Publié le : 13 mars 2012
Source : marianne2.fr
Le candidat UMP veut réviser le traité de Schengen. Mais il n’a pas précisé, dans son discours de Villepinte, qu’une révision de ce traité est pourtant en cours depuis près d’un an et que Claude Guéant a séché la dernière réunion européenne à ce sujet. Mieux, la France ne s’oppose plus à l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen.
A l’Elysée, on aime le recyclage. Pour récupérer les voix du FN, Nicolas Sarkozy agite ses bons vieux hochets de 2007 : immigration, insécurité… Lors de son discours de Villepinte, il a ainsi réclamé une révision du Traité de Schengen créant un espace de libre circulation au sein de l’Europe.
Il a avancé deux exigences principales. D’abord, un « gouvernement politique » de Schengen mettant en avant les Etats membres plutôt que la Commission : « On ne doit pas laisser la gestion des flux migratoires entre les seules mains des technocrates et des tribunaux ». D’autre part, il veut « sanctionner, suspendre ou exclure de Schengen un État défaillant » en cas de crise migratoire. Et le chef de l’Etat sortant a menacé : « Si je devais constater que dans les douze mois qui viennent, il n’y avait aucun progrès sérieux dans cette direction, alors la France suspendrait sa participation aux accords de Schengen jusqu’à ce que les négociations aient abouti ».
Belle menace. Sauf que Nicolas Sarkozy a oublié qu’une révision de Schengen est déjà en cours. C’est même lui qui l’a impulsée au printemps dernier avec Silvio Berlusconi après la crise migratoire de Lampedusa. Il a réitéré ce souhait en décembre dernier. Cette révision de Schengen permettrait aux Etats qui le souhaitent de rétablir temporairement les contrôles aux frontières. Une solution qui donne donc plus de marge aux Etats membres. « Les ministres traiteront désormais les problèmes au plan politique », expliquait un diplomate cité par le Monde du 10 mars.
Radotage
Manque de pot pour le candidat-président, certains ministres n’ont pas l’air de s’intéresser à ce processus de révision. Le 8 mars, 3 jours avant le discours de Villepinte, Claude Guéant a séché une réunion des ministres européens de l’Intérieur à ce sujet, selon LeMonde.fr. L’ordre du jour n’était pas anodin puisqu’il s’agissait de boucler les négociations sur la nouvelle version de Schengen.
Et ce n’est pas le seul oubli du président sortant. Dans son discours, il a également fustigé le risque d’un afflux migratoire aux portes de l’Union européenne. « Dans la situation économique et sociale qui est la nôtre, si l’Europe ne maîtrise pas les entrées sur son territoire, elle ne pourra plus accueillir dignement ceux qui arrivent, elle ne pourra plus répondre à la demande d’intégration de ceux qui ont tant de mal à trouver leur place dans la société, elle ne pourra plus financer sa protection sociale », a-t-il lancé.
Ces propos visent, sans le dire, les Etats aux frontières extérieures de l’UE comme la Grèce, l’Espagne ou l’Italie. Déjà fragilisés par la crise, ces Etats doivent en plus jouer le rôle de garde-frontières. La révision de Schengen permettra (théoriquement) que ces pays puissent recevoir l’aide de leurs voisins en cas de crise migratoire. Un renforcement des pouvoirs de l’agence Frontex, chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’UE, est aussi prévu.
Amnésie
Mais un autre chantier risque de bouleverser les frontières de l’UE : l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen. Au départ, les deux pays devaient pleinement adhérer au traité en 2011 et ainsi être chargée de surveiller les gardes-barrières de l’Europe. Mais, cette échéance a été plusieurs fois ajournée. Lors du Sommet européen du 1er mars, les dirigeants européens, dont Nicolas Sarkozy, ont décidé de reporter une fois de plus leur décision… à septembre 2012.
En tête des opposants à la venue de Sofia et Bucarest : les Pays-Bas. Pour Amsterdam, dont le gouvernement est de droite, la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas encore prêts à assurer eux-mêmes la garde des frontières de l’UE. A l’inverse, la France, longtemps dans le camp du refus avec l’Allemagne, a donné son feu vert à l’entrée des deux pays. Las, l’unanimité étant requise pour élargir Schengen, l’élargissement a dû être repoussé.
A Villepinte, Sarkozy réclame la révision de Schengen et plus de pouvoirs pour les ministres mais, à Bruxelles, son ministre de l’Intérieur sèche une réunion sur la révision de Schengen. A Villepinte, Sarkozy peste contre l’Europe passoire, à Bruxelles, il valide l’élargissement de la libre circulation en Europe. A ce niveau, ce n’est plus de l’amnésie, c’est la schizophrénie.
Tefy Andriamanana – Marianne