de vote en faveur de Marion Maréchal-Le Pen. La victoire d’Estrosi ne passe pas par les voix de droite, mais par les voix de gauche. Cela fonctionne bien du reste puisque le report de voix de la gauche vers la droite a permis à celle-ci de remporter la présidence de plusieurs Conseils départementaux lors des élections de mars 2015, et de bloquer partout le Front National qui était pourtant arrivé en tête au premier tour. Pour les Régionales, la prime à la liste arrivée en tête bouleverse la donne. D’où cette fiévreuse inquiétude dans les rangs des partis installés.
La gauche ne jouera pas toujours les faire-valoir de la droite, d’autant qu’elle y perd à chaque fois quelques places confortables. Elle s’invite donc au cœur de la campagne de Christian Estrosi afin de bien notifier son rôle indispensable à la victoire de ce dernier. Celui-ci est bien obligé de l’accepter puisque c’est sa seule manière d’espérer l’emporter.
Au fait, qu’en pensent les électeurs ?
Massimo Luce
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1) Précisons également que le nombre de sièges attribués à chaque liste est calculé au niveau de la Région mais, au sein de chaque liste, les sièges sont attribués par sections départementales en fonction des suffrages obtenus par la liste dans chaque département.