Publié le : 10 mai 2012
Source : polemia.com
F. Hollande a battu N. Sarkozy de 1.139.316 voix ; F. Mitterrand avait battu Giscard d’Estaing en 1981 de 1.065.956 voix. Sarkozy avait battu Royal avec 18.983.138 voix en 2007 soit 2.192.698 de plus. Hollande a donc fait moins bien que Sarkozy en 2007.
Pour comparer avec le score de Mitterrand il faut en outre tenir compte du fait que le corps électoral a augmenté et donc que la différence de voix est proportionnellement moindre en réalité qu’en 1981. En effet, entre 1981 et 2012 le nombre d’inscrits a progressé de près de… 10 millions d’électeurs : 36,4 millions d’inscrits en 1981, 46 millions en 2012 (46.073.165 au second tour exactement) ! Mitterrand a donc gagné en 1981 avec un écart de voix représentant près de 3% des inscrits ; en 2012 l’écart de F. Hollande n’est plus que de 2,4%.
Une progression pas plus rapide que la « droite »
En 1981 F. Mitterrand a rassemblé 15.708.262 voix et F. Hollande, en 2012, 18.004.656, soit 2.296.394 voix de plus, toutes choses égales par ailleurs. Dans le même temps N. Sarkozy a rassemblé 16.865.340 voix en 2012 quand Giscard d’Estaing en avait rassemblé 14.642.306 en 1981 soit 2.223.034 de plus. A 70.000 voix c’est donc à peu près la même progression entre la gauche et la « droite ». Il n’y a donc pas eu de « vague rose » particulière en mai 2012.
Où sont passés les inscrits ?
La progression totale en voix étant de 4.519.428 pour les deux candidats depuis 1981, où sont passés les autres inscrits, me direz-vous ? C’est simple : ils se sont abstenus ou ont voté blanc.
En mai 2012, 11.196.503 inscrits se sont abstenus ou ont voté blanc (2.146.408) ; au second tour de la présidentielle de 1981 ils étaient 6.048.194 (dont 898.984 blancs et nuls). Leur nombre a donc progressé de 5.148.309 entre 1981 et 2012.
En pourcentage des inscrits, ces électeurs qui s’abstiennent ou manifestent encore plus clairement leur refus de choisir entre les deux candidats en votant blanc sont passés, de 1981 à 2012, de 17% à 24%. La progression est plus rapide s’agissant du vote blanc et nul qui a presque doublé en valeur relative, en passant de 2,5% des inscrits à 4,7%, et plus que doublé en valeur absolue.
Un quart des inscrits ne se sont donc pas reconnus dans le duel Sarkozy/ Hollande.
Dans notre démocratie, une part croissante de l’électorat ne… vote pas ou ne choisit pas justement, ce qui est une belle contradiction dans les termes !
Le socialisme est minoritaire dans les urnes
F. Hollande n’a donc gagné l’élection présidentielle qu’à une « majorité » relativement plus faible que Mitterrand en 1981. Et il n’améliore pas plus le score de la gauche, en nombre de voix, que Sarkozy n’a amélioré celui de la droite par rapport à 1981.
F. Hollande n’a pas été élu à la majorité des inscrits, pas plus que Mitterrand d’ailleurs. Quelle belle démocratie dans laquelle les « ruptures » sont décidées par des gens qui… n’ont pas la majorité !
D’ailleurs on notera avec intérêt que le cas où le président élu rassemblait la majorité des inscrits ne s’est rencontré qu’une seule fois sous la Ve République : en 2002, justement, lors du duel Le Pen/Chirac : Chirac a été élu avec 25,5 millions de voix, soit près de 62% des inscrits. Mais, comme on le sait, Chirac a été sélectionné par défaut et l’ensemble du système économique, médiatique, syndical et politique s’était mobilisé contre Le Pen. Le score astronomique de Chirac ne signifiait donc rien et d’ailleurs la suite de son mandat l’a prouvé.
Cela veut cependant dire que les présidents élus restent minoritaires si l’on prend comme référence les électeurs inscrits. Vive la démocratie !
Le président le plus mal élu
Certes, le vote est un droit et non une obligation en France, me direz-vous. Il y a donc toujours des inscrits qui ne votent pas pour des raisons diverses. Tant pis pour eux ! Et il y a aussi des inscriptions d’office sur les listes électorales. C’est pourquoi on analyse en général les résultats en fonction du nombre de votants.
Or F. Hollande n’a pas non plus été élu à la majorité des votants, à la différence de F. Mitterrand : il n’a rassemblé que 48,64% des votants alors que Mitterrand représentait 52,06% des votants en 1981. F. Hollande a fait sur ce plan encore moins bien que J. Chirac en 1995 qui était le premier président de la Ve République à passer sous la barre de 50% des votants (49,50%). Vive la démocratie !
Une élection oligarchique
Si l’on ne constate pas de « vague rose » dans les résultats électoraux, pourquoi donc F. Hollande a-t-il été élu ?
Tout simplement parce que la dynamique d’union de la gauche a fonctionné à plein, alors qu’elle n’a pas été effective à droite pour les raisons que l’on sait et que M. Copé ne semble pas comprendre.
Car l’élection présidentielle à deux tours renforce la logique de coalition politique : elle donne une prime à ceux qui savent unir des appareils ou des forces différentes, même s’ils sont minoritaires dans l’opinion. Elle correspond au principe « celui qui arrive devant rafle toute la mise », même si l’écart est faible. Avec seulement 100.000 voix de plus, F. Hollande aurait été déclaré élu. La logique majoritaire est brutale.
Le fondateur de la Ve République voulait sortir du « régime des partis » en faisant un appel direct au peuple. Mais paradoxalement, pour gagner une élection présidentielle, il faut aujourd’hui disposer d’un appareil, il faut de l’argent et il faut le soutien des médias, qui sont devenus les vrais faiseurs de rois car ils formatent l’opinion.
Le rassemblement médiatisé de la Place de la Bastille ne doit pas nous tromper : F. Hollande ne dispose pas pour le moment d’une majorité politique réelle dans le pays. Mais il a quand même été élu. Vive la démocratie !
Michel Geoffroy