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Source : marianne2.fr
Harlem Désir, l’homme sans charisme, mais à la langue de bois en chêne massif, l’a emporté face à Jean-Christophe Cambadélis dans la course à la succession de Martine Aubry. Tout, depuis son mode de désignation jusqu’à la personnalité de son adjoint, Guillaume Bachelay, fait de lui un homme de paille…
«La stratégie Jean-Claude Dusse, la stratégie “sur un malentendu, ça peut marcher” » de Jean-Christophe Cambadélis, ainsi qu’un député l’avait rebaptisée, aura donc échoué. Aramis (comme le surnommait DSK qui, évidemment, lui, se voyait en d’Artagnan !) a perdu son duel face à Harlem Désir. Et pourtant, « Camba » y a cru. A La Rochelle, il arborait le sourire de celui qui sentait enfin le vent le porter vers le poste de Premier secrétaire du PS. Lui, le fidèle lieutenant de Strauss-Kahn allait devenir Général en chef. Lui, l’éternel faiseur de coups politiques en coulisses allait bientôt connaître la lumière. Son « expérience » de grand architecte de la gauche plurielle sous Jospin jouait en sa faveur, pensait-il, puisque Hollande doit, aujourd’hui, conjuguer avec un Mélenchon en ébullition et, demain, des écologistes qui se feront de plus en plus bouillonnants. Et puis la majorité, ajoutait-il, aurait besoin d’un « cogneur » pour affronter un Copé qui, selon lui, allait devenir « vraisemblablement » le premier opposant. Cambadélis, l’ancien lambertiste saurait évidemment jouer du poing quand Harlem Désir, l’homme invisible du PS, l’homme sans charisme, mais à la langue de bois en chêne massif, ne pourrait que mettre en difficulté la majorité dans son ensemble et le chef de l’Etat en particulier. Pourtant l’homme de l’ombre est tombé contre l’homme sans ombre.
Mais s’agit-il d’une victoire pour Harlem Désir ? Son autorité, déjà légendaire, est désormais encore un peu plus fragilisée par le mode de désignation. L’onction vient officiellement d’Ayrault et d’Aubry — même si ces derniers semblaient lui préférer Cambadélis — alors même qu’il y a quelques mois le PS s’était laissé aller, avec la primaire, à un grand exercice de démocratie (fut-elle d’opinion). Harlem Désir est nommé par la tête alors que, paradoxalement, pendant la primaire, en temps qu’intérimaire au Premier secrétariat, il avait bataillé avec Aubry pour que la désignation du candidat du PS soit la plus ouverte, que la base électorale soit la plus large possible. Surtout, Harlem Désir se voit adjoindre par Ayrault et Aubry un second. Et pas n’importe lequel : un artisan du bon mot, un sophiste hors pair, un professionnel de l’argumentaire, un homme à la solide colonne vertébrale idéologique ayant biberonné à l’école fabiusienne. Cet homme, c’est Guillaume Bachelay. Sa nomination aux côtés d’Harlem Désir sonne comme un aveu. Bachelay possède en somme… tout ce que Désir n’a pas ! Déjà à La Rochelle, ses fidèles laissaient entendre que se profilait un ticket Désir – Le Foll. Comme si l’ex de Sos-Racisme ne pouvait jamais réussir seul. Même à Reims, en 2008, c’est un Delanoë abattu qui l’avait poussé au poste de Premier secrétaire. Une candidature sitôt évoquée, sitôt repoussée au profit d’Aubry…
Mais après tout, fallait-il un caractère à la tête du PS ? En début de quinquennat, Hollande se satisfera volontiers d’un parti godillot. D’ailleurs, nombre de responsables socialistes confessent que le congrès de Toulouse, prévu en octobre, au cours duquel sera couronné Prince Désir n’a que peu d’intérêt. Certes, les discussions ont été acharnées pour se répartir les postes en Bureau national et Conseil national entre les différents courants et écuries. Mais pour le reste… C’est le prochain rendez-vous du parti qui comptera comme l’expliquait, hier, la ministre de la Réforme de l’Etat, Marylise Lebranchu : « Ce congrès, c’est celui du rassemblement de la famille. Qu’on le fasse avec Harlem Désir ou avec Jean-Christophe Cambadélis, ça n’a pas d’importance. En revanche, le congrès suivant sera celui qui déterminera l’orientation pour le prochain mandat présidentiel ». En définitive, à moins qu’il ne se révèle, Harlem Désir, l’homme sans ombre, sera un homme de paille jusqu’au congrès d’après…
Gérald Andrieu