Publié le : 28 mars 2012
Source : michelcollon.info
Par Mireille Fanon Mendès-France et Adri Nieuwhof
Le CERD est un corps de spécialistes juridiques qui surveille la mise en œuvre de la Convention internationale concernant l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui stipule que toute doctrine de supériorité fondée sur la différenciation raciale est scientifiquement fausse, moralement condamnable, socialement injuste et dangereuse.
Les erreurs fondamentales de la loi
Selon le rapport du CERD, la législation cléisraélienne va à l’encontre de cette convention. La loi fondamentale d’Israël (celle qui se rapproche le plus d’une constitution écrite- l’Etat d’Israël n’étant pas doté d’une Constitution ndlr) ne contient aucune obligation quant à l’égalité ou à l’interdiction de la discrimination raciale. De plus, la loi israélienne ne contient pas de définition appropriée de la discrimination raciale.
Le compte-rendu publié par le CERD est une réponse à un document de 183 pages qu’Israël a soumis au comité plus tôt cette année. Bien qu’Israël soit tenu de fournir tous les deux ans une mise à jour officielle sur ses progrès réalisés dans l’élimination de la discrimination raciale, la date limite tend à ne pas être respectée. Sa dernière mise à jour a été une tentative de réunir trois rapports distincts qui étaient censés avoir été respectivement envoyé au comité en 2006, 2008 et 2010.
Le rapport israélien s’est limité aux problèmes de ses frontières internationalement reconnues, sans faire état du traitement fait aux Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza. Mais le compte-rendu publié par le CERD réprimande Israël pour leur discrimination raciale à la fois au sein de l’État et dans les territoires qu’elle occupe, y compris le Golan syrien.
Parmi son lot de plaintes, le CERD a réussi à faire ressortir quatre petits points positifs concernant le dossier israélien entre 2004 et 2010. Par exemple, Israël se félicite d’une loi interdisant la violence dans le sport.
La ségrégation
Le CERD a exprimé une préoccupation particulière concernant la ségrégation entre les communautés juives et non juives en Israël. Par exemple, il y a deux systèmes d’éducation séparés, l’un en hébreu et l’autre en arabe. De même, il y a deux systèmes d’administration locale distincts l’un de l’autre : municipalités juives et « municipalités minoritaires ».
Le comité a souligné son inquiétude aux allégations continues de discrimination contre les juifs éthiopiens (également connu sous le nom de Falachas) en Israël. Plus de 50 % des familles juives éthiopiennes en Israël vivent en-dessous du seuil de pauvreté, contre 16 % pour les familles israéliennes juives et blanches. Les juifs éthiopiens doivent faire face à une série de problèmes en Israël tels qu’une fréquente violence verbale de nature raciste et doivent se limiter à des emplois peu rémunérés (« Les tribulations d’un Juif Ethiopien », IRIN, 9 Février 2012).
Notons qu’Israël refuse aux Palestiniens (y compris les bédouins) l’égalité d’accès à la terre et la propriété via un certain nombre de lois discriminatoires sur les questions foncières. Le CERD « recommande vivement » qu’Israël révoque toute la législation qui n’est pas conforme avec le principe de non-discrimination. La même chose s’applique aux lois et aux projets de loi qui rendraient les avantages sociaux et économiques dépendants de l’achèvement du service militaire.
Le comité s’occupe également de la situation des communautés de bédouins indigènes vulnérables en Israël. Il en appelle à Israël pour mettre un terme à sa politique permanente de démolitions des foyers et le déplacement forcé.
Le déchirement familial
En outre, Israël devrait révoquer la législation qui empêche la réunification familiale entre les Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne et les résidents de Cisjordanie et de Gaza, ce qui affecte gravement le droit au mariage et le choix d’un conjoint. Le droit fondamental à la vie de famille est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Selon le CEDR, Israël doit absolument réagir contre le racisme et la xénophobie lors de discours publics. Toute déclaration raciste et xénophobe faite par des membres du gouvernement et des chefs religieux à l’encontre des Palestiniens et des demandeurs d’asile d’origine africaine devrait donc être fermement condamnée.
La discrimination systématique
Le CERD réfute la revendication israélienne selon laquelle la convention contre la discrimination raciale ne s’applique pas à son comportement en Cisjordanie, à Gaza et au Golan. Le comité se réfère à la ségrégation qui règne de facto en Cisjordanie, avec deux systèmes juridiques et des ensembles d’institutions complètement séparés pour les colons Israéliens et pour les Palestiniens. Le comité est « consterné par la nature hermétique de cette ségrégation ».
Alors qu’il continue à étendre ses colonies, Israël refuse systématiquement les permis de construire pour les communautés palestiniennes et bédouines en Cisjordanie. Le CERD déclare qu’Israël doit garantir les droits palestiniens et bédouins à la propriété ainsi que l’accès à la terre, au logement et aux ressources naturelles en particulier l’eau. Israël doit également éliminer toute politique « d’équilibre démographique ».
En outre, Israël devrait mettre fin au blocus de la bande de Gaza et autoriser de toute urgence les matériaux de construction nécessaires à la reconstruction des maisons et des infrastructures civiles au sein de Gaza.
Le comité a également sévèrement condamné Israël pour l’augmentation des arrestations et emprisonnements des enfants, de leur jugement par des tribunaux militaires, de même la politique de détention administrative, selon laquelle les prisonniers sont détenus sans inculpation ni jugement. Et il attire l’attention sur les obstacles physiques et monétaires rencontrés par les Palestiniens de Gaza demandant à être indemnisés devant les tribunaux israéliens pour les pertes subies, en particulier pendant l’Opération Plomb durci. L’offensive israélienne de bombardement dura trois semaines de fin 2008 à début 2009.
Le CERD exprime également son inquiétude face à l’impunité dont jouissent les colons lors de violences racistes et actes de vandalisme. 90% des enquêtes policières sur la violence liée à des colons au cours de la période 2005-2010 ont été classées sans suites.
Selon le CEDR, les résidents autochtones du Golan se voient refuser de la même manière l’accès à la terre, au logement et aux services de base. Les liens familiaux ont été rompus depuis l’annexion illégale du territoire par Israël en 1981.
Mettre fin à l’impunité
La parution du rapport CERD coïncide avec une autre attaque israélienne sur Gaza, qui a causé au moins 26 morts palestiniens, dont cinq civils et 80 autres personnes blessées, pour la plupart des civils. Une fois de plus, Israël a montré son mépris total du droit international.
L’impunité d’Israël doit cesser en tenant l’Etat responsable de ses violations du droit international, y compris le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autonomie. Ces lois sont en place afin de garantir que tout le monde puisse bénéficier d’une paix et d’une sécurité internationale. Actuellement, l’Etat d’Israël se considère au-dessus du droit international.
Avec les gouvernements les plus puissants du monde qui refusent d’engager la responsabilité d’Israël, il est essentiel que la conscience populaire intensifie ses engagements quant à la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël. Le rapport du CERD montre pourquoi les militants de la solidarité palestinienne, les mouvements sociaux, les églises, ses syndicats et autres citoyens concernés ont toutes les raisons de poursuivre et d’intensifier leur travail.
Adri Nieuwhof est consultant et défenseur des droits humains, basé en Suisse.
Mireille Fanon Mendès-France est membre du Groupe de travail des Nations unies sur les personnes d’ascendance africaine.
Source originale : Electronic Intifada
Traduit de l’anglais par Stéphanie Léger pour Investig’Action