Société France

Il parait donc que les Français se sont rués en masses pour acheter le dernier numéro de Charlie Hebdo… les 700 000 exemplaires imprimés se sont, nous ont dit tous les médias de France et de Navarre, littéralement arrachés. Bon…

Je ne sais si les chiffres de diffusion annoncés par la presse, les télés et les radios sont vrais… je n’en suis en réalité pas du tout sûr. « Chat échaudé… » vous connaissez la suite. Comme je ne suis pas vraiment sûr que cette ruée en masses soit le signe, pour bon nombre des acheteurs, d’un quelconque soutien à Charlie Hebdo et à sa ligne éditoriale, ni même à la « liberté d’expression ». Je suis en réalité même convaincu qu’une très grande partie des acheteurs compulsifs d’hier se sont surtout rués sur leurs kiosques parce que, comme d’autres participent à une « marche blanche » après tel ou tel fait divers, comme des centaines de milliers (et même nous dit-on de millions) d’autres qui ont participé aux marches de dimanche en brandissant le slogan « je suis Charlie », ils ont eu en le faisant le sentiment de sortir de leur anonymat et de faire, pour un instant, « partie de l’histoire », ou au moins d’être dans l’évènement médiatique qui a presque exclusivement mobilisé la France et une partie du monde (très principalement occidental).

Sans compter tous ceux qui, faisant preuve d’une noblesse, d’un civisme et surtout d’un désintéressement qui n’échappera à personne, se sont rués aux première heures du jour sur les kiosques à journaux pour rafler cinq, dix, vingt exemplaires d’un numéro « historique » – qui va immédiatement être considéré comme un « collector » – et qui dans le même mouvement vont désormais se précipiter pour le mettre en vente sur les sites de petites annonces, effectuant ainsi et à peu de frais un très juteux bénéfice. Cela a commencé le jour même sur Ebay, comme vous pourrez par exemple le constater ici (« 50 € pièce, six exemplaires disponibles ») ou là (« 34,90 € pièce, 3 vendus, plus de dix disponibles »)… élan citoyen, solidarité et noblesse d’âme, on vous dit !

Dérisoire ? Pathétique, voire dégueulasse ? Certes. Mais plus encore… et je m’adresse là à ces acheteurs « sincères » du Charlie Hebdo d’hier : maintenant que vous avez participé à cette grande cause nationale : « soutenir et sauver Charlie Hebdo »… maintenant que vous l’avez donc acheté et aussi, je le suppose, même en diagonale, au moins parcouru… êtes-vous toujours « Charlie » ?

Tout le monde a vu sans doute la une de l’édition du 14 janvier, qui en rajoute donc une couche dans le blasphème (pour les croyants musulmans) en représentant le Prophète la larme à l’œil et un slogan « je suis Charlie » à la main. Une une comme le revendique encore et toujours ce canard une nouvelle fois totalement « irresponsable » qui a, quelle surprise, scandalisé dans les pays d’islam, de l’Egypte à l’Iran, du Qatar au Pakistan, de Jordanie au Sénégal en passant par la Palestine…

Mais en dehors de cette une, une nouvelle fois consternante de bêtise et de provocation inutile (et retournez-la donc un peu juste pour voir le niveau de vulgarité et d’insulte qu’y a atteint son auteur, Luz)…  êtes-vous heureux, êtes vous fiers, mesdames et messieurs les « Charlie » d’avoir acheté, « par solidarité », « pour défendre la liberté d’expression », « pour sauver le journal qui ne doit pas mourir » ou je ne sais quel autre très noble motif, et au final d’avoir donné 3 euros pour… « ça » ?

(Quelques dessins parus dans l’édition du 14 janvier)

Douceur, gentillesse, bienveillance, poésie pure, vous en conviendrez, et comme l’avait d’ailleurs fort justement affirmé Franz-Olivier Giesbert, l’autre jour sur le plateau de TV 5 :

« Des poètes  »…

Alors oui… franchement… êtes-vous toujours « Charlie » ?

Marc LEROY – La Plume à Gratter

Mots clés : blasphème, Charlie Hebdo, Franz-Olivier Giesbert, médias, presse