Publié le : 26 avril 2012
Source : lepoint.fr
Le vent est-il en train de tourner sur l’Iran ? Présenté comme inévitable il y a encore quelques semaines, le risque de frappes israéliennes – et même d’une guerre régionale – semble inexorablement s’éloigner. Le revirement date de mercredi, jour qui a vu deux responsables israéliens en exercice – le ministre de la Défense Ehud Barak et le chef d’état-major Benny Gantz – annoncer publiquement que la République islamique n’a pas décidé de se doter de la bombe atomique. Une information en réalité connue depuis plusieurs années des divers services de renseignement américains, mais aussi israéliens.
Ainsi, selon un haut responsable israélien, s’exprimant à l’AFP sous le couvert de l’anonymat, « le général Gantz ne fait que répéter tout haut et publiquement ce que les dirigeants militaires, y compris son prédécesseur, le général Gaby Ashkenazi, n’ont cessé de dire aux politiques ces dernières années ». Des propos, cette fois publics, qui tranchent avec les traditionnelles déclarations des dirigeants israéliens affirmant que le compte à rebours est lancé avant qu’Ahmadinejad, qui a « appelé à rayer Israël de la carte », n’envoie sur l’État israélien ses bombes atomiques, justifiant ainsi le recours à des attaques préventives.
Attiser les soupçons
Or un autre événement, survenu au début d’avril, suggérait déjà un fléchissement de la position israélienne sur l’Iran. Ainsi, dans une interview à Al Jazeera, reprise par le New York Times, Dan Meridor, ministre israélien du Renseignement et de l’Énergie atomique, a admis que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad n’avait jamais prononcé la phrase « Israël doit être rayé de la carte ». Il a toutefois ajouté : « Mahmoud Ahmadinejad et l’ayatollah Khamenei ont répété à plusieurs reprises qu’Israël était une créature artificielle, et qu’elle ne survivrait pas ». Pourtant, c’est bien la première citation erronée qui a été reprise en boucle par les médias du monde entier, attisant d’autant plus les soupçons autour du programme nucléaire iranien.
La polémique a éclaté le 25 octobre 2005. À l’époque, le président iranien participe à une conférence intitulée « Le monde sans le sionisme ». Mahmoud Ahmadinejad prend la parole : « Beaucoup de déçus dans la lutte entre le monde islamique et les infidèles ont essayé de rejeter la responsabilité en annonçant qu’il n’est pas possible d’avoir un monde sans les États-Unis et le sionisme. Mais vous savez que ce sont un but et un slogan réalisables. » Pour étayer ses propos, le président se réfère à la chute, dans l’histoire récente, de plusieurs régimes que personne ne voyait sombrer.
Erreur de traduction
Il cite ainsi l’ayatollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique : « Lorsque notre cher imam (Khomeiny) a annoncé que le régime (du Shah) devait être supprimé, beaucoup de ceux qui prétendaient être politiquement bien informés ont déclaré que ce n’était pas possible. » Il évoque ensuite la chute de l’Union soviétique : « Qui pouvait penser qu’un jour, nous pourrions être témoins de l’effondrement de l’empire de l’Est (Union soviétique) ? » Il répète ensuite de nouveau les propos de Khomeiny, parlant de Saddam Hussein : « L’Imam a annoncé que Saddam devait s’en aller puis a ajouté qu’il s’affaiblirait plus vite que personne ne l’imagine. »
Puis il évoque enfin Israël, et annonce, en persan : « L’Imam (Khomeiny) a annoncé que le régime occupant Jérusalem devait disparaître de la page du temps. » Nulle part, dans tout le discours d’Ahmadinejad, ne sont prononcés en persan les termes « rayer », « carte », ou « destruction d’Israël ». Pourtant, la traduction du discours en anglais proposera bien « Israël doit être rayé de la carte ». Et la surprise est d’autant plus grande que c’est l’Irna (Islamic Republic News Agency), soit l’agence de presse officielle de la République islamique, qui en est l’auteur.
Conférence sur la réalité de l’Holocauste
Face à l’émoi suscité en Occident, le ministre iranien des Affaires étrangères de l’époque, Manouchehr Mottaki, tentera bien d’éteindre l’incendie, en précisant en février 2006, lors d’une visite au Parlement européen : « Personne ne peut supprimer un pays d’une carte. Il y a un malentendu en Europe sur ce que notre président a annoncé », avant d’ajouter : « Il (le président) parle du régime, car nous ne reconnaissons pas légalement ce régime. »
L’erreur de traduction sera finalement relevée quelques moins plus tard par plusieurs spécialistes du Moyen-Orient, dont l’éditorialiste du Guardian Jonathan Steele, sans provoquer la moindre réaction internationale. Il faut dire que, étonnamment, Mahmoud Ahmadinejad ne corrigera jamais par la suite les journalistes étrangers lui demandant pourquoi il voulait « rayer Israël de la carte ». Pire, il qualifiera la Shoah de « mythe » et organisera même en décembre 2006 une conférence sur « la réalité de l’Holocauste ». Des propos terribles qu’il a, cette fois, bel et bien prononcés.
REGARDEZ. Le ministre israélien du Renseignement admet qu’Ahmadinejad n’a jamais appelé à « rayer Israël de la carte »(4:20)
Par Armin Arefi