Publié le : 20 avril 2012
Source : marianne2.fr
Marianne: Vous publiez un livre au titre évocateur « Quand la zone euro explosera ». Vous avez des informations particulières pour être aussi affirmatif ?
Marc Touati : Mais il faut être aveugle pour ne pas voir le risque d’une crise finale de la monnaie unique. Et le rôle des économistes, c’est bien d’éclairer le public sur cette science humaine parfois un peu trop technicisée. Et franchement, la gestion de la crise Grecque laisse entrevoir le pire : en amont, ce fut l’incapacité de prendre rapidement des décisions, quand en aval, le pays est désormais emporté par la spirale de la récession.
Face à un accident majeur, comment l’Europe pourrait-elle trouver les ressources qui lui ont fait défaut pour la Grèce ? Posez en ces termes, la question donne déjà une indication sur la réponse.
Vous êtes classé parmi les économistes libéraux qui ont accès aux grands média, vos interventions sont nombreuses sur toute une série de sujets. Pourtant, on vous a peu entendu sur l’explosion de euro. Pourquoi ?
L’idée de ce livre est née à la suite d’une tribune intitulée « Le jour ou la zone euro a explosé » qu’un grand journal de droite n’a finalement pas publié. Comme si l’on ne pouvait pas débattre de ce sujet. Que Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen s’attaquent à l’euro, tout le monde considèrent qu’ils sont dans leur rôle. Mais qu’un économiste comme moi ose poser la question de la pérennité de la monnaie unique et c’est le black out médiatique. Ce qui fut vrai pour la tribune, l’est également pour mon livre, malgré la modération apportée par le sous-titre « Comment la France peut éviter le pire ». La question de l’euro est tabou. En France, on ne peut pas parler des sujets qui fâchent. Tant qu’on dit « cette crise est une crise grecque », ca va. Mais quand on dit « c’est une crise de l’euro et que la France est menacée », ca ne passe pas. Il faut pourtant dire aux gens que c’est possible. Quand bien même je ne le souhaite pas, cela demeure une issue possible. Mais comme l’establishment économique et médiatique a décrété que c’était un non sujet, on n’en parle pas.
Mais vous faites partie de cet establishment.
Moi ? Je suis considéré comme un moins que rien par la caste des économistes. J’ai grandi à Orly dans un HLM et j ai obtenu un DEA de banque fiance de Paris I. Mais cela ne suffit pas : je ne suis pas un ingénieur, et encore moins un polytechnicien. La lutte des classes existe. C’est ancré dans notre culture, ce qu’aggrave la fin de l’ascenseur social en France: quelqu’un qui est né du mauvais coté du périphérique a de moins en moins de chance de s’en sortir. Mais on ne s’en sortira pas collectivement avec ces discours des belles âmes qui à droite comme à gauche se contente de dire « ne vous inquiétez pas, nous avons raison. » Il faut que vive le débat.
(*) Directeur des études économiques d’Assya Compagnie Financière, il publie aux éditions du Moment «Quand la zone euro explosera», 17,95€, 257 pages