Economie

Ne m’appelez plus jamais France ! Par Olivier Cabanel

20 février 20141
Ne m’appelez plus jamais France ! Par Olivier Cabanel 5.00/5 4 votes

Publié le : 18 février 2014

Source : agoravox.fr

Qui n’a pas entendu le champion du « redressement productif » vanter la qualité du « fabriqué en France », incitant les consommateurs à les préférer aux autres produits, quitte à s’appauvrir un peu plus ? Mais ces produits sont-ils encore français ?

Jean Ferrat avait chanté sa belle montagne, sans poulet aux hormones ni HLM… mais au-delà de la campagne de « com » lancée par Arnaud Montebourg, combien reste-t-il de produits vraiment français ?

Pour la Saint Valentin, peut-être avez-vous acheté un parfum de la marque très glamour Marionnaud dont la moitié des magasins est installée en France ? Hélas, elle n’est plus française, détenue à 90% par A.S. Watson, qui fait partie du groupe Hong-Kongais Hutchison Whampoa, 2ème entreprise de cosmétiques et parfums en Europe.

Situation cocasse puisque son fondateur, Bernard Marionnaud, se présentera comme tête de liste à Clamart pour le Front National lors des municipales à venir, ce même parti qui défend lui aussi mordicus le « fabriqué en France ».

Et quid du célèbre petit beurre Petit LU, 100% nantais, crée en 1846 par Jean-Romain Lefèvre, Pauline-isabelle Utile, et Louis Lefèvre Utile, d’où son nom ? Ce biscuit dont la forme s’est inspiré d’un napperon en dentelle, révèle plus d’un mystère : les 52 dents sont les semaines de l’année, les 4 coins sont bien sûr les saisons, il mesure 7cm pour les jours de la semaine, et les 24 petits points sont les 24 h de la journée. Ce biscuit a suscité pas mal d’appétits, et n’est plus français depuis 2007, date à laquelle il a été achetée en 2007 pour 5 milliards d’euros par le groupe Kraft Foods, puis en 2012 par l’anglais Cadbury (devenu Mondelez international) pour près de 17 milliards d’euros.

Tout le monde connait Orangina, mais on sait moins que la petite bouteille qu’il fallait secouer, née en 1936 en Algérie à Boufarik, a été inventée par le père de Jean-Claude Beton, lequel nous a quitté en décembre 2013. Passée dans les mains de Pernod-Ricard, elle est devenue depuis 2009 la propriété du groupe japonais Suntory pour la coquette somme de 2,6 milliards d’euros.

Le bonbon La Vosgienne a été acheté il y a 25 ans par Général Foods déjà propriétaire de Malabar, de Kréma… et qui a fusionné avec Kraft foods en 2001.

Et quid de la moutarde de la bonne ville de Dijon ? Nous la devons à Armand Bizouard, qui déposa officiellement la marque Amora à Dijon en 1919, en déclarant : « c’est un amour de moutarde, ce sera Amora  », mais c’est en 1934 que Raymond Sachot reprend ce qui était alors considéré comme « une petite affaire à peine industrielle, au marché limité, aux produits sans avenir  ». Achetée en 1980 par le groupe français BSN, elle est finalement aujourd’hui propriété du groupe Unilever, société anglo-néerlandaise.

Même carrière pour Maille, achetée par Danone après l’avoir regroupé avec Segman et Liebig, sous l’appellation LMA2 en 1996, et finalement vendu à Paribas, qui l’a cédé à Unilever.

Quant à la mayonnaise, Benedicta, née à Seclin en 1911, elle appartient maintenant au géant américain Heinz

La France, on le sait, aime les dessous troublants, telle la lingerie sexy de l’entreprise Princesse Tam-tam, installée en France, mais vendue en 2005 au groupe japonais Fast Retailing.

Des dessous aux collants, il n’y a qu’un pas : ceux de Dim, numéro 1 du marché français du collant et de la lingerie. Ils ont été achetés par une multinationale d’agro-alimentaire Sara Lee Corporation et sont devenus en 2005 une filiale du fond d’investissement américain Sun Capital Partners.

La marque Lanvin est passé tour à tour dans les mains du groupe Orcofi, puis dans celles de l’Oréal, qui l’a revendu en 2001 à la milliardaire chinoise, madame Shaw-Lan Wang, tout comme les briquets Dupont, chinois eux aussi, sous le contrôle du magnat Dickson Poon.

Restons dans les fringues, et faisons un tour chez Jean-Paul Gaultier, l’homme créateur d’une marinière célèbre, marinière particulièrement appréciée par Arnaud Montebourg, fabriquée par Armor Lux, visiblement « inspirée » par celle de Jean-Paul Gaultier. En tout cas l’entreprise française, passé dans les mains d’Hermès qui en avait acquis 45% du capital en 2008, a finalement été revendue au groupe espagnol Puig, qui fait fabriquer ses fameux « carrés » à Madagascar, et sous-traite ses boucles de ceintures au Niger.

Restons dans le luxe avec Vuitton : l’entreprise a été prise la main dans le sac puisqu’elle a largement délocalisé sa production en Chine aux Indes et en Roumanie, où les pièces sont fabriquées, avant d’être assemblées en France, ce qui lui permet de garder le label « made in France »…

Quant à Kenzo, l’une des filiales de LVMH, les complets vendus à près de 1000 euros, fabriqués d’abord à Prouvy, dans le Nord, coûtent toujours aussi cher mais l’essentiel de la fabrication provient de la banlieue de Cracovie, en Pologne…tout comme celle de Givenchy, LVMH aussi, grâce à des ouvrières polonaises payées 200 euros mensuels.

Et quid de la marque au crocodile, portant le nom de Lacoste ? Marque en principe française, dont les chemises et autres polos sont fabriqués à Troyes, même si en septembre 2012, le groupe suisse Maus a acheté l’ensemble du capital de l’entreprise Lacoste, alors qu’il en détenait jusqu’alors 35%.

Depuis, Devanlay, titulaire des licences Lacoste en produit en France, mais aussi en Tunisie, au Maroc, en Roumanie, au Pérou et au Salvador.

Passons des crocodiles aux cochons.

Dans le cochon, tout est bon, et les français sont, on le sait, grands amateurs de saucisson, de jambons et d’autres cochonnailles…

Qui ne connait pas le Jambon d’Aoste ? L’authentique jambon d’Aoste est d’origine italienne, protégé par une AOP (Appellation d’Origine Protégée) et produit en quantité limitée à St Rhémy-en-Bosses, dans la province d’Aoste, au pied du Col du Grand Saint Bernard jusqu’au jour ou, en 1976, un astucieux commerçant nommé Michel Reybier a profité de la confusion possible avec la petite bourgade d’Aoste en Isère, et le petit hangar d’alors s’est agrandi aujourd’hui pour devenir une immense usine, afin de produire le jambon du même nom, mais pas seulement : le groupe Aoste produit aussi Cochonou, Justin Bridou et compagnie. Bien sûr, les petits producteurs Italiens du jambon d’Aoste, ont trainé l’entreprise française devant la justice, et ont eu naturellement gain de cause, obligeant les copieurs a ajouter (en tout petit) le mot France, d’autant que la commission européenne s’était émue de cette situation, mais aujourd’hui, qu’importe, puisque le groupe a été d’abord acheté par le groupe espagnol Campofrio Food Group, lui-même détenu par Smithfield Foods, un groupe américain, propriété aujourd’hui du chinois Shuanghui.

Par contre, à l’inverse de ce que l’on pourrait penser, Panzani n’est pas italien, et cette marque française est devenue la propriété depuis 2005 du groupe espagnol Ebro Food, le deuxième groupe de distribution de pâtes alimentaires dans le monde, lequel possède aussi les pates Lustucru.

Et quid des sardines Saupiquet ? La marque a été achetée en 2000 par le groupe italien Bolton, propriétaire des colles UHU

Quittons les sardines italiennes pour le thon Petit Navire, l’entreprise Thaïlandaise Thaï Union Frozen Products, numéro 3 mondial du poisson en boite, l’a acheté contre 660 millions d’euros.

Vico, crée en 1955 à Vic sur Aisne, d’où son nom, le roi de la pomme de terre, maintenant aussi roi de l’apéritif, avec Curly, a été acheté en 1998 par le groupe allemand Intersnack.

Le camembert, fleuron de la Normandie, et produit en principe au lait cru provenant des prairies normandes n’échappe pas à la règle. Le plus gros producteur est le groupe Lactalis, condamné pour « fraude sur le lait et publicité mensongère  » a profité du vide juridique pour vendre un camembert fabriqué au lait « thermisé » et non au lait cru, ce même lait dont 3 milliards de litres sont collectés à l’étranger, sur les 8 milliards utilisés.

Pour passer entre les gouttes juridiques, il suffit de faire figurer sur les étiquettes la mention « fabriqué en Normandie », au lieu de « camembert de Normandie », appellation d’origine contrôlée.

Et quid de nos voitures ?

Citroën, quitte à ce que l’ancêtre André Citroën se retourne dans sa tombe, a transféré ses 2 sièges historiques à Berne et à Zurich.

Renault, après en avoir délocalisé en Roumanie, a inauguré en février 2012 une usine géante au Maroc, où le salaire mensuel est de 240 €.

Peugeot a suivi le même mouvement, et aujourd’hui il n’y a plus que le tiers de la production mondiale de PSA et de Renault qui reste française.

Mais rassurons-nous, un produit restera toujours français, la pantoufle charentaise, malgré la concurrence chinoise…

Comme dit mon vieil ami africain : « si un homme rit, c’est d’autrui, s’il pleure, c’est de lui ».

Olivier Cabanel

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , , , ,

Une réponse pour Ne m’appelez plus jamais France ! Par Olivier Cabanel

  1. line.m le 20 février 2014 à 14 h 53 min

    Document très instructif pour ceux qui,comme moi, pensaient que tous ces produits qui ont marqué notre enfance et notre existence toute entière étaient encore français.
    Quelle catastrophe pour notre pays qui a perdu ces fleurons du génie français. Vive la mondialisation vantée par nos médias et gouvernants depuis des décennies! Si elle a fourni du travail aux pauvres gens des pays du tiers-monde contre des salaires de misère, combien de nos compatriotes ont perdu le leur ? La dégringolade va se poursuivre à moins que notre ministre du redressement productif, armé de sa baguette magique, ne renverse la tendance. Guignol va, comme ceux qui l’ont précédé !

Répondre à line.m Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*