Publié le : 21 mars 2012
Source : marianne2.fr
Par Laurent Pinsolle – Blogueur associé
Porte-parole du parti Debout la république dirigé par Nicolas Dupont-Aignan, ancien président des Jeunes villepinistes, ce républicain gaulliste dans l’âme traite tous les jours de politique française et internationale sur son blog Gaulliste Libre.
Il y a dix jours, The Economist a fait un papier très intéressant sur la croissance des inégalités, indiquant qu’elles repartaient à la hausse, et que ce thème a toutes les chances de s’inviter dans le débat politique.
Une pause et cela reprend
L’hebdomadaire britannique commence par reprendre les travaux d’Emmanuel Saez, un économiste de Berkley qui a fait des études sur l’évolution des inégalités de revenus depuis 1913. C’est lui qui a inspiré les travaux de Camille Landais et Thomas Piketty en France. Il montre que les 10 % qui gagnent le plus gagnent 46 % des revenus totaux aujourd’hui, comme à la fin des années 1920 et au début des années 1930, contre un peu plus de 30 % de 1940 à 1980.
Le 1 % qui gagne le plus concentre environ 18 % des revenus, à peine moins que le pic de 1929, contre 8 % de 1960 à 1980. Enfin, le 0,1 % qui gagne le plus a touché 12 % de l’intégralité des salaires en 2007, battant largement le record de 8 % de 1929, après être tombé à 2 % en 1973. The Economist affirme que de 1993 à 2010, plus de la moitié des gains de revenus aux Etats-Unis sont allés au 1 % qui gagne le plus, démontrant que l’économie ne tourne que pour une petite minorité.
Assez logiquement, les revenus des plus riches ont plus baissé que la moyenne avec la crise. The Economist évoque une chute de 36 % des revenus des 1 % les plus riches de 2007 à 2009, contre 11,6 % pour les 99 % restant. Mais il semblerait que ce ne soit qu’une pause puisque leurs revenus ont progressé de 11,6 % en 2010 par rapport à 2009, quand ceux des 99 % restants n’ont progressé que de 0,2 % ! A priori, la tendance devrait rester la même ensuite…
Un problème politique
The Economist avait déjà souligné que le thème des inégalités s’impose dans la campagne électorale aux Etats-Unis. Le mouvement Occupy Wall Street s’est cristallisé autour du thème des 99 % contre les 1 % qui accaparent une part trop grande de la richesse du pays. Barack Obama s’est positionné sur la question en demandant l’instauration d’un impôt plancher pour éviter que les millionnaires ne parviennent à éviter l’impôt en utilisant les niches fiscales.
Il a également déjà annoncé qu’il comptait revenir sur les baisses d’impôt de Georges Bush et rétablir un taux marginal d’impôt sur le revenu de 39,6 %. Certes, nous restons loin du taux de 91 % instauré par Franklin Roosevelt en 1944, certes en pleine guerre, mais il ne faut pas oublier que le taux marginal d’imposition était encore à 70 % aux Etats-Unis en 1980 ! Même The Economist souligne que si la tendance continue, alors le débat politique pourrait changer.
En effet, le système actuel n’est absolument pas juste. Il n’est pas normal que la quasi totalité de la croissance ne profite qu’à une petite minorité. Tocqueville disait que « préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous ». On peut voir dans ce sentiment une raison du succès de Jean-Luc Mélenchon ou de la proposition de François Hollande d’une tranche à 75 %.
Le débat sur les inégalités va continuer à fortement influencer le débat politique tant nous sommes revenus à une situation extrême. Même si la France n’est pas les Etats-Unis, la tendance est la même et elle n’en est pas moins inacceptable.
Laurent Pinsolle